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vendredi, avril 19, 2024
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Incursion dans des favelas de l’opium de la jeunesse

par pierre Dieme

Les salles de « Parifoot » pullulent dans la capitale et jusque dans la banlieue. Dans ces salles de jeux, toute une jeunesse se retrouve avec l’espoir de se retrouver avec une belle cagnotte. Il faut bien vivre d’espoir, en ces temps de crise… Lors des manifestations violentes du début de ce mois, les jeunes ont brûlé des édifices publics, des maisons, des entreprises privées, attaqué des brigades de gendarmerie et commissariats de police mais en épargnant les salles de « Parifoot ». Tout un symbole !

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Un peu partout en banlieue dakaroise, notamment à Pikine, Guédiawaye, Thiaroye, Keur Massar, la jeunesse se shoote au jeu du « Parifoot » dans l’espoir de remporter des gains financiers. La salle de « Parifoot », située dans l’axe qui mène à la cité la Linguère de Keur Massar, est prise d’assaut par les jeunes. Il est 9h 30 mn du matin en ce début de semaine. Dans son uniforme scolaire, la tête en mode afro, l’élève en classe de première, tout concentré, a les yeux figés sur le tableau d’affichage. « J’ai cours de mathématique à dix heures, mais, comme d’habitude, je prends mon argent du petit déjeuner pour parier. Hier, j’avais gagné 10.000 francs alors que j’avais joué pour 200 francs. Tu vois, grand, c’est intéressant ! Avec cet argent, je gère mon petit déjeuner et ma maman s’occupera de mes deux petites sœurs » nous confie le jeune I. Seck . Cependant, renseigne l’adolescent, il lui arrive de subir de lourdes pertes comme son camarade et voisin chambre. « Je t’ai toujours dit d’éviter les risques. C’est ce qui explique souvent tes lourdes pertes », lui dit son complice de jeu avec qui il avait cotisé pour un pari. Juste à côté de ce groupe de jeunes, un marchand ambulant a transformé ses larges épaules en portemanteau où sont accrochés quelques foulard et tissus. Pape Sène, c’est son nom, est si confiant. Il veut miser et gagner au jeu virtuel. Celui consiste en une roue qui tourne avec des colonnes formant un angle aigu et qui laissent apparaitre deux chiffres. Si la boule s’arrête sur les colonnes portant chacune deux chiffres, le joueur gagne. Le marchand ambulant débute sa mise par la somme de deux cents francs. Perdu ! Voulant à tout prix récupérer sa mise, il lui arrive de jouer jusqu’à 2 000 francs, comme ce mercredi, avant de se rendre compte du désastre. « Barki sérigne bii amna problème », s’exclame-t-il après avoir perdu ses 2.000 cfa. A l’en croire, l’argent était destiné à faire une transaction au village via Orange money pour la dépense du jour de ses parents. Mais c’est la loi implacable du jeu, tu gagnes ou tu perds. C’est à cet ces instant précis qu’un jeune homme se présente devant les deux demoiselles qui gèrent la salle. Le nouveau venu est un enseignant. Fourrant la main dans sa poche arrière, il sort cinq billets de deux mille francs pour une mise de 10.000 cfa. K. Diop, c’est son nom, est un accro du jeu. « Mon frère, en trois jours, j’ai perdu plus de 30.000 cfa. Mais le jeu en vaut pas la chandelle. Il faut que je joue. Car, l’année dernière, à l’approche du ramadan, j’avais gagné deux cent mille francs et ça m’avait beaucoup aidé. Mais depuis lors, je n’ai pas gagné une telle somme. N’empêche, je garde espoir. Il m’arrive certes de gagner, mais pas encore de grosses sommes » témoigne le jeune enseignant K. Diop. A l’en croire, le jeu de la roue fait perdre plus que les autres jeux

Véritable centre d’accueil pour une jeunesse pari-footeuse

A quelques mètres de la « Pharmacie 24 » de la commune de Keur Massar, se trouve la grande salle de « Parifoot ». Un groupe d’adolescents, chacun tenant un hamburger, prend d’assaut la salle avec leurs chahuts. Ils promettent de passer la journée à l’intérieur. Interpellés sur l’origine de l’argent qu’ils misent, chacun y va de son explication. Face à la réponse d’un des garçons, M. F, en classe de troisième, s’offre une rigolade et balance à l’intention de son camarade apprenti menuisier. « Tu ne dis pas la vérité car la dernière fois tu avais volé ton patron. C’est raison pour laquelle il t’avait renvoyé », chahute l’élève. Et ce fut le début d’une dispute. Interpellés sur le fait que les magasins de « Pari foot » n’ont pas été brûlés durant les manifestations pour la libération de Sonko, la question les laisse bouché bée avant que l’un d’eux prenne la parole.« « Non grand, toi aussi ! Le « Parifoot », c’est notre patrimoine. Et puis, souvent, à la maison nos grands frères qui travaillent en ville et même nos tantes participent à la mise. Si on gagne une importante somme, cela peut servir à la ration familiale ou à payer la facture d’électricité ou de l’eau » explique Ousseynou Faye le jeune menuisier du groupe. Un autre des garçons, un élève, prétend que sa mise provient de son grand frère qui lui remet chaque mois cinq mille francs. Et s’il gagne, l’argent sert au payement de la facture de l’électricité tandis que le reste lui revient. A l’intérieur de la salle, Tidiane Barry est un ressortissant guinéen. Il avoue être accro aux jeux et passe tout son temps à miser quitte à perdre toutes ses économies…

L’interdiction pour «-18 ans » contournée

Il est 13heures dans la salle de « Parifoot » de Colobane, l’une des plus grandes de Dakar. Si ce n’est la plus grande puisque le bâtiment dans laquelle elle se trouve abrite également le siège de la société qui gère les « Parifoot ». Deux vigiles sont devant la porte avec leurs gels alcooliques. Juste pour la façade car, à l’intérieur, pas de masques ni de distanciation physique. Aucun geste barrière n’est respecté. La salle est archicomble ressemblant à un stade de premier league anglais. Une véritable bombe de contamination du variant britannique. Surtout dans un contexte où le relâchement populaire est constaté. Dans cette grande salle, il n’y a pas seulement des jeunes mais également des pères de famille. Juste devant le mur, en face de la porte centrale, des ordinateurs tactiles sont à la disposition des usagers. Ils sont des dizaines à encercler la petite machine. Abdoulaye Cissé est un étudiant à l’université Cheikh Anta Diop. Il raconte son parcours du combattant pour trouver un job. « Si vous savez combien de CV j’ai déposés ! Même les centres d’appels ne recrutent plus. Dans ce pays, il faut être le parent de ou le cousin « de » pour avoir un stage » s’emporte l’étudiant qui dit tirer ses maigres revenus de ce jeu. Dans ce grand centre de pari -foot, même s’il est stipulé que le jeu est interdit aux moins de 18 ans, les garçons mineurs trouvent des subterfuges pour contourner cet interdit. Et ils sont nombreux à prendre d’assaut cette salle qui accueille tous les jeunes de Colobanes, Fass , Gueule Tapé et Gibraltar. Ce qui explique qu’elle est toujours remplie de jeunes et adultes de tous âges. Tous espèrent repartir avec une cagnotte. Malgré les pertes subies, ils reviennent toujours, encore et encore, comme des drogués. Et c’est partout ainsi dans tous les quartiers de la capitale et de sa banlieue. Une véritable fièvre de… Paris fous !

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