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lundi, avril 29, 2024
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Menaces dans l’espace politique : une surenchère qui fausse le débat d’idées et le jeu démocratique

par pierre Dieme

Menace d’une seconde vague après les manifestations de mars dernier, engagement ferme ou intimidation de recourir à une plus intense riposte de la force publique, en cas de nouvelles émeutes : l’espace politique est le lit, ces derniers temps-ci, d’une rhétorique guerrière et d’une prolifération des menaces entre acteurs politiques, qu’ils soient du pouvoir ou de l’opposition. Macky Sall, l’Apr (toutes tendances confondues) et leurs alliés de la mouvance présidentielle, Ousmane Sonko et Pastef-Les Patriotes, Barthélémy Dias comme le M2D (Mouvement pour la défense de la démocratie), de toutes parts fusent des propos va-t-en-guerre qui fissurent le relatif sentiment de détente post-émeutes. Raison suffisante de se demander s’il s’agit là d’une pure logique jusqu’au-boutiste ou de la surenchère tout simplement? Ou même de s’interroger si ces menaces n’hypothèquent-elles pas la logique d’apaisement politico-sociale notée après l’intervention des médiateurs sociaux, à l’instar de Serigne Mountakha et Cie. D’ailleurs, le jeu démocratique fondé sur le débat d’idées, la logique de confrontation des projets de société, peut-il se bonifier dans un tel climat de…tension verbale? Le Pr Moussa Diaw de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis apporte ici son éclairage.

«Ce sont des stratégies pour faire peur. C’est plutôt de la surenchère dans un contexte particulier des rapports de force où chacun manifeste ses capacités à travers les mots à faire peur à l’autre en disant dans un vocabulaire un peu particulier en rapport avec l’usage de la force. Certes, sans toutefois s’en servir peut être. Dans ce contexte, on retrouve la tonalité des ouvrages de Machiavel. C’est du machiavélisme avec la ruse du renard et la force du lion. C’est dans ce sens que les hommes politiques font référence en utilisant justement des propos pour déstabiliser, pour faire en sorte que l’autre ait peur à travers des mots. Mais pour se faire, on est dans une logique de rapports de force, de démonstration de camp. Tout cela ramène à une opposition entre deux acteurs qui n’ont pas forcément les mêmes façons de voir les choses. Et que l’usage de la force et même les références à la force sont là et constituent quand même des ressources que les acteurs politiques pourraient éventuellement convoquer pour déstabiliser leur adversaire. En dépassant cela, il faut savoir que dans l’espace politique sénégalais, les discours de violence, de recourir à la force, sont souvent présents. Même les insultes sont une forme de violence verbale tout comme les discours éducatives. Tout cela est une rhétorique que l’on retrouve et qui est utilisée par les hommes politiques par rapport à des objectifs qu’ils espèrent atteindre. Ce qui montre qu’on est dans une démonstration de force or, dans une démonstration de force et de déstabilisation, les mots sont utilisés, brandis pour dire à l’autre que nous avons une capacité de nuisance comme vous ».

POUR UN DEBAT D’IDEES ET DE PROJETS DE SOCIETE

« Par contre, c’est dommage car on devrait dépasser cela et s’inscrire dans une logique de confrontation des idées. Puisque, c’est ce qui est important dans une démocratie, ce n’est pas une épreuve de force physique, mentale ni symbolique à travers la violence verbale. Mais c’est plutôt la capacité à convaincre à travers des argumentaires, à mobiliser les gens à travers des projets de société. Donc, c’est un débat d’idées qu’on attend plutôt qu’une démonstration de force, malheureusement. Et cela traduit quand même qu’il a une régression de la démocratie où les usages habituellement s’inscrivent dans un esprit républicain. Ce qu’on veut, c’est un débat d’idées, le respect de l’autre et puis le respect des principes et les règles de la démocratie».

LES MEDIATEURS SOCIAUX… COURT-CIRCUITES

« C’est vrai qu’on a transgressé le compromis obtenu grâce à la médiation du Khalife général des Mourides, des autres confréries et des autres acteurs qui se sont associés à cette démarche. Et plus ou moins, ils (médiateurs) avaient réussi à calmer les esprits, à éviter la démonstration de force. Naturellement, les hommes politiques font droit à ces recours et le problème, c’est qu’il y un écart entre ce qui a été retenu et le compromis trouvé avec les chefs religieux et la réalité. Car, la réalité en est toute autre, parce que ces hommes politiques renouent avec leurs vieux comportements de confrontation malgré les promesses de calme, de retour à la paix. A chaque fois, on revient à des habitudes qui consistent à faire ces démonstrations de force. Alors que ça ne respecte pas plus ou moins le compromis qui a été trouvé face à ces médiateurs sociaux »,

DES POPULATIONS ENTRE LE MARTEAU ET L’ENCLUME ?

«On ne peut pas dire que les acteurs politiques prennent en otage les populations. La raison, c’est parce qu’ils ont leurs logiques, leurs argumentaires. Et malheureusement, ils semblent être dépassés par les citoyens car, les populations se trouvent au-dessus de cette façon de faire de la politique. Comme ça, elles (populations) avaient beaucoup plus conscience de leur capacité à aller plus que les hommes politiques. Tout compte fait, on savait qu’il y avait un écart, un retard de la part des politiciens, qui ne tiennent pas un discours qui soit conforme aux attentes des populations. Et le risque, c’est d’aboutir à une défaillance ou un manque de participation politique aux élections prochaines ».

RHETORIQUE PATHOGENE AU JEU DEMOCRATIQUE

«Je ne pense pas que le jeu politique peut se bonifier dans un tel climat, fait de menace et de discours de violence. Parce qu’il y a un recul, il n’y a plus cette imagination politique, cette réflexion d’idées de grands auteurs et de qualité pour permettre aux citoyens de saisir ce débat pour en tirer des substances qui leur permettront d’avoir des politiques publiques qui soient conformes à leurs attentes. Et forcément, il y aura une rupture parce qu’aujourd’- hui, ce discours politique n’est pas à la hauteur».

Par Barthelemy COLY (Stagiaire) &MD

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