Corps dâĂ©lite de la gendarmerie, la Section de recherches est sous les feux des projecteurs. Dans un contexte oĂč les autoritĂ©s judiciaires sont souvent vouĂ©es aux gĂ©monies, ils sont nombreux Ă louer le travail des hommes du commandant Abdou Mbengue
Elle est Ă la gendarmerie ce que la Division des investigations criminelles (Dic) est Ă la police. Sur toutes les lĂšvres, depuis quelques jours, la Section de recherches de Colobane a su rĂ©concilier une partie de lâopinion avec les officiers de police judiciaire de maniĂšre gĂ©nĂ©rale ; les gendarmes en particulier. MalgrĂ© les suspicions, ce sont les partisans dâOusmane Sonko qui sont les plus prompts Ă invoquer les conclusions de lâenquĂȘte menĂ©e par les hommes du commandant Abdou Mbengue.
Pour cet officier Ă la retraite, il ne faut surtout pas sâen Ă©tonner. De façon gĂ©nĂ©rale, souligne-t-il, la gendarmerie a souvent eu une posture trĂšs rĂ©publicaine et responsable dans ces affaires considĂ©rĂ©es comme sensibles. Il dĂ©clare : ââJe vais vous rappeler seulement que dans les annĂ©es 2000 dĂ©jĂ , la gendarmerie sâĂ©tait vaillamment illustrĂ©e dans lâaffaire des âmarteaux de Talla Syllaâ. Ce nâĂ©tait pas du tout Ă©vident. Nous Ă©tions au plus fort du rĂ©gime dâAbdoulaye Wade. Et cela nâavait pas empĂȘchĂ© le titulaire au poste Ă lâĂ©poque dâavancer. Sa carriĂšre nâa pas du tout Ă©tĂ© plombĂ©e par cette affaire. Comme quoi, les gens peuvent bien avoir confiance en leurs institutions.ââ
Dans cette affaire qui avait dĂ©frayĂ© la chronique, relĂšve-t-il pour le souligner, ce sont des membres de la garde rapprochĂ©e de lâancien prĂ©sident qui ont Ă©tĂ© citĂ©s. ââCela nâavait pas empĂȘchĂ© les enquĂȘteurs de la gendarmerie dâaller jusquâau bout. Je pense que câest la mĂȘme chose dans le cadre de cette procĂ©dure contre Ousmane Sonko. Il faut savoir que quelle que soit la sensibilitĂ© du dossier, quelle que soit la nature des pressions, les gendarmes ne peuvent pas raconter des conneries. Ce sont des gens qui ont prĂȘtĂ© serment et qui ne font pas de la politique. Maintenant, ce que les destinataires vont en faire ne peut concerner les officiers que nous sommes.ââ
Pour lâhonneur de la gendarmerie
Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es, le journaliste Pape SanĂ©, qui sâintĂ©resse beaucoup aux questions de sĂ©curitĂ©, souligne : ââIl ne faut pas oublier quâun officier de police judiciaire, quâil soit de la gendarmerie ou de la police, est certes sous lâautoritĂ© du procureur, dans le cadre de ses enquĂȘtes, mais il est avant tout liĂ© Ă sa hiĂ©rarchie Ă qui il rend compte. Dans le cas dâespĂšce, il est certain que le commandant a travaillĂ© en parfaite intelligence avec le commandement qui lâa soutenu. Dâailleurs, le commandant Abdou Mbengue est un officier exemplaire qui a souvent reçu les fĂ©licitations de ses supĂ©rieurs.ââ
Embouchant la mĂȘme trompette, lâofficier Ă la retraite souligne que, pour un gendarme, ce qui est le plus dĂ©terminant, câest le regard du commandement. ââIl y a certes le parquet, mais il y a aussi le commandement. Le chef de la Section de recherches, ce sont ses chefs qui le nomment. Câest eux qui le font avancer. Il est liĂ©, avant tout, Ă la dĂ©ontologie de ce corpsââ.
DâaprĂšs lui, il serait mĂȘme prĂ©fĂ©rable que la gendarmerie ne soit pas mĂȘlĂ©e Ă certaines affaires. ââPersonnellement, je prĂ©fĂšre que ces genres de dossiers ne soient pas confiĂ©s Ă la gendarmerie. Ce nâest pas notre rĂŽle. La gendarmerie est un corps spĂ©cial Ă la disposition de tout lâEtat : du prĂ©sident de la RĂ©publique, des magistrats, etc. On ne peut utiliser la gendarmerie pour des questions de politique politicienneââ.
Pour le journaliste Pape SanĂ©, il faut tout simplement revenir Ă lâorthodoxie. Selon lui, la vocation principale de la SR est dâintervenir dans les enquĂȘtes liĂ©es Ă la grande dĂ©linquance. ââAvant 2001, tous les grands dossiers Ă©taient confiĂ©s Ă la Dic. On sâĂ©tait rendu compte que dans les zones oĂč la gendarmerie Ă©tait compĂ©tente, la collaboration Ă©tait quelquefois difficile. Câest dans ces circonstances que la SR a vu le jour. Et comme la Dic, elle a une compĂ©tence nationaleââ, soutient le journaliste spĂ©cialiste des questions de sĂ©curitĂ©.
Revenant sur les missions de la SR, il informe : ââLa SR assiste les brigades, les compagnies ainsi que le parquet dans les affaires qui nĂ©cessitent des compĂ©tences aigues. Elle est dotĂ©e, dans ce cadre, de tous les moyens nĂ©cessaires pour lutter contre le grand banditisme. DĂšs le dĂ©but, ils ont cherchĂ© Ă disposer de toutes les ressources leur permettant dâintervenir efficacement dans tous les domaines : cyber-sĂ©curitĂ©, terrorisme, criminalitĂ© financiĂšreâŠââ
Pour tous ces prĂ©jugĂ©s favorables, ils ont Ă©tĂ© nombreux, mĂȘme dans le camp dâOusmane Sonko, Ă sâinterroger sur le fait que le dossier soit passĂ© de la Section de recherches au juge dâinstruction.
Mais, selon nos interlocuteurs, il nây a rien dâanormal. Comme Ousmane Sonko avait refusĂ© de rĂ©pondre Ă la convocation, en raison de son immunitĂ© parlementaire, les hommes du commandant Mbengue avaient constatĂ© le refus et remis le procĂšs-verbal de renseignement au procureur de la RĂ©publique. Lequel avait confiĂ© le dossier au juge dâinstruction du 8e cabinet. Ce qui ne les met pas pour autant hors-course. ââIl est mĂȘme fort probable que le dossier leur soit retournĂ© par dĂ©lĂ©gation judiciaire. Mais rien nâinterdit Ă©galement de le confier Ă dâautres entitĂ©sââ.
Commandant Abdou Mbengue sur le départ
A la tĂȘte de la Section de recherches depuis 2018, en remplacement du colonel Issa Diack, le commandant Abdou Mbengue a pu sâinscrire en droite ligne de ses prĂ©dĂ©cesseurs au niveau de ce corps dâĂ©lite. Dans un contexte oĂč lâopinion est trĂšs dubitative, quand il sâagit dâaffaire judiciaire impliquant des hommes politiques, lui a su montrer que le respect des principes fondateurs de la RĂ©publique et de lâĂtat de droit est essentiel dans la marĂ©chaussĂ©e.
Avant Ousmane Sonko, ses hommes avaient aussi su gĂ©rer avec beaucoup de professionnalisme le dossier Boughazelli. Ces valeurs, notre interlocuteur les rappelle avec beaucoup de fiertĂ©. ââJe peux aussi vous citer lâaffaire Batiplus. Il y en a beaucoup dâautres qui sont moins cĂ©lĂšbres. Les gendarmes, en gĂ©nĂ©ral, font le job. Maintenant, comme je lâai dit, ce qui est fait des dossiers ne peut nous engagerââ.
Et dâajouter : ââIl faut savoir quâun officier ne ment pas. Câest vrai quâil ne peut manquer quelques brebis galeuses, mais gĂ©nĂ©ralement, les gens ont un sens trĂšs Ă©levĂ© de lâhonneur et de la dignitĂ© inhĂ©rents Ă leur fonction.ââ
MalgrĂ© une mission bien remplie, le commandant Abdou Mbengue doit en principe partir trĂšs prochainement pour remplir dâautres fonctions. Selon des sources concordantes, la mesure Ă©tait actĂ©e bien avant lâaffaire Sonko. ââEn fait, expliquent nos interlocuteurs, la SR est dirigĂ©e par un commandant. Et en principe, le commandant Mbengue doit passer lieutenant-colonel en avril. Il va donc cĂ©der son poste aprĂšsââ.
InterpellĂ© sur son remplacement prochain, il prĂ©cise : ââCâest vrai que la mesure Ă©tait prise avant cette affaire, mais elle a par la suite Ă©tĂ© annulĂ©e.ââ
Avant sa nomination Ă la tĂȘte de ce corps dâĂ©lite, le commandant Abdou Mbengue avait marquĂ© de son empreinte les compagnies de Kolda, de Mbour et de Dakar. Par la suite, il Ă©tait parti au Mali commander un contingent de la mission de lâONU ; avant de revenir diriger de main de maitre la trĂšs Ă©litiste Section de recherches de la gendarmerie.