Vendredi dernier, Ă sa descente dâavion, le prĂ©sident de lâOng « Horizons sans frontiĂšres », Boubacar SĂšye, a Ă©tĂ© cueilli par les policiers. Il lui est reprochĂ© dâavoir diffamĂ© le gouvernement qui aurait reçu une somme de 118 milliards de lâUnion europĂ©enne dans le cadre de la lutte contre lâimmigration clandestine. Quâen estil de cet argent ? Le moins que lâon puisse dire est que ceux qui devraient bĂ©nĂ©ficier de ces fonds de lâUE, notamment les jeunes rapatriĂ©s de lâimmigration clandestine, Ă©carquillent gros les yeux lorsquâon leur parle de cet argent dont ils affirment ne pas avoir vu la couleur. De Thiaroye, Ă SoumbĂ©dioune en passant par Yarakh, de mĂȘme quâĂ Mbour, ce financement de 118 milliards ressemble Ă une ArlĂ©sienne. Alors de deux choses lâune : soit lâUnion europĂ©enne nâa jamais dĂ©bloquĂ© le financement en question, soit alors il a pris une autre destination. Pour dire que ces fortes zones de dĂ©parts de migrants clandestins oĂč se sont rendus nos reporters semblent conforter les dires du patron de lâONG « Horizon Sans FrontiĂšres ».
Le secrĂ©taire dâĂtat aux SĂ©nĂ©galais de lâExtĂ©rieur, MoĂŻse Sarr, invitĂ© de lâĂ©mission « Jury du dimanche » dâIradio, est montĂ© au crĂ©neau pour rĂ©agir sur la sortie du prĂ©sident dâ « Horizons sans frontiĂšres ». DâaprĂšs MoĂŻse Sarr, M. SĂšye a diffamĂ© lâautoritĂ© en profĂ©rant des accusations gratuites Ă lâencontre du gouvernement. « Je connais trĂšs bien Boubacar SĂšye. A plusieurs reprises, il a eu des positions… Mais Ă un certain moment, nous sommes tous dâaccord quâon garantit dans ce pays la libertĂ© dâexpression, maintenant, et je pense que câest extrĂȘmement important, on ne peut pas, parce quâon est prĂ©sident dâune Ong, porter des accusations gratuites contre un gouvernement responsable comme celui du SĂ©nĂ©gal. Jâai vu et jâai lu dans la presse quâil a accusĂ© le gouvernement du SĂ©nĂ©gal dâavoir dĂ©tournĂ© des milliards (180 millions dâeuros, ndlr) qui ont Ă©tĂ© financĂ©s par lâUnion europĂ©enne pour lutter contre la migration irrĂ©guliĂšre. Et il a mĂȘme dit quâil dĂ©tient les preuves. Donc je pense, aujourdâhui, on lui offre une belle opportunitĂ© de pouvoir sortir toutes ces preuves devant la justice et devant le peuple sĂ©nĂ©galais. Aujourdâhui, si quelquâun vous diffame, automatiquement vous allez rĂ©agir. Vous allez au moins lui servir soit une interpellation, soit plutĂŽt une sommation interpellative », avait dĂ©clarĂ© M. Sarr.
Sauf quâau niveau des malheureux candidats Ă lâĂ©migration clandestine rapatriĂ©s, on semble conforter les dires de M. SĂšye en soutenant nâavoir jamais vu la couleur de cet argent. Tout le problĂšme Ă©tant de savoir, bien sĂ»r, si ces fameux 180 millions dâeuros ont jamais Ă©tĂ© dĂ©caissĂ©s par lâUnion europĂ©enne ! Il est 09h au quai de pĂȘche de Thiaroye. La fraicheur matinale nâa pu retenir des dames venues sâapprovisionner en poissons.
Assises Ă la terrasse installĂ©e en face de la mer, elles attendent le retour des pĂȘcheurs de la mer. De lâautre cĂŽtĂ© sont installĂ©s des tabliers. Le poisson est rare en ce dĂ©but de matinĂ©e. Peu de pirogues ont accostĂ© sur la rive. DâaprĂšs un interlocuteur croisĂ© sur les lieux, la raretĂ© du poisson dans cette zone a fait que beaucoup de pirogues ont migrĂ© vers Mbour, Joal, Kafountine etc. Les rares embarcations restantes sont allĂ©es en mer dĂšs lâaube.
Lâambiance est plutĂŽt calme en cette matinĂ©e mĂȘme si quelques pĂȘcheurs ont pris dâassaut la terrasse. Contrairement aux annĂ©es prĂ©cĂ©dentes oĂč, Ă en croire Massalika Diop, plus de 300 personnes ont perdu la vie dans lâocĂ©an, cette annĂ©e le quai de Thiaroye nâa pas Ă©tĂ© une zone dâembarquement de candidats Ă lâĂ©migration. « Jâai entendu la nouvelle de lâarrestation de Boubacar SĂšye Ă lâaĂ©roport dans les radios. Jâai su les raisons de son interpellation. Nous dĂ©nonçons cela. Notre secteur est carrĂ©ment anĂ©anti. Huit de nos collĂšgues ont tentĂ© lâĂ©migration clandestine. Ils avaient embarquĂ© Ă Saint-Louis. ArrivĂ©s en Espagne, ils faisaient partie du convoi qui a Ă©tĂ© rapatriĂ©. Je suis en contact avec eux. Mais je peux vous dire quâaucun dâentre eux nâa bĂ©nĂ©ficiĂ© de ce fonds dont parle la presse. Ces autoritĂ©s, de mĂȘme que lâadministration qui les reprĂ©sente, ne sont lĂ que pour leurs propres intĂ©rĂȘts. En tout cas, pas ceux des acteurs. Je remercie celui qui a soulevĂ© ce problĂšme. Nâeut-Ă©tĂ© lui personne, y compris moi qui vous parle, ne saurait lâexistence de ce fonds dâappui de lâUnion europĂ©enne. Peut-ĂȘtre quâil y a des gens qui savaient et qui nâosaient pas dĂ©noncer cela. Des bĂ©nĂ©ficiaires de ce financement, on nâen trouve pas au niveau de ce quai. Et on aimerait que les autoritĂ©s nous disent ceux qui en ont bĂ©nĂ©ficiĂ© » a indiquĂ© lâun des pĂȘcheurs de ce quai de pĂȘche, Massiga Diop.
Il est revenu entre autres sur les difficultĂ©s que rencontre leur secteur notamment lâoctroi de licences de pĂȘche aux navires Ă©trangers. A en croire ce vieux pĂȘcheurs, câest lâune des causes qui expliquent trĂšs souvent la raretĂ© du poisson et lâĂ©migration clandestine des jeunes.
LâEtat exigĂ© Ă Ă©claircir lâaffaire
Lâarrestation du prĂ©sident dâHorizons sans frontiĂšres, aprĂšs des rĂ©vĂ©lations selon lesquelles lâEtat du SĂ©nĂ©gal aurait reçu de lâUE un fonds de 118 milliards, crĂ©e un tollĂ© et pousse les concernĂ©s Ă exiger la lumiĂšre sur cette affaire. « Jâignorais totalement quâun tel fonds existait. Nos autoritĂ©s ont intĂ©rĂȘt Ă Ă©claircir cette affaire. Jâai deux amis qui ont Ă©tĂ© rapatriĂ©s. A part les 10 mille FCFA quâils ont reçus Ă lâaĂ©roport, ils nâont bĂ©nĂ©ficiĂ© dâaucune autre aide venant de lâEtat encore moins de lâUE. Le plus important, ce nâest pas de procĂ©der Ă des arrestations, mais de clarifier si rĂ©ellement lâEtat a reçu cet argent » a ajoutĂ© le mareyeur Khadim Sambe.
Nos interlocuteurs, rencontrĂ©s au niveau de ce quai de pĂȘche, sont unanimes. Aucune de leurs connaissances nâa bĂ©nĂ©ficiĂ© de ce fonds de lâUE. Aussi exigent-ils de lâEtat de sortir la liste des bĂ©nĂ©ficiaires de ce fonds.
MĂȘme incrĂ©dulitĂ© au quai de pĂȘche Hann, Yarakh
Le quai de pĂȘche de Hann et Yarakh grouille de monde. Clients, pĂȘcheurs et mareyeurs occupent les lieux. Ici Ă©galement, les acteurs disent ignorer les bĂ©nĂ©ficiaires de ce financement octroyĂ© au SĂ©nĂ©gal par lâUnion europĂ©enne. « Peut-ĂȘtre que cela tarde Ă se matĂ©rialiser. Cet appui, en tout cas, nous ne lâavons pas senti. Nous nâavons pas non plus vu un candidat Ă lâĂ©migration rapatriĂ© en bĂ©nĂ©ficier. Peut-ĂȘtre quâaussi quâils ne nous ont pas tout dit. Câest bien que le prĂ©sident de Horizons sans frontiĂšres ait soulevĂ© ce problĂšme » confie Aziz Ndoye, la quarantaine, qui soutient connaitre beaucoup de candidats Ă lâĂ©migration rapatriĂ©s et qui vivent dans un dĂ©nuement total.
A SoumbĂ©dioune Contrairement aux autres quais visitĂ©s, celui de SoumbĂ©dioune affiche un calme plat. Pas beaucoup de pĂȘcheurs trouvĂ©s sur place. Les quelques rares qui se trouvaient lĂ disent ne pas ĂȘtre au courant de lâexistence dâun tel fonds. Selon Babacar Pouye, lâun dâentre eux, cette affaire, tout le monde en parle Ă SoumbĂ©dioune mais personne ne peut vous montrer un acteur qui aurait reçu de lâargent venant de lâUnion EuropĂ©enne. « Je crois que cette affaire mĂ©rite dâĂȘtre Ă©claircie pour que lâopinion puisse connaĂźtre la destination de ces fonds de 118 milliards de francs. Câest extraordinaire comment les choses sont gĂ©rĂ©es dans notre pays ! » souligne notre interlocuteur. Il est rejoint par Moussa GuĂšye, un jeune pĂȘcheur.
Ce dernier conforte tout ce quâa dit son aĂźnĂ© Babacar Pouye Ă propos de ce financement dont tout le monde parle ces derniers jours et que personne ne semble avoir vu Ă SoumbĂ©dioune.
Le TĂ©moin