lundi, octobre 14, 2024
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Délinquance à col blanc au Sénégal: La corruption, un mal incurable ?

par pierre Dieme

Depuis notre indépendance, corruption et délits assimilés ont toujours été les bêtes noires de tous les régimes politiques qui se sont succédés.

Les différents présidents de la République, de Senghor à Macky en passant par Abdou Diouf et Abdoulaye Wade ont mis en avant un arsenal répressif qui s’est avéré par la suite inopérant.
C’est d’ailleurs avec Diouf qu’un arsenal hors pair a été activé. Le délit d’enrichissement illicite et la Cour de répression de l’enrichissement illicite ont été l’artillerie lourde d’une guerre qui, au finish, n’a pas été gagnée. La Crei d’alors n’a jugé que trois cas au maximum. Réactivé 30 ans plus tard, elle a fait pire avec dans sa besace, l’affaire Karim Wade.

A l’arrivée de Macky, la mise en place de l’Ofnac devrait normalement siffler la fin de la récréation. Car, l’office national de lutte contre la fraude et la corruption avait essentiellement pour mission, si l’on se fie aux déclarations du Chef de l’Etat, de poursuivre des caciques du régime qui seraient tentés de verser dans des actes de prévarication.
Malheureusement, la montagne a aussi accouché d’une souris. 19 rapports de l’Ofnac n’ont été suivis d’effets. Certaines des personnalités épinglées par les différentes institutions de contrôle dont la Cour des comptes, l’Inspection générale d’Etat (Ige), etc. ont même eu des promotions.

La réalité est que Macky n’a poursuivi aucun de ses proches. Tout l’appareil répressif anti-corruption sous son magistère n’a fonctionné qu’à l’égard de ses opposants.
Pis, depuis 2015, ces institutions ont toutes brillé par l’absence de leurs rapports qui devraient être annuels. Bizarrement, c’est à partir de maintenant que les rapports commencent à sortir des tiroirs. La Cour des comptes a publié tout récemment ses rapports 2015, 2016, 2017.

L’Ige a publié ses rapports 2016, 2017, 2018 et 2019. Ce qui s’est passé, c’est que de 2016 à maintenant, aucun rapport n’avait été publié.
Or, ironie du sort, en 2016, il y a eu un référendum, des législatives en 2017, le parrainage en 2018 et la présidentielle en 2019. Et pendant toute cette période, les rapports n’ont pas été déposés par des institutions qui y sont contraints de par la loi. 

Avouons que la coïncidence est malheureuse.
Ce qui se passe dans notre pays, c’est le système politique de présidentialisme fort. Le Chef d’Etat concentre tous les pouvoirs entre ses mains. Du fait de la magie des textes, il peut tout faire et tout défaire. Tout dépend de sa volonté.
Or, le Président étant chef de parti, il est aussi chef de clan. Et comme dans la Camorra, il défend les siens. 

L’autre obstacle majeur qui se dresse devant nous, c’est le lien ombilical entre le Parquet qui a l’opportunité des poursuites et le Ministère de la Justice.
Il ne sert à rien de mettre en place un Parquet financier comme le préconisent certains si ce dernier doit être assujetti à l’exécutif.
Il faudra alors soit rompre ce lien ombilical et rendre le parquet indépendant ou bien l’aménager de telle sorte que ses magistrats puissent travailler en toute indépendance.
Mais tant que les choses seront à l’état, le Chef de clan ne va pas laisser poursuivre les siens qui ont tant fait pour son élection.

Car, il sait que le système lui permet de juger de l’opportunité ou non de traduire quelqu’un en justice. C’est toute l’équation à laquelle nous sommes confrontés. Et c’est pour cela que la corruption devient un mal incurable.
Car, elle enrichit des hommes politiques qui n’ont pas envie de se priver de cet excellent raccourci d’accession sociale. 

Assange Samb de Rewmi

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