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lundi, mai 6, 2024
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Une cohabitation pouvoir-opposition est-elle possible ?

par pierre Dieme

Le climat d’apaisement dû au sacre des Lions pourrait être l’opportunité pour Macky Sall de tenter un gouvernement élargi à l’opposition et la société civile, selon certains analystes. Mais cela est-il réaliste à la veille des législatives ?

Un nouveau remaniement ministériel est en perspective. Le président de la République, Macky Sall, avait promis la mise en place d’un nouveau gouvernement avec la nomination d’un Premier ministre à la sortie des élections locales. Celles-ci ont été âprement disputées sur l’étendue du territoire national. A la proclamation des résultats, il a été constaté la défaite de « Benno Bokk Yaakaar » dans les grandes villes. Des analystes estiment que le climat est aujourd’hui pacifié avec le sacre des « Lions » à la Coupe d’Afrique des Nations. Lequel a entraîné la présence de l’opposition à l’accueil des champions et lors de la cérémonie de décoration des « Lions ». Une belle opportunité que Macky Sall pourrait exploiter pour un futur gouvernement élargi aux membres de la société civile et de l’opposition. Il s’agit là de conjectures, bien sûr, puisque, à cinq mois des élections législatives, il devrait au contraire remobiliser ses troupes pour éviter une victoire de l’opposition synonyme de cohabitation !

Le Sénégal connaîtra sous peu son Premier ministre qui formera son gouvernement. Ce, après les élections locales du 23 janvier dernier. Présentement, les vaincus et les vainqueurs de ces élections sont connus sur l’étendue du territoire national et les prises de fonction des nouveaux maires sont en train d’être effectuées. Quant aux partis ou coalitions de partis politiques, ils se projettent sur le futur avec les élections législatives prévues au mois de juillet prochain. Certains analystes accrochés par nos soins s’intéressent à l’éventualité d’une cohabitation avec l’opposition. Après les résultats obtenus à l’issue des élections locales, l’opposition et le camp présidentiel s’approprient chacun la victoire. Ce même si Benno Bokk Yaakaar estime avoir largement triomphé de l’opposition qui est bien représentée dans certaines grandes villes avec une percée fracassante.

 Des analystes estiment que le climat est aujourd’hui pacifié avec le sacre des Lions à la Coupe d’Afrique des Nations. Le Chef de l’Etat a fait appel à l’opposition pour l’accueil des champions. Une main tendue qu’une partie de celle-ci a saisie. D’après ces analystes consultés, cela pourrait être une fenêtre ouverte que le président Sall pourrait exploiter pour tenter de former un gouvernement élargi à des membres de l’opposition et de la société civile-. Certains leaders de l’opposition, fragilisés, pourraient répondre favorablement à une éventuelle invitation à « travailler » avec le président. Et l’autre partie, dite radicale, va certainement décliner pour attendre l’issue des Législatives. Une prudence sous- tendue par les résultats des élections locales.

Toutefois, nos interlocuteurs estiment que tout peut se jouer. Le président Sall pourrait essayer d’éroder cette opposition pour se renforcer politiquement. Soutenant que Macky Sall est un homme politique rusé, nos analystes rappellent que, souvent, il pose un acte pour régler autre chose. D’habitude, il cache son jeu politique. Normal, disent-ils, puisque, dans son propre camp, s’il révèle ou dresse le portrait du u Premier ministre qui sera choisi, la jalousie pourrait renaître et compromettre ses chances de réaliser ses multiples projets et programmes. Mais, ces analystes se réservent de dire le meilleur Premier ministre pour le futur gouvernement de Macky Sall. Sera-t-il un technocrate ou un de ses compagnons politiques ? Prudence, prudence donc.

BABACAR DIONE, ANALYSTE POLITIQUE: « L’ACCUEIL DES LIONS POURRAIT INSPIRER UN CHOIX ÉLARGI DES MEMBRES DU FUTUR GOUVERNEMENT »

Babacar Dione, journaliste et analyste politique, en perspective des élections législatives, doute de la nécessité de sanctionner des perdants du camp présidentiel. Même s’ils ont une responsabilité dans leur défaite. Il y a, à côté, les listes parallèles des autres leaders non investis localement. Ces derniers sont passés malgré les instructions du chef de l’Etat.

Selon lui, pour son futur gouvernement, Macky Sall a plusieurs options possibles. Se défendant d’être dans le secret des éventuelles décisions du Président, il indique que ce qui s’est passé avec les Lions et les élections locales du 23 janvier dernier aura un impact dans le choix qui se fera. « Le choix peut nécessairement être en rapport avec les élections locales, avant le sacre des Lions. L’accueil des Lions donne l’impression d’avoir provoqué une unité autour du Sénégal. On peut penser que cela pourra inspirer le Président sur le choix des membres du gouvernement. Tous les partis politiques ou presque sont venus répondre à son appel. Pourquoi ne pas penser à élargir ce gouvernement, au-delà de BBY, à la société civile et à des leaders de partis politiques, pas forcément de l’opposition radicale, pour accompagner le président Sall sur ce qui reste de son mandat d’ici 2024 », spécule le journaliste et analyste politique, Babacar Dione. Ainsi, l’autre aspect de la question, ce sont les législatives et les locales. Là, l’analyste s’interroge sur la nécessité de sanctions ou de maintien de beaucoup de membres du gouvernement actuel. « Benno a largement gagné ces élections, il faut le reconnaître. Et il ne faut pas dire que seuls ceux qui sont investis sont responsables de la défaite de Benno dans certaines localités du pays. Ce même s’ils ont une responsabilité dans leur défaite. Parce qu’il y a eu beaucoup de listes parallèles. Est-ce que le président doit sanctionner ceux qui ont confectionné des listes parallèles ? Se pose aussi dans la balance la responsabilité des investis qui n’ont pas eu un esprit d’ouverture pour travailler avec tout le monde. Il y a beaucoup de questions qu’on peut se poser par rapport à l’influence que pourraient avoir les locales dans la nomination des ministres du futur gouvernement », dit-il.

A quelques heures du choix du Premier ministre, Babacar Dione refuse de penser que celui-ci sera un dauphin du président Macky Sall. Un technocrate pourrait être choisi. Ou alors, dans le cas où c’est un politique qui aurait la préférence, ce devrait être quelqu’un qui n’aurait pas assez d’envergure pour lorgner le fauteuil du Président. « Cette fois-ci, il peut choisir un technocrate comme l’avait fait Abdoulaye Wade avec Haguibou Soumaré. Wade, lorsqu’il a eu des problèmes avec Macky Sall, avait fait ce choix », rappelle Babacar Dione. Selon qui le président Sall a besoin de quiétude pour choisir un meilleur profil politique. Il pourrait continuer à cacher son jeu jusqu’aux législatives et choisir un directoire de campagne qui sera dirigé par un homme. Après une victoire aux législatives, la personne choisie pour diriger ce directoire pourrait devenir le président de l’Assemblée nationale. Et, le futur président de cette Institution pourrait bien être le dauphin du Président Sall. Mais, le politologue est d’avis qu’il faut attendre pour savoir la suite du choix du Président Macky Sall.

IBRAHIMA BAKHOUM, JOURNALISTE-FORMATEUR: « LE FOOTBALL A PACIFIÉ L’ESPACE ET LE PRÉSIDENT SALL PEUT EN PROFITER POUR ÉRODER L’OPPOSITION »

Ibrahima Bakhoum, journaliste-formateur, se veut prudent quant à l’éventualité d’une cohabitation de l’opposition avec le parti au pouvoir. Il refuse tout pronostic sur la durée de la pacification de l’espace public, occasionnée par la victoire des Lions. En revanche, il estime que c’est maintenant qu’il faut se renforcer pour les législatives. Le président de la République, dit-il, a l’opportunité d’éroder l’opposition dans sa quête de poursuite de paix durable. L’approche des Législatives reste une équation pour l’opposition, d’une part, le parti au pouvoir et ses alliés de l’autre. Chaque camp est en train d’affûter ses armes pour aller à la conquête des suffrages aux élections législatives de juillet prochain. Mais, une opportunité de taille s’est présentée au chef de l’Etat avec le sacre des Lions.

Après son invitation à l’opposition pour accueillir les « Lions » à ses côtés, il s’est produit une pacification de l’espace politique. « Je ne sais pas s’il y aura une cohabitation ou pas. Mais ce que je sais, c’est que le football a pacifié l’espace. Je ne sais pas pour combien de temps. Si ce sera pour une semaine, un mois etc. Maintenant qu’on va vers des élections législatives, c’est le moment de se renforcer. Peut-être que le président Sall va saisir cette opportunité pour éroder l’opposition. Ou bien qu’il utilisera cet élan pour faire la paix.

En effet, il y a beaucoup de voix qui se sont levées pour exiger la poursuite de cette dynamique de paix », explique le journaliste-formateur, Ibrahima Bakhoum. Bien sûr, tout le monde ne va pas répondre à cette initiative de paix du président de la République. Dans quelles conditions vont répondre ceux qui y répondront favorablement ? « Ce n’est pas la première fois que Macky Sall, prétextant d’une chose, règle autre chose. Ils sont en politique et ils se connaissent bien. Présentement, les esprits se calment. Certains, un peu fragilisés, vont s’engouffrer dans la brèche ou voir des influenceurs pour aller individuellement à l’aventure. C’est possible pour certains. Pour d’autres, ils peuvent se dire qu’on est en phase des législatives, attendons les résultats pour voir. C’est également des options. Tout est là sur l’espace public. Mais, on attendra de savoir qui va être le Premier ministre. Ça pourrait être un premier signal pour savoir à quoi s’attendre », avance prudemment Ibrahima Bakhoum.

D’après le journaliste-formateur, Macky Sall est plus dioufiste. Il pourra faire comme Diouf pour appeler à un gouvernement élargi. « On est dans une dynamique d’euphorie. Les politiques ne peuvent dire qu’ils vont oublier leurs projets politiques. C’est déjà bien d’avoir accroché cette étoile. Mais les coalitions, ou simplement les politiques, est-ce qu’ils vont oublier leurs projets de société, leurs combats politiques pour s’engager dans un gouvernement ? Je ne suis pas certain qu’ils le fassent », ajoute notre interlocuteur. Ibrahima Bakhoum pense plutôt que les politiciens vont retourner dans ce qu’ils savent faire le mieux. Suivant son raisonnement, il n’écarte pas la possibilité de voir, à l’approche des élections législatives, des éclatements d’entités politiques pour rejoindre soit l’opposition, soit le camp présidentiel.

Zainab SANGARE 

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