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dimanche, mai 5, 2024
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Boubacar Camara : «Une liste unique ferait office de référendum entre Benno et l’opposition»

par pierre Dieme

Boubacar Camara travaille pour une liste unique de l’opposition. Car le président du Parti de la construction et de la solidarité Pcs (Jengu tabax) juge «possible et obligatoire» une cohabitation en perspective des Législatives du 31 juillet. Dans cet entretien, l’opposant et ancien directeur des Douanes décortique la politique économique du gouvernement.

Dans l’affaire Astou Sokhna, le président de la République a limogé le directeur de l’hôpital. Pensez-vous que Macky Sall est déterminé à régler le problème de nos hôpitaux ?
Triste affaire ! Je présente mes condoléances à la famille de Mme Sokhna et à toutes les femmes toujours traumatisées par l’épreuve de la procréation. Mourir en donnant la vie n’est pas concevable, surtout lorsque des manquements sont constatés dans le ­traitement des patients. Cet événement malheureux ­constitue un grain de sable qui vient noircir le tableau des inaugurations et des bonnes nouvelles sportives. Il s’y ajoute la pression des syndicats d’enseignants et du personnel de santé, la hausse vertigineuse des prix, le chômage endémique et la préparation des joutes électorales. Le vieux dossier de l’hôpital Le Dantec est dépoussiéré. Pour combien de temps ? C’est connu mais c’est un disque rayé. Tout le monde sait que la santé doit être soignée au Sénégal, sur tous les plans. La vraie solution pour l’épanouissement sanitaire du capital humain passe par une politique de ­prévention générale et médicale, par l’atteinte d’un pourcentage du budget de 15% (recommandation Union ­africaine) dédié à la santé au lieu des moins de 5% présentement et bien en deçà de la norme Oms de 10%. Tout le monde sait qu’au Sénégal, entre le diagnostic d’une maladie et sa prise en charge, s’incruste douloureusement le coût élevé des soins. Le cas de l’insuffisance rénale en est une illustration éloquente. Dans quelques jours, le président de la République passera à autre chose au gré de l’actualité, reléguant encore une fois les problèmes de fond au second plan, au grand dam malheureusement des Sénégalais.

Est-ce que la coalition Tabax jotna que vous avez lancée, le week-end ­dernier, incarne la 3ème pour les Législatives du 31 juillet ?
Nous avons lancé le samedi 9 avril dernier la coalition Tabax jotna qui est composé d’une rencontre entre deux coalitions, à savoir la coalition Tabax euleuk dont j’ai été l’initiateur et la coalition Jotna formée au lendemain de l’élection présidentielle. Je précise que nous étions à un moment donné, membres de Jotna. Ces deux coalitions se sont retrouvées avec d’autres partis. Au total, nous avons 39 formations politiques qui sont ­tombées d’accord pour monter cette coalition politique. La particularité de cette organisation, c’est qu’elle est une ­coalition politique et elle va mettre en place un programme de gouvernement, un programme de gestion du Sénégal dans tous les domaines. Cela veut dire que ce n’est pas conjoncturel. Même si on accède au pouvoir ou qu’on le perd, on doit toujours avoir un axe de mis à jour qui nous ­permet d’intervenir sur le terrain politique. Nous avons pris cette option parce que c’est un besoin de cohérence. C’est une coalition de l’opposition qui a une stratégie de conquête du pouvoir. Nous sommes en train de discuter avec Yewwi, Wallu, And Nawlé, And liggey… bref, toute l’opposition pour voir la meilleure stratégie. Dans les jours qui viennent, on saura avec qui partir aux élections.

Avez-vous déjà commencé ces négociations ?
On a commencé à discuter avec beaucoup d’entre eux et ça se passe très bien.

Quelle Assemblée ­nationale faut-il pour le Sénégal ?
C’est la vraie question. On est dans une situation d’organiser les élections législatives avant une élection présidentielle et dont la participation du Président sortant se pose. Il ne doit pas participer à ces élections pour plusieurs raisons. Il faut déjà donner le signal du départ de Macky Sall avec les élections législatives. Donc, il faut une Assemblée nationale composée majoritairement de l’opposition. Le deuxième enjeu est que beaucoup de leaders de l’opposition ont des dossiers judiciaires qui, au moins pour la procédure, ont connu des violations. Il faut que ces leaders soient rétablis dans leurs droits. Donc il faut une Assemblée nationale responsable qui puisse remettre sur la table ces dossiers. On ne parle pas d’impunité mais il faut corriger l’utilisation qui a été faite de ces dossiers pour éliminer des leaders politiques. Le troisième enjeu est qu’il y a des lois qui ont été votées et constituent des menaces pour la liberté des citoyens, notamment la loi sur le terrorisme. Le pouvoir en a profité pour mettre des dispositions d’atteinte à la liberté du citoyen.

Le Sénégal n’a jamais connu de cohabitation. Pensez-vous que c’est ­possible en 2022 ?
Absolument ! C’est possible et obligatoire. Comment y arriver : il faut une liste unique de l’opposition. C’est la promotion que nous sommes en train de faire. Nous sommes en train d’en discuter avec d’autres coalitions.

Cette idée de liste unique a toujours été ­agitée mais jamais réalisée par l’opposition…
Je dis que c’est possible. Il faut une liste unique de ­l’opposition pour être sûr d’avoir une majorité à l’Assemblée nationale. Cette liste unique de l’opposition s’impose pour les Législatives à cause du mode de scrutin sur les listes départementales. Plusieurs listes de l’opposition vont diviser les voix et permettre au pouvoir de se maintenir. Une liste unique ferait office de référendum entre Benno et l’opposition. Nous formerons une liste unique de l’opposition sur la base de la représentation de chaque coalition. C’est pour ça qu’il faut regrouper au maximum l’opposition dans le cadre d’une coalition. Ensemble, on va définir une clé de répartition qui ­permettra de désigner les députés. Il ne faut pas craindre la cohabitation. C’est une forme de respiration de la démocratie. Avec la cohabitation, il n’y aura plus de vassalité entre le ­pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.

Comment jugez-vous le bilan de cette 13ème Législature ?
Le bilan de cette 13ème Législature est très négatif. Son image est écornée parce qu’il y a beaucoup de dossiers judiciaires qui éclaboussent les députés. Même si c’est individuellement que ces questions se posent. Sur le plan international, cela a un gros retentissement surtout concernant l’affaire des faux billets et du trafic de passeports. Comment l’Assemblée nationale a pu laisser l’Etat du Sénégal engager autant d’argent dans des projets dont la priorité est discutable. C’est extrêmement grave ! Cette 13ème Législature a permis au Président Macky Sall d’aller s’endetter pour des projets comme le Ter, un stade à 150 milliards… Comment l’Assemblée a pu laisser ça ? Troisièmement, c’est le traitement des dossiers sur la corruption, l’Assemblée nationale a un rôle de surveillance des deniers de l’Etat. Parfois même, ils mettent des missions d’information au lieu d’enquêter. L’affaire des 94 milliards est restée nébuleuse (Une commission a été mise en place, Ndlr). L’Assemblée nationale est devenue le cimetière des dossiers sur la corruption.

Le Pcs/Jengu tabax a une centaine d’élus ­municipaux et départementaux. ­­Allez-vous intégrer le Réseau des élus locaux du Sénégal créé par la ­coalition Yewwi askan wi ?
Pour l’instant, ce débat ne nous concerne pas. Je pense franchement que ce n’est pas une priorité. Là où on en est, la priorité n’est pas de mettre en place des associations d’élus locaux. L’idée est bonne car il ne faut pas laisser à l’Etat la maîtrise des élus locaux parce qu’il y a des dotations qui doivent être faites. On ne peut obliger les gens à faire partie d’une association. Ils sont libres de mettre en place des associations parallèles. Mais pour moi, ce n’est vraiment pas la priorité.

Qu’est-ce qui explique, selon vous, que la mesure de baisse des prix du sucre, de l’huile et du riz ne soit pas appliquée par les commerçants ?
Cette décision de baisse constitue des coups de bluff politiques parce que le Président n’aucune prise sur le prix. On est dans un système libéral où les gens achètent et vendent librement. Le gouvernement peut se concerter avec certains opérateurs et consentir à renoncer à certaines taxes et leur demander de répercuter ces mesures. Les opérateurs peuvent accepter de le faire à certaines conditions. Ils peuvent dire qu’ils ont des stocks disponibles ou bien l’augmentation proposée est trop faible et que dans quelques mois, ça peut changer. Certains diront qu’il y a une guerre en Europe, que le prix du pétrole a augmenté, que le niveau du fret a augmenté… Donc, c’est du cinéma cette histoire de baisse. Il faut laisser les prix exploser mais créer les conditions pour que le produit soit disponible et moins cher. Pour cela, il faut un changement de cap : il faut produire ce qu’on consomme.

Pourtant, lors de son discours du 3 avril, le Président Macky Sall parle de la souveraineté alimentaire…
Heureusement que vous dites qu’il en a parlé. La meilleure manière de cacher son mal, c’est de crier contre ce mal. Sur la souveraineté alimentaire, Macky Sall est dans la tromperie politique. Il a parlé de 2017 comme année d’autosuffisance en riz. 5 ans après, il revient nous parler de la même chose. Là où il a échoué, avant que les gens ne le disent, il en fait un discours.

Avec le rush des Sénégalais vers le Ter, le débat sur la pertinence de ce moyen de transport est-il définitivement tranché ?
Ce qui est une nécessité, c’est le transport des Sénégalais. On peut transporter les Sénégalais sans dépenser autant d’argent. Et sans être obligé de dépenser autant d’argent pour que cela fonctionne. Le débat, ce n’est pas parce que les gens le prennent que le Ter est bon. Si le Ter est là, il faut le prendre. Qu’est-ce qu’il faut faire ? Personne n’a dit qu’il faut détruire le Ter. Le problème est de savoir est-ce qu’à la place du Ter, on peut avoir un système de transport qui coûte moins cher et qui permet de transporter le maximum de personnes et qui ne fonctionne pas sur la base de l’endettement de l’Etat tous les mois. On prend des milliards pour faire fonctionner une société qui ne sera jamais rentable. Ce n’est pas avec les billets des Sénégalais que le Ter sera rentable. Il faut sortir l’Etat du Ter et le vendre à des privés avec des clauses où on garde les investissements qu’on a faits et que l’exploitation soit donnée à des gens. Le transport fluvial et maritime est beaucoup plus facile à mettre en place. Le Ter est un mauvais investissement.

Lequotidien 

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