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samedi, avril 27, 2024
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Dans la tempĂȘte

par pierre Dieme

Nos deux protagonistes ont poussĂ© le bouchon trop loin. Nous dĂ©sirons des solutions Ă  la vie chĂšre, ils nous proposent des injures et des gueulantes. Leur mĂ©connaissance du bien commun les empĂȘche de s’entendre pour prĂ©server ce pays

“Il n’y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce Ă  l’ombre des lois et avec les couleurs de la Justice” – Montesquieu, philosophe français.

On eĂ»t pensĂ© un cours instant, quand il dĂ©fit Wade en 2012, que Macky Ă©tait promis au destin de PromĂ©thĂ©e, apporteur de feu libĂ©rateur aux Hommes. L’espoir fut grand. Ce ne fut hĂ©las point le cas. Assez vite, entourloupes, combines politiques jalonnĂšrent son magistĂšre, qu’on le donnĂąt pour Caliban* avec ses monstruositĂ©s coutumiĂšres. Puis survint la crĂ©ation de Sonko qu’il fabriqua de toutes piĂšces, et nous nous primes Ă  louer Dieu de nous avoir envoyĂ© Prospero* pour nous libĂ©rer de Caliban. Peine perdue.

Macky n’est pas Caliban et Sonko ne sera pas Prospero.

Macky Sall a Ă©tĂ© Ă©lu par le peuple sĂ©nĂ©galais. Il est le chef de l’État. À ce titre, des responsabilitĂ©s particuliĂšres lui incombent, dont notamment celle de prĂ©server la paix dans le pays. Cela exige un niveau de leadership oĂč, sa prĂ©sence Ă  elle seule, devrait avoir un impact et faire taire les divergences de toutes sortes. Pour notre malheur, notre prĂ©sident n’a pas atteint ce niveau pinnacle de leadership*.

Par ailleurs, nous ne pouvons pas plus, accepter au nom du “je veux me mettre à sa place”, les attitudes et comportements belliqueux de Sonko et de son encombrante coalition.

Dans ce marais glauque oĂč ils veulent nous entrainer, c’est le rĂšgne du moi qui prĂ©vaut. Chacun se prend pour le roi du village. Je pars en coalition parce que je sais que je ne peux pas gagner tout seul, mais si je ne figure pas Ă  une bonne place sur la liste – une bonne place est une place que j’estime gagnante –, je sors de la coalition sans oublier, d’arroser copieusement de tous les noms d’oiseaux, tous ceux avec qui je m’étais associĂ©. Telle est la rĂšgle apprise de tous, comprise de tous.

Voila pourquoi la masse des politiciens nous rĂ©vulse. Ils confisquent le pouvoir et nous tiennent en otage. Cela ne s’est hĂ©las pas fait en un jour. Ce fut un long processus. Nous avons observĂ© la longue colonne des insanitĂ©s et insultes emporter chacune, une Ă  une nos vertus et, bientĂŽt notre socle de valeurs sera vide et s’affaissera tout seul. Nous y sommes presque.

Le prĂ©sident s’est louĂ© les services d’un insulteur public pour contrer ceux d’en face, et ce aprĂšs avoir, souvenez-vous, reçu en grande pompe dans son bureau de prĂ©sident, un transfuge de Yewwi qui avait disparu avec les listes de sa coalition lors des locales de fĂ©vrier dernier. Les fautes morales se suivent, plus ahurissantes les unes que les autres. Toutes les limites sont franchies. On est loin des hĂ©ros d’antan, reconnaissables non pas Ă  ce qu’ils faisaient, mais surtout Ă  ce qu’ils s’abstenaient de faire, tels ces Peulhs avec leur Harameeji jeedidi* ou encore ces adeptes de Buddha, tenus d’observer les “cinq interdictions”*.

« On en arrive Ă  des imbroglios risibles s’ils n’étaient pas porteurs de calamitĂ©s futures Â»

L’opposition n’est guĂšre mieux lotie. Chacun, drapĂ© dans son Ă©gotisme, vitupĂšre Ă  qui mieux mieux les manquements de la majoritĂ© et des coalitions rivales. Seul transpire ce qui est laid et peu glorieux chez les gens. Cela reste surprenant pour nous autres citoyens, si prompts d’habitude, Ă  invoquer et Ă  nous rĂ©fugier dans le “sutura”.

Le Conseil constitutionnel valĂ©tudinaire, se prend les pieds dans ses jugements et ne laisse plus le moindre doute sur sa partialitĂ©. Il confirme comme dirait Nassim Taleb*, qu’on ne peut pas faire confiance Ă  des gens, dont la survie dĂ©pend de celui qui les nomme, et que le meilleur esclave, est quelqu’un qu’on surpaye et qui, le sachant, est terrifiĂ© Ă  l’idĂ©e de perdre son statut. VoilĂ  oĂč on en est ! Avec un peu de bon sens et beaucoup de courage, le Conseil constitutionnel aurait dĂ» invalider les deux listes des coalitions Yewwi et Benno, car fautives toutes les deux, au regard de la loi Ă©lectorale. Peut-ĂȘtre serons-nous plus heureux que nous le serions sans ces fauteurs de trouble ? À force de couper les cheveux en quatre, de crĂ©er des pseudo-listes de supplĂ©ants, on en arrive Ă  des imbroglios fort risibles, s’ils n’étaient pas porteurs de calamitĂ©s futures. Nous sommes tombĂ©s bien bas.

« Nous dĂ©sirons des solutions, ils nous proposent des injures et des gueulantes Â» 

Nous devons toutefois leur rappeler que quand un seigneur oublie de se comporter en seigneur, un pĂšre en pĂšre et un fils en fils, c’est souvent le rĂ©sultat d’une lente accumulation de laisser-faire. Nous nous sommes rendus complices des excĂšs qu’on nous infligeait. Le prĂ©sident Sall ne peut et ne doit pas recevoir un insulteur de nos institutions. Mais oĂč sont passĂ©s ses conseillers en com’ ? Comment peut-on associer le prĂ©sident avec cette vulgaritĂ©, dont par ailleurs on le protĂšge par une loi anti lĂšse-majestĂ©, certes vieillotte et, qui a valu au dĂ©putĂ© Bara Dolly d’ĂȘtre jetĂ©, sans autre forme de procĂšs, au gnouf ? Si le prĂ©sident pense “imprimer” avec cette nouvelle pratique, il se trompe lourdement.

En rĂ©alitĂ©, aucun d’entre eux, opposition comme pouvoir, ne nous offre ce que nous dĂ©sirons. Nous dĂ©sirons des solutions Ă  la vie chĂšre, ils nous proposent des injures et des gueulantes. Telle est la douloureuse situation que nous vivons.  Alors, il faudrait inciter ceux qui peuvent proposer autre chose qu’ils s’engagent dans l’action. À l’instar des bourgeois de Tocqueville qui menĂšrent la grande rĂ©volution, il faudrait que ceux d’entre nous, capables d’imaginer, de proposer des solutions, et qui soient autonomes financiĂšrement, conduisions le grand changement qui nous libĂšrera de la fĂ©rule de ces pseudo-politiciens, maĂźtres menteurs, souvent aptes Ă  des canailleries les plus mesquines pour assouvir leurs ambitions dĂ©mesurĂ©es. Le mĂ©pris des citoyens Ă  leur endroit les mettra-il Ă  l’abri de leur haine ? Pas sĂ»r. Les chasses aux sorciĂšres seront bientĂŽt ouvertes. Les rĂšglements de compte n’apporteront rien au SĂ©nĂ©gal, sinon d’installer le dĂ©sordre et le chaos. Les djihadistes, les marchands d’armes, les nĂ©gociateurs de brut de tout acabit profiteront de cette situation. Si nous ne rendons pas impossible, cette chienlit qui leur est indispensable pour faire prospĂ©rer leurs affaires, leur heure viendra et nous nous en mordrons les doigts.

« Chacun croit montrer du caractĂšre alors que, ce ne sont lĂ  hĂ©las, que des emportements Â»

Il va falloir revoir les codes de l’opposition car le pays va mal, c’est que nous attendons de toute l’opposition, y compris celle qui pense ĂȘtre avantagĂ©e par l’exclusion d’une autre opposition et qui jubile en campant sur une position Ă©trange de maintien des Ă©lections Ă  date Ă©chue (sic) parce que caressant l’idĂ©e qu’elle aura plus de dĂ©putĂ©s dans cette circonstance. Chacun ne pense qu’à ses intĂ©rĂȘts immĂ©diats, facteurs de division, au lieu d’ambitionner d’ĂȘtre la boussole qui aiguille vers le patriotisme, vers l’inclusion. Les insultes et menaces verbales ne rĂ©vĂšlent en dĂ©finitive, que la faiblesse et le manque de fiabilitĂ© de ceux qui les profĂšrent. On devrait leur enseigner le systĂšme d’éthique des assassins* qui consistait Ă  “planter l’épĂ©e fermement Ă  cotĂ© du lit du Sultan au lieu de la lui planter dans le cƓur”, lui prouvant ainsi qu’on contrĂŽlait la situation et qu’on Ă©tait fiable. L’assassinat politique au lieu de la guerre, voilĂ  vers quoi se diriger. Dominer politiquement sans entrainer l’effusion de sang, voila la bonne stratĂ©gie qui Ă©pargnerait les civils.

Nos deux protagonistes ont poussĂ© le bouchon trop loin, entre “les Ă©lections auront lieu un point un trait !” du prĂ©sident et “nous participerons de force aux Ă©lections” du leader de Yewii, le point de non-retour semble ĂȘtre atteint. Chacun, comme dirait Philippe Alexandre*, croit montrer du caractĂšre alors que, ce ne sont lĂ  hĂ©las que des emportements. En d’autres temps, on aurait organisĂ© un duel Ă  six pas, entre eux deux seuls qui aient un intĂ©rĂȘt dans cette lutte Ă  mort. N’était-ce pas naguĂšre le moyen d’éviter d’impliquer des groupes de personnes plus importants dans un conflit, et de circonscrire la bataille aux seuls concernĂ©s ?

« Amener cette pseudo-Ă©lite, plus Ă©lectorale que politique, Ă  rĂ©sipiscence Â»

L’égoĂŻsme de clan qui les anime, et l’individualisme sans limites dont ils font preuve, les engoncent jour aprĂšs jour, dans la petite politique. Leur mĂ©connaissance du bien commun les empĂȘche de s’élever au dessus de la mare et de s’entendre pour prĂ©server ce pays.

Le prĂ©sident Sall nous aura bien ramenĂ©s en arriĂšre, car quoi qu’on dise, il est le seul vrai responsable de la dĂ©sastreuse situation dans laquelle nous nous trouvons. Claquemurer les dirigeants de l’opposition pour les empĂȘcher de manifester fut une mauvaise option. AssurĂ©ment, le tiers des forces dĂ©ployĂ©es ce 17 Juin, aurait suffi pour encadrer la manifestation interdite. Cela aurait coĂ»tĂ© moins cher en argent et en vies humaines. On voit bien, que ce n’est ni leur argent, ni leurs vies qui sont en jeu !

Les Sénégalais sont bien las de ces pratiques anciennes du vieux monde que tentent de ressusciter ce pourtant jeune président et ses non moins jeunes opposants.

Il est grand temps pour les vrais patriotes, jeunes et moins jeunes, politiques et non politiques, d’amener cette pseudo Ă©lite, plus Ă©lectorale que politique, Ă  rĂ©sipiscence.

Dr Tidiane Sow est coach en Communication politique.

tsow@seneplus.com

Notes :

La TempĂȘte : PiĂšce de thĂ©Ăątre de Shakespeare en 5 actes Ă©crite en 1610 – 1611

Caliban : Personnage dĂ©peint comme un monstre dans la piĂšce de thĂ©Ăątre : La TempĂȘte de W. Shakespeare.

Prospero : Personnage de « La TempĂȘte Â», victorieux de Caliban ; bienfaiteur de l’humanitĂ©.

 J.C Maxwell: 5 levels of Leadership. Pinnacle est le niveau 5 de ce modĂšle de Leadership.

Harameeji jeedidi : Les 7 principes de l’éducation peulh, sorte de posture via negativa. Dans l’action, c’est la recette de ce qu’il faut Ă©viter.

Cinq interdictions : Basique code du bouddhisme, Ă©quivalent du Harmeddji djeninni peulh.

Suttura : DiscrĂ©tion, rĂ©serve, pudeur

Les Assassins : Secte qui exista du XI au XIV siĂšcle, liĂ©e Ă  l’Islam chiite et violemment anti sunnite. Ils envoyĂšrent Ă  Saladin un message que le gĂąteau qu’il s’apprĂȘtait Ă  manger Ă©tait empoisonnĂ© par eux.

Philippe Alexandre : Paysages de campagne, Grasset

Nassim. N Taleb : Jouer sa peau. Les belles Lettres

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