Suspicions dâun deal entre le maire, un promoteur et des autoritĂ©s administratives
Dâun projet futuriste pour le village de Boukhou Ă une distribution abusive dâun titre foncier appartenant Ă lâEtat du SĂ©nĂ©gal, difficile de trouver une partie du pays qui Ă©chappe aux litiges fonciers.
Diass, nouvelle ville. Lâhistoire ne germait pas que dans la tĂȘte de lâex-prĂ©sident de la RĂ©publique du SĂ©nĂ©gal, Me Abdoulaye Wade, qui a dĂ©cidĂ© dây installer le nouvel aĂ©roport international de Dakar (AIBD). Les habitants du village de Boukhou, dans la commune de Diass, en ont eu la preuve. Câest en juin 2016 quâun promoteur immobilier, du nom de Mamadou ClĂ©dor Fall, est venu leur prĂ©senter le projet de lotissement dâun terrain de 55 ha dans le village, espace compris dans la forĂȘt classĂ©e de Diass. Avec la bĂ©nĂ©diction de la mairie de Diass, lâhomme dâaffaires affirme alors dĂ©tenir tous les documents Ă©manant des autoritĂ©s administratives sur un terrain lui appartenant et pour lequel il avait dĂ©pensĂ© beaucoup dâargent.
Des personnes ayant suivi ces dĂ©clarations soutiennent quâil avait mĂȘme fait mention de ââ12 avis favorables obtenus auprĂšs des services compĂ©tents (la commission rĂ©gionale dâurbanisme, le cadastre, lâAgeroute, la Senelec, les eaux et forĂȘtsâŠ)ââ.
En prĂ©sentant le projet aux autochtones, le promoteur immobilier promettait la construction de centres de formation, de mosquĂ©es, de ââdaaraââ modernes, dâun stade et bien dâautres infrastructures.
Mais quatre annĂ©es plus tard, ce sont les parcelles qui sont vendues en baux, alors quâaprĂšs vĂ©rification, le lieu est supposĂ© appartenir Ă lâEtat du SĂ©nĂ©gal.
Comment comprendre ce qui se passe dans cette partie de la forĂȘt classĂ©e de Diass ? Pour le Collectif pour la dĂ©fense des intĂ©rĂȘts de Boukhou, il sâagit dâun ââsystĂšme organisĂ© de pillage et de spĂ©culation fonciĂšre qui implique tous les niveaux de dĂ©cision de lâAdministration : M. Baye Moussa Ndoye, Chef du Bureau des domaines de Mbour, et M. Aliou Samb Ciss, Maire de la commune de Diass, se sont liguĂ©s avec un repris de justice nommĂ© Mamadou ClĂ©dor Fall, promoteur immobilier et administrateur de la sociĂ©tĂ© Diarra Sarl, pour lĂ©gitimer un projet de lotissement irrĂ©gulier initiĂ© frauduleusement par la mairie de Diass depuis 2016ââ. Ce collectif sâest formĂ© lorsque la population sâest rendu compte que des parcelles sont dĂ©jĂ mises en vente, au moment oĂč rien nâa Ă©tĂ© Ă©rigĂ© sur le site. En atteste lâattribution ââde la parcelle n°485 du plan de lotissement de Boukhou, dâune superficie de 200 m2 environ, Ă distraire du titre foncier n°3175/MBââ qui invite son bĂ©nĂ©ficiaire Ă se âârapprocher du Bureau des domaines de Mbour, en vue de lâĂ©tablissement du contrat de bail y affĂ©rentââ. Ce document a Ă©tĂ© signĂ© par le chef du bureau Baye Moussa Ndoye.
Des lettres de notification vendues, alors que la liste dâattribution des parcelles nâest pas publiĂ©e
Ces attributions ont dĂ©butĂ© depuis le mois de fĂ©vrier 2020, sur la base des ââdĂ©cisions issues de la Commission dâattribution des parcelles de la commune de Diassââ, comme mentionnĂ© dans les lettres de notification dâattribution de parcelles. Soupçonnant un deal, le Collectif pour la dĂ©fense des intĂ©rĂȘts de Boukhou demande au Bureau des domaines de Mbour, dans une lettre datĂ©e au 19 mars 2020, une copie du procĂšs-verbal de la commission dâattribution des parcelles. Six jours plus tard, une autre lettre du collectif est dĂ©posĂ©e au bureau de Baye Moussa Ndoye, dĂ©nonçant lâattribution de parcelles sur le site litigieux. Mais les requĂȘtes sont restĂ©es sans rĂ©ponse. De plus, la liste dâattribution des parcelles nâa pas Ă©tĂ© publiĂ©e, au moment oĂč des lettres de notification sont en train dâĂȘtre vendues, dĂ©nonce la population.
Câest une dĂ©libĂ©ration du Conseil municipal de Diass n°04/CD en date du 12 aoĂ»t 2015 portant lotissement et restructuration des villages de Boukhou et Packy, pour une superficie de 55 ha, TF n°3175/MB, qui dĂ©finit le projet de lotissement en question. Seulement, beaucoup de conseillers municipaux, interrogĂ©s par des membres du collectif, soutiennent que le conseil municipal en question ne sâest jamais tenu. Encore plus bizarre, il existe deux versions du procĂšs-verbal de cette supposĂ©e rencontre autorisant le maire Ă procĂ©der au lotissement et Ă la restructuration des villages de Boukhou et Packy pour une superficie de 55 ha. Dans lâarticle 1 de la seconde dĂ©libĂ©ration, le mot âârestructurationââ a Ă©tĂ© ajoutĂ© au lotissement, par rapport Ă lâarticle 1 du premier document. Mais les deux dĂ©libĂ©rations portent lâapprobation du sous-prĂ©fet de Sindia, Mountaga Daha Diallo, et du maire Aliou Ciss.
Comment le conseil municipal peut-il dĂ©libĂ©rer sur une assiette fonciĂšre de lâEtat ?
De plus, sollicitĂ© par un Ă©tudiant, le chef du Bureau des domaines de Mbour, Baye Moussa Ndoye, par ailleurs conservateur de la propriĂ©tĂ© et des droits fonciers de Mbour, a certifiĂ©, dans une lettre datĂ©e au 17 mars 2020, ââque lâimmeuble objet du titre foncier n°3175/MB, consistant en un terrain urbain servant dâassiette au lot de Boukhou, portant le numĂ©ro dâidentification cadastral (Nicad) 071 203 02 014 00001, dâune contenance reconnue au bornage trente-deux hectares quatre-vingt-dix ares quatre-vingt-quinze centiares (32ha 90a 95ca) appartient, Ă ce jour, exclusivement Ă lâEtat du SĂ©nĂ©galââ. Dans ce contexte, comment le conseil municipal peut-il dĂ©libĂ©rer sur une assiette fonciĂšre de lâEtat ?, sâindigne le Collectif pour la dĂ©fense des intĂ©rĂȘts de Boukhou.
Aussi, à ce jour, personne ne connait les termes qui lient la mairie de Diass au promoteur immobilier, dénonce-t-il.
Devant toutes ces irrĂ©gularitĂ©s, la population a entrepris dâintroduire un recours judiciaire qui est toujours en cours dâinstruction. Ces actions avaient mĂȘme conduit, par moments, Ă lâarrĂȘt des travaux de terrassement par la gendarmerie. Mais, ââen juillet 2017, la mairie de Diass a fait recours aux services du ministre du Renouveau urbain, de lâHabitat et du Cadre de vie pour reprendre les travaux, en brandissant lâarrĂȘtĂ© n°13 318 du 26 juillet 2017 qui autoriserait un lotissement sur le site des 55 ha sis Ă Boukhou. Cet arrĂȘtĂ©, sâil existe, conforte notre position selon laquelle le projet immobilier ou plutĂŽt le projet de lotissement est entachĂ© de plusieurs irrĂ©gularitĂ©s. Pourquoi la mairie avait-elle dĂ©marrĂ© le terrassement en juillet 2016, sans lâautorisation du ministre, alors que lâarticle 43 de la loi n°2008-43 du 20 aoĂ»t 2008 portant Code de lâurbanisme stipule que lâautorisation de lotir est dĂ©livrĂ©e par le ministre chargĂ© de lâUrbanisme, aprĂšs avis de la collectivitĂ© concernĂ©e⊠?ââ, se demande le collectif.
Dâailleurs, il a annoncĂ© une plainte dĂ©posĂ©e Ă lâOfnac contre M. Baye Moussa Ndoye, le chef du Bureau des domaines de Mbour, et M. Aliou Samb Ciss, lâĂ©dile de la commune de Diass, pour fraude et dĂ©nonciation de la distribution irrĂ©guliĂšre de lettres de notification dâattribution de parcelles du TF n°3175/MB.
Historique de la forĂȘt classĂ©e de DiassâŠ
La forĂȘt classĂ©e de Diass comptait une superficie de 1 860 ha classĂ©s sous le n°224 du 21 janvier 1939. En 2001, 907,35 ha ont Ă©tĂ© dĂ©classĂ©s pour les besoins de la construction de lâaĂ©roport international Blaise Diagne (AIBD) de Diass par dĂ©cret 2001-667 du 30 aoĂ»t 2001. Ensuite, pour la crĂ©ation de la zone Ă©conomique spĂ©ciale intĂ©grĂ©e, une partie de la forĂȘt classĂ©e de Diass, dâune superficie de 650 ha a Ă©tĂ© dĂ©classĂ©e par dĂ©cret n°2007-1336 du 6 novembre 2007.
Enfin, il y a eu le dĂ©cret n°2010-1093 en date du 13 aoĂ»t 2010 portant dĂ©classement de 110 ha de la forĂȘt classĂ©e de Diass, dĂ©partement de Mbour, rĂ©gion de ThiĂšs, au profit de la SCI ââla Nouvelle villeââ. Ce dĂ©cret a Ă©tĂ© remplacĂ© entre les deux tours de lâĂ©lection prĂ©sidentielle de 2012 par le dĂ©cret n° 2012-336 MEF/DGID/DEDT en date du 7 mars 2012, dĂ©clarant dâutilitĂ© publique la rĂ©alisation dâun programme immobilier Ă Diass, prescrivant lâimmatriculation au nom de lâEtat dâun terrain du domaine national dâune superficie de 110 ha 00 are 00 ca sis Ă Diass, dans le dĂ©partement de Mbour, en vue de son attribution par voie de bail.
Jusque-lĂ , le scandale foncier concerne 55 ha sur 110 ha mentionnĂ©s dans le dĂ©cret prescrivant lâimmatriculation, dâoĂč lâinterrogation lĂ©gitime de la population sur les 55 ha restants