La modification de la loi organique sur la Cour suprême avec « l’affirmation du caractère non suspensif du rabat d’arrêt » semble remettre au goût du jour l’affaire de la caisse d’avance de la ville de Dakar. En effet, après avoir refusé à l’ex-maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, le caractère suspensif de la confirmation de sa condamnation par la chambre criminelle de la Cour suprême le 03 janvier 2019 à la suite d’un rabat d’arrêt introduit par ses avocats, l’Etat semble faire aujourd’hui un rétropédalage en introduisant dans la modification adoptée par les députés cette nouvelle écriture du rabat d’arrêt.
Consistant à demander l’annulation d’un arrêt rendu par une chambre de la Cour suprême, le « rabat d’arrêt » avait suscité beaucoup de commentaires en 2017 dans le cadre de l’affaire de la caisse d’avance de la ville de Dakar.
En effet, après le rejet de leurs pourvois par la chambre criminelle de la Cour suprême le 3 janvier 2019, les avocats de l’ancien député-maire de la ville de Dakar, Khalifa Ababacar Sall par ailleurs candidat à l’élection présidentielle du 26 février 2019, avaient recouru à cette procédure présentée par plusieurs juristes à l’époque comme un recours suspensif de toutes les décisions antérieures. Cette démarche des conseillers de l’ex-député maire de Dakar que, beaucoup d’observateurs politiques considéraient comme le principal challenger de l’actuel chef de l’Etat, s’inscrivait dans le but de lui permettre de participer à l’élection présidentielle de février 2019 malgré sa condamnation.
Seulement, les partisans du régime et les avocats de l’Etat étaient montés au créneau pour réfuter ce caractère suspensif du rabat d’arrêt en affirmant que la décision de la chambre criminelle de la Cour suprême, ce 03 janvier 2019, dans cette affaire revêtait un caractère définitif. Aujourd’hui, trois ans après, la modification de cette procédure de « rabat d’arrêt » avec l’affirmation de son caractère non suspensif semble donner raison au camp de Khalifa Ababacar Sall et confirmer un rétropédalage du régime en place qui n’est pas à son coup d’essai, surtout avec l’ancien responsable socialiste.
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À la vérité, on aurait même pas dû en arriver au rabat d’arrêt.
Car, à partir du moment où les effets de l’article 164 CPPont été suspendus par le procureur de la République, lequel avait décidé de remplacer l’enquête préliminaire par le rapport de l’IGE qui ne comportait aucun fait délictuel, il n’y avait plus de procès qui soit conforme à notre législation, ni même aux conventions, chartes etc… auxquelles le Sénégal a souscrit.
Dès lors, il appartenait aux avocats de Khalifa Sall d’en tirer les conséquences à l’interne comme à l’international.
Une telle réaction serait d’autant plus à propos que le fait était constitutif du délit d’immixtion prévu et sanctionné par l’article 118 CP.
Lors de l’élection présidentielle de 2019, il fallait absolument empêcher Khalifa Sall de se porter candidat pour éviter la survenue d’un deuxième tour.
À cet effet, le Conseil Constitutionnel, mis à contribution, devait à tout prix dénier au rabat d’arrêt son caractère suspensif.
Pour ce faire, le juge constitutionnel n’a rien trouvé de mieux que d’amputer l’article 52 de la loi organique de la préposition »en », qui veut dire grammaticalement «dans le cadre du».
Ainsi, au lieu de lire «les articles 36 à 42 sont applicables aux procédures en (dans le cadre du) rabat d’arrêt», le juge constitutionnel a lu «les articles 36 à 42 sont applicables aux procédures».
Malgré tout, il faut noter qu’il reconnaissait que les procédures en rabat d’arrêt ont un caractère suspensif.
Mais, nonobstant cette reconnaissance, le juge a fait immédiatement produire ses effets à l’arrêt de la cour suprême pour considérer que la condamnation de Khalifa Sall était définitive.
Dans la mesure où, les procédures se définissent comme étant les formalités selon lesquelles les affaires pénales doivent être traitées, la durée de la suspension de l’arrêt de la cour suprême devait être légalement égale à la durée nécessaire pour le traitement du rabat d’arrêt.
C’est dire que l’arrêt rendu par le conseil constitutionnel dans cette affaire est invalide, en application de la règle selon laquelle « un acte juridique, pour être valide, est soumis aux conditions de formes édictées par la législation en vigueur ».
En conséquence de ce qui précède, il est évident que Khalifa Sall n’a jamais fait l’objet d’une condamnation définitive qui ait acquis l’autorité de la chose jugée.