jeudi, octobre 3, 2024
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Les bastions 2, 9 et celui de Sikoun démantelés, le MFDC promet son retour

par pierre Dieme

L’extrême Sud du Sénégal, enveloppant les terroirs de Goudomp, Mangacounda, Kaour, Adéane et Boutoupa-Camaracounda, est le théâtre de violents combats à l’arme lourde entre les Forces Armées sénégalaises et les combattants de la branche armée Atika du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC). Aucun bilan humain n’est encore disponible, mais les bases rebelles dénommées la 2, la 9 et Sikoun sont tombées avant-hier, mercredi 3 février, entre les mains de l’Armée sénégalaise. Loin d’abdiquer, Adama Sané, de l’état-major de Sikoun, annonce le retour imminent de ses hommes. Le processus de paix en panne depuis six ans aura sans doute ouvert un boulevard de pourriture sociale en Casamance, avec à la clé, des populations civiles laissées à la merci des bandes armées.

Les Armées sénégalaises ont démarré les opérations de sécurisation dans le Sud du pays depuis le mardi 26 janvier 2021. Selon un communiqué en date du 28 janvier 2021, signé par le colonel Matar Diop, Directeur de l’information et des relations publiques des Armées (DIRPA), «cette initiative répond à un triple objectif : d’abord, neutraliser les éléments armés qui ont pris refuge dans cette zone pour perpétrer des exactions contre les populations, les empêchant ainsi de vaquer librement à leurs activités socioéconomiques. Ces bandes armées n’hésitent pas à ôter la vie de paisibles citoyens», lit-on dans le deuxième chapitre de ce communiqué.

Toujours sous la plume du colonel Matar Diop, directeur de la DIRPA, «ensuite, poursuivre l’accompagnement sécuritaire du retour des populations longtemps déplacées à Ziguinchor, en particulier celles de villages situés dans la commune rurale de Boutoupa Camaracounda qui ont retrouvé leurs terroirs depuis le mois de juillet 2020». Et le communiqué de conclure sur le troisième objectif qui consiste, selon la DIRPA, à «lutter contre les activités illicites de ces bandes armées qui entretiennent une économie criminelle, notamment la culture et le trafic de chanvre indien, la coupe illégale de bois et la contrebande de marchandises».

LES COMBATS A L’ARME LOURDE TOUJOURS EN COURS

Les Forces Armées sénégalaises déploient présentement des moyens lourds de frappe contre les bandes armées nichées en zone de frontière avec la Guinée-Bissau, lesquelles bandes sont supposées appartenir au Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC). La mobilité d’une armada de logistique roulante des Armées ne passe pas inaperçue sur la route nationale N°6 (route du Sud) qui traverse la zone du Balantacounda, dans le département de Goudomp.

Dans les communes de Adéane, Kaour et les villages de Mangacounda, Barkabanane, Singhère et la commune de Goudomp, le mouvement des hommes de troupe attirent l’attention de plus d’un. Des tirs de mortiers et autres armes lourdes sont envoyés à partir de ces localités, jusqu’hier jeudi en début de soirée. Mais, très curieusement, point de panique chez les populations qui, en revanche, y voient un salut via la présence de l’Armée qui vient les tirer d’affaire. «Nous sommes rassurés en voyant ces hommes de l’Armée sénégalaise car nous avons longtemps souffert des actes de violence et de délinquance de ces bandes armées.

Vols à main armée, vol de bétail, trafic de bois et de chanvre indien ; vraiment c’en était de trop et presque trop tard aussi pour l’Armée eu égard aux exactions commises sur les citoyens», dixit un habitant de Kaour ayant requis l’anonymat. Sur le terrain, les Armées interviennent sur plusieurs fronts à savoir au sol, dans l’air et avec leurs unités marines dans les cours d’eau, pour barrer la route à tout mouvement éventuel de rebelles dans le secteur, confirme un notable de Mangacounda, le dernier village qui sépare la région de Sédhiou de celle de Ziguinchor.

LA CHUTE DES BASES REBELLES DE «LA 2», «LA9 » ET DE L’ETAT-MAJOR DE SIKOUN

Suite aux âpres combats qui ont opposé, ces derniers jours, Forces Armées sénégalaises aux combattants du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), les sanctuaires rebelles dénommés «La 2», «La 9» commandés par Ibrahima Compass Diatta et celui de Sikoun sont tombés entre les mains des Armées avant-hier, mercredi 3 février 2021. Il importe de relever que le MFDC a hérité de cette base de Sikoun qui était un bastion des Forces indépendantistes bissau-guinéennes et du Cap-Vert, regroupées au sein du PAIGC, durant la guerre de libération en Guinée-Bissau. C’était le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du CapVert (en portugais : Partido Africano para a Independência da Guinée e Cabo Verde, abrégé en PAIGC), un parti politique fondé, en 1956, par des militants indépendantistes, autour d’Amílcar Cabral, dans le but de réaliser l’indépendance du Cap-Vert et de la Guinée-Bissau. Cette zone était pourtant redevenue calme, depuis le démantèlement du camp de Salif Sadio à Baraka Mandioka, en 2006, avant d’abriter à nouveau les factions rebelles à la faveur de l’accalmie constatée sur le terrain depuis six (06) ans.

L’ETAT-MAJOR DE SIKOUN : «NOUS AVONS PERDU DES COMBATS MAIS LA BATAILLE CONTINUE»

Aucun bilan n’est encore disponible ; mais l’on mijote plusieurs morts dans les rangs des indépendantistes casamançais. Toutefois et selon nos sources généralement très bien renseignées, le chef de guerre du nom de Adama Sané, commandant la base de Sikoun, déclare «avoir certes perdu des combats, mais la guerre n’est pas gagnée d’avance, la bataille continue. Nous allons organiser notre retour sur les lieux, pour reprendre nos bases», aurait-il indiqué. Aussi a-t-on reçu un enregistrement sonore, manifestement produit par une voix d’un européen, de deux minutes cinquante secondes (2mn50s) non encore authentifiée et prétendant s’exprimer au nom de la Cellule de communication du maquis du MFDC datant de janvier 2021, qui confirme cette ténacité des rebelles à opposer une éventuelle résistance aux Armées pour le moment maîtres des lieux, proche de la frontière avec la Guinée-Bissau. «Le Sénégal a de nouveau déclenché la guerre en Casamance, après avoir pillé nos terres, nos ressources et nos libertés dans sa guerre économique et politique qu’il mène depuis 1960 contre notre vaillant peuple.

Les combattants unifiés Atika (branche armée) du MFDC assurent au peuple de la Casamance, où qu’il se trouve, leur engagement et leur détermination de protéger et de sécuriser, au prix de leurs vies, chaque casamançais et chaque lopin de terre de toute la Casamance», dit clairement la voix dans l’audio sans authentification certaine.

RENFORCEMENT DE LA PRESENCE DE L’ARMEE BISSAU-GUINEENNE LE LONG DE LA FRONTALIERE POUR EVITER…

De son côté, l’Armée Bissau-guinéenne a renforcé sa présence le long des axes frontaliers pour éviter, dit-on, toutes éventuelles infiltrations dans son territoire susceptibles d’entrainer des troubles dans leur pays. Beaucoup de déplacements de populations civiles ne sont pas constatés car les combats ont lieu, le plus souvent, en zone de forêt comme à Bilasse. Mais, la présence de l’Armée est bien visible dans nombre de localités à partir desquelles ces hommes pilonnent les positions rebelles au sol, guidés par l’avion de reconnaissance qui survole l’espace du Balantacounda et de la région sud.
Dans le même temps, les Forces marines effectuent des patrouilles dans les eaux fluviales qui arrosent toute la façade nord du département de Goudomp, pour contrôler tout mouvement rebelle fuyant ou en partance vers les foyers névralgiques, théâtres de violents affrontements entre les Forces Armées sénégalaises et les indépendantistes casamançais. Dans le communiqué de la DIRPA, les Armées sénégalaises réaffirment leur détermination à remplir sur toute l’étendue du territoire national leur mission régalienne de défense de l’intégrité territoriale et de protection des populations et de leurs biens.

QUE SONT DEVENUES LES NEGOCIATIONS ?

Une nette accalmie est notée sur le terrain ces six dernières années en Casamance. L’espoir d’une paix définitive était alors caressé par une immense majorité des populations civiles, l’espoir de voir parapher un document matérialisant cette paix tant attendue entre l’Etat du Sénégal et le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC). Cette période de ni paix ni guerre a entretenu.

Pour certains observateurs «l’Etat du Sénégal a laissé pourrir la situation au lieu de la mettre à profit pour amener les maquisards à la signature définitive des accords de paix». Par contre et selon certaines sources gouvernementales proches de la présidence de la République du Sénégal, «l’Etat a toujours le contrôle du dossier et discute régulièrement avec les acteurs clés. Les questions de sécurité ne se discutent pas à la place publique», précisent les mêmes sources. Et pourtant, ce ne sont pas que des bons offices qui ont manqué.

Des organisations de la société civile sont sur le terrain de la sensibilisation pour amener les différents acteurs à l’unité interne et à la signature des accords de paix. C’est le cas de la Coordination sous-régionale des organisations de la société civile pour la paix en Casamance (COSCPAC), créditée de 176 organisations membres dont 20 de la Guinée-Bissau et 26 de la Gambie. Cette structure est devenue, à ce jour, l’une des tribunes crédibles de médiation sous régionale pour la paix et la stabilité, avec une feuille de route inclusive et participative.

La Plateforme des femmes pour la paix en Casamance (PFPC) et le Groupe de réflexion pour la paix en Casamance (GRPC) dirigé par l’ancien ministre d’Etat Robert Sagna, jouent également leur partition pour le retour définitif de la paix dans la partie méridionale du Sénégal, en proie à une insurrection indépendantiste depuis 1982, sans doute l’un des plus vieux foyers de rébellion encore actif en Afrique au Sud du Sahara

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