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vendredi, avril 26, 2024
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NĂ©buleuse autour des 180 millions d’euros de l’UE: les pĂȘcheurs affirment ne pas avoir vu la couleur de l’argent

par pierre Dieme

Vendredi dernier, Ă  sa descente d’avion, le prĂ©sident de l’Ong « Horizons sans frontiĂšres », Boubacar SĂšye, a Ă©tĂ© cueilli par les policiers. Il lui est reprochĂ© d’avoir diffamĂ© le gouvernement qui aurait reçu une somme de 118 milliards de l’Union europĂ©enne dans le cadre de la lutte contre l’immigration clandestine. Qu’en estil de cet argent ? Le moins que l’on puisse dire est que ceux qui devraient bĂ©nĂ©ficier de ces fonds de l’UE, notamment les jeunes rapatriĂ©s de l’immigration clandestine, Ă©carquillent gros les yeux lorsqu’on leur parle de cet argent dont ils affirment ne pas avoir vu la couleur. De Thiaroye, Ă  SoumbĂ©dioune en passant par Yarakh, de mĂȘme qu’à Mbour, ce financement de 118 milliards ressemble Ă  une ArlĂ©sienne. Alors de deux choses l’une : soit l’Union europĂ©enne n’a jamais dĂ©bloquĂ© le financement en question, soit alors il a pris une autre destination. Pour dire que ces fortes zones de dĂ©parts de migrants clandestins oĂč se sont rendus nos reporters semblent conforter les dires du patron de l’ONG « Horizon Sans FrontiĂšres ».

Le secrĂ©taire d’État aux SĂ©nĂ©galais de l’ExtĂ©rieur, MoĂŻse Sarr, invitĂ© de l’émission « Jury du dimanche » d’Iradio, est montĂ© au crĂ©neau pour rĂ©agir sur la sortie du prĂ©sident d’ « Horizons sans frontiĂšres ». D’aprĂšs MoĂŻse Sarr, M. SĂšye a diffamĂ© l’autoritĂ© en profĂ©rant des accusations gratuites Ă  l’encontre du gouvernement. « Je connais trĂšs bien Boubacar SĂšye. A plusieurs reprises, il a eu des positions… Mais Ă  un certain moment, nous sommes tous d’accord qu’on garantit dans ce pays la libertĂ© d’expression, maintenant, et je pense que c’est extrĂȘmement important, on ne peut pas, parce qu’on est prĂ©sident d’une Ong, porter des accusations gratuites contre un gouvernement responsable comme celui du SĂ©nĂ©gal. J’ai vu et j’ai lu dans la presse qu’il a accusĂ© le gouvernement du SĂ©nĂ©gal d’avoir dĂ©tournĂ© des milliards (180 millions d’euros, ndlr) qui ont Ă©tĂ© financĂ©s par l’Union europĂ©enne pour lutter contre la migration irrĂ©guliĂšre. Et il a mĂȘme dit qu’il dĂ©tient les preuves. Donc je pense, aujourd’hui, on lui offre une belle opportunitĂ© de pouvoir sortir toutes ces preuves devant la justice et devant le peuple sĂ©nĂ©galais. Aujourd’hui, si quelqu’un vous diffame, automatiquement vous allez rĂ©agir. Vous allez au moins lui servir soit une interpellation, soit plutĂŽt une sommation interpellative Â», avait dĂ©clarĂ© M. Sarr.

Sauf qu’au niveau des malheureux candidats Ă  l’émigration clandestine rapatriĂ©s, on semble conforter les dires de M. SĂšye en soutenant n’avoir jamais vu la couleur de cet argent. Tout le problĂšme Ă©tant de savoir, bien sĂ»r, si ces fameux 180 millions d’euros ont jamais Ă©tĂ© dĂ©caissĂ©s par l’Union europĂ©enne ! Il est 09h au quai de pĂȘche de Thiaroye. La fraicheur matinale n’a pu retenir des dames venues s’approvisionner en poissons.

Assises Ă  la terrasse installĂ©e en face de la mer, elles attendent le retour des pĂȘcheurs de la mer. De l’autre cĂŽtĂ© sont installĂ©s des tabliers. Le poisson est rare en ce dĂ©but de matinĂ©e. Peu de pirogues ont accostĂ© sur la rive. D’aprĂšs un interlocuteur croisĂ© sur les lieux, la raretĂ© du poisson dans cette zone a fait que beaucoup de pirogues ont migrĂ© vers Mbour, Joal, Kafountine etc. Les rares embarcations restantes sont allĂ©es en mer dĂšs l’aube.

L’ambiance est plutĂŽt calme en cette matinĂ©e mĂȘme si quelques pĂȘcheurs ont pris d’assaut la terrasse. Contrairement aux annĂ©es prĂ©cĂ©dentes oĂč, Ă  en croire Massalika Diop, plus de 300 personnes ont perdu la vie dans l’ocĂ©an, cette annĂ©e le quai de Thiaroye n’a pas Ă©tĂ© une zone d’embarquement de candidats Ă  l’émigration. « J’ai entendu la nouvelle de l’arrestation de Boubacar SĂšye Ă  l’aĂ©roport dans les radios. J’ai su les raisons de son interpellation. Nous dĂ©nonçons cela. Notre secteur est carrĂ©ment anĂ©anti. Huit de nos collĂšgues ont tentĂ© l’émigration clandestine. Ils avaient embarquĂ© Ă  Saint-Louis. ArrivĂ©s en Espagne, ils faisaient partie du convoi qui a Ă©tĂ© rapatriĂ©. Je suis en contact avec eux. Mais je peux vous dire qu’aucun d’entre eux n’a bĂ©nĂ©ficiĂ© de ce fonds dont parle la presse. Ces autoritĂ©s, de mĂȘme que l’administration qui les reprĂ©sente, ne sont lĂ  que pour leurs propres intĂ©rĂȘts. En tout cas, pas ceux des acteurs. Je remercie celui qui a soulevĂ© ce problĂšme. N’eut-Ă©tĂ© lui personne, y compris moi qui vous parle, ne saurait l’existence de ce fonds d’appui de l’Union europĂ©enne. Peut-ĂȘtre qu’il y a des gens qui savaient et qui n’osaient pas dĂ©noncer cela. Des bĂ©nĂ©ficiaires de ce financement, on n’en trouve pas au niveau de ce quai. Et on aimerait que les autoritĂ©s nous disent ceux qui en ont bĂ©nĂ©ficiĂ© Â» a indiquĂ© l’un des pĂȘcheurs de ce quai de pĂȘche, Massiga Diop.

Il est revenu entre autres sur les difficultĂ©s que rencontre leur secteur notamment l’octroi de licences de pĂȘche aux navires Ă©trangers. A en croire ce vieux pĂȘcheurs, c’est l’une des causes qui expliquent trĂšs souvent la raretĂ© du poisson et l’émigration clandestine des jeunes.

L’Etat exigĂ© Ă  Ă©claircir l’affaire
L’arrestation du prĂ©sident d’Horizons sans frontiĂšres, aprĂšs des rĂ©vĂ©lations selon lesquelles l’Etat du SĂ©nĂ©gal aurait reçu de l’UE un fonds de 118 milliards, crĂ©e un tollĂ© et pousse les concernĂ©s Ă  exiger la lumiĂšre sur cette affaire. « J’ignorais totalement qu’un tel fonds existait. Nos autoritĂ©s ont intĂ©rĂȘt Ă  Ă©claircir cette affaire. J’ai deux amis qui ont Ă©tĂ© rapatriĂ©s. A part les 10 mille FCFA qu’ils ont reçus Ă  l’aĂ©roport, ils n’ont bĂ©nĂ©ficiĂ© d’aucune autre aide venant de l’Etat encore moins de l’UE. Le plus important, ce n’est pas de procĂ©der Ă  des arrestations, mais de clarifier si rĂ©ellement l’Etat a reçu cet argent Â» a ajoutĂ© le mareyeur Khadim Sambe.

Nos interlocuteurs, rencontrĂ©s au niveau de ce quai de pĂȘche, sont unanimes. Aucune de leurs connaissances n’a bĂ©nĂ©ficiĂ© de ce fonds de l’UE. Aussi exigent-ils de l’Etat de sortir la liste des bĂ©nĂ©ficiaires de ce fonds.

MĂȘme incrĂ©dulitĂ© au quai de pĂȘche Hann, Yarakh
Le quai de pĂȘche de Hann et Yarakh grouille de monde. Clients, pĂȘcheurs et mareyeurs occupent les lieux. Ici Ă©galement, les acteurs disent ignorer les bĂ©nĂ©ficiaires de ce financement octroyĂ© au SĂ©nĂ©gal par l’Union europĂ©enne. « Peut-ĂȘtre que cela tarde Ă  se matĂ©rialiser. Cet appui, en tout cas, nous ne l’avons pas senti. Nous n’avons pas non plus vu un candidat Ă  l’émigration rapatriĂ© en bĂ©nĂ©ficier. Peut-ĂȘtre qu’aussi qu’ils ne nous ont pas tout dit. C’est bien que le prĂ©sident de Horizons sans frontiĂšres ait soulevĂ© ce problĂšme Â» confie Aziz Ndoye, la quarantaine, qui soutient connaitre beaucoup de candidats Ă  l’émigration rapatriĂ©s et qui vivent dans un dĂ©nuement total.

A SoumbĂ©dioune Contrairement aux autres quais visitĂ©s, celui de SoumbĂ©dioune affiche un calme plat. Pas beaucoup de pĂȘcheurs trouvĂ©s sur place. Les quelques rares qui se trouvaient lĂ  disent ne pas ĂȘtre au courant de l’existence d’un tel fonds. Selon Babacar Pouye, l’un d’entre eux, cette affaire, tout le monde en parle Ă  SoumbĂ©dioune mais personne ne peut vous montrer un acteur qui aurait reçu de l’argent venant de l’Union EuropĂ©enne. « Je crois que cette affaire mĂ©rite d’ĂȘtre Ă©claircie pour que l’opinion puisse connaĂźtre la destination de ces fonds de 118 milliards de francs. C’est extraordinaire comment les choses sont gĂ©rĂ©es dans notre pays ! Â» souligne notre interlocuteur. Il est rejoint par Moussa GuĂšye, un jeune pĂȘcheur.

Ce dernier conforte tout ce qu’a dit son aĂźnĂ© Babacar Pouye Ă  propos de ce financement dont tout le monde parle ces derniers jours et que personne ne semble avoir vu Ă  SoumbĂ©dioune.

Le TĂ©moin

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