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jeudi, mai 2, 2024
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«LA GRACE DEPENDRA DES PREMIERES DECISIONS QU’ILS VONT PRENDRE»

par pierre Dieme

Il est l’oncle du nouveau président de la République. Son homonyme aussi. Ce Diomaye Faye vit aux Etats-Unis et est un intellectuel spécialisé dans la stratégie de développement orienté vers le panafricanisme. Au-delà de la fibre familiale, il épouse donc le projet de Pastef, même s’il n’en est pas un militant. Vie familiale, idéaux, système, monnaie… C’est un entretien portrait du successeur de Macky Sall. Un entretien-enquête de moralité aussi avec Alassane Samba Diop, dans l’émission Questions directes qui sera diffusée ce dimanche à 14h sur iTv.

Qui est Bassirou Diomaye Faye ?

«C’est mon neveu, c’est le fils de mon grand frère. C’est un jeune homme qui a la maturité avant son âge. Il réfléchit comme une personne qui est plus âgée que ce qui est inscrit sur son certificat de naissance. Une personne intense, posée, qui a beaucoup d’humilité et surtout une grande capacité d’écoute. Mais qui n’est pas dans l’ego. Quand il a tort, il n’a pas de problème pour le reconnaitre et rectifier. Il est d’une grande générosité pour les personnes moins chanceuses que lui. Car, il y a plusieurs épisodes dans ce sens-là. Et rien que lors des élections locales, il a acheté une ambulance pour Ndiaganiao. Donc, c’est un neveu, et dans notre culture, c’est mon fils, pour lequel j’ai beaucoup de respect. Je suis convaincu que les Sénégalais ne seront pas déçus de l’avoir comme président de la République».

«Il est jeune, mais il est en train d’effleurer la sagesse de cinquantaine»

«Oui. C’est le meilleur âge pour être président de la République. John Kennedy est devenu président des Usa à 43 ans. A cet âge-là, le pouvoir demande beaucoup d’énergie. Et il est au milieu de son âge, où il est encore dans sa jeunesse. Mais il est en train d’effleurer la sagesse de cinquantaine. C’est vraiment la meilleure période avec toute l’énergie que demande un chef d’Etat, l’exercice de la lourde tâche du chef d’Etat. Il va redynamiser, les jeunes peuvent s’identifier à lui, tout comme les personnes qui sont aussi plus âgées que lui. Donc, je pense que c’est une chance pour le Sénégal.

«Mon fils est ouvert aux idées nouvelles»

C’est une grosse charge. Mais, vous savez le Pastef a un projet et c’est des jeunes que j’admire. Parce qu’ils ont bien réfléchi, et il y a beaucoup de cadres dans ce mouvement-là. En 2012, avec le Président Macky Sall, il y a eu un gros espoir de vouloir contribuer au développement du pays. Et, j’ai l’impression qu’on ne leur a pas donné l’opportunité. Et ces gens, quand on leur a présenté une opportunité de donner quelque chose ou en tout cas partager leur savoir, ils ont sauté sur ça. Donc, je pense sincèrement, en tant que politologue, qu’ils vont ouvrir le débat sur les fondamentaux du développement politique et économique du Sénégal. Ils vont permettre à beaucoup de personnes de s’exprimer, aussi bien les intellectuels que ceux qui sont sur le terrain en train de travailler. C’est une période excitante. Quand le peuple traverse une crise, il en sort en général grandi. Et dans cette crise-là, nous avons pu avoir une libération de notre système judiciaire par rapport à l’Exécutif. Ce qu’on appelle le «judicialreview», en anglais. Cela veut dire que le pouvoir judiciaire a le droit de revoir les décisions du pouvoir législatif et exécutif par rapport à leur conformité avec la Constitution. Ça, c’est une première au pays, c’est un pas extraordinaire dans le développement. Cette libération du judicaire avec cette énergie qui vient de ce programme du Pastef avec un Président comme mon fils qui est vraiment ouvert aux idées nouvelles…»

Si le système avait profité aux Sénégalais, ils auraient élu Amadou Ba»

Vous savez, les gens parlent d’antisystème mais ne parlent pas de quel système il s’agit. Ce système qui est là pendant 60 ans a-t-il profité aux Sénégalaises et aux Sénégalais ? Si c’était le cas, les gens auraient élu Amadou Ba. Mais au premier tour, les Sénégalais leur ont dit : «On est preneurs pour ce changement de système. Mais ce système, n’est rien d’autre que le néocolonialisme. Quand ils parlent de souveraineté, ils ne disent pas comme la gauche traditionnelle qui parlait de révolution nationale, démocratique et populaire. Maintenant, ceux qui ne comprennent pas grand-chose à la politique, tant que ce n’est pas dit exactement de la même manière comme cela a été dit avant, pour eux, ce n’est pas la même chose. Mais toute la gauche est antisystème, contre le néocolonialisme. Et quand on parle de souveraineté on parle d’un système où les Sénégalais peuvent décider. Pour un politologue comme moi, ce que nous avons eu dans les années 60, c’était l’indépendance. Ce n’est pas la même chose que la souveraineté»

«J’ai ressenti de l’inquiétude en même temps»

«Quand il a été élu, j’ai ressenti de l’inquiétude en même temps. Parce que l’arrivée de Diomaye à la présidence, c’est la suite d’un long processus qui a commencé avec son grand-père, Dioumacor Faye. Dans les années 40, il n’y avait pas d’école à Ndiaganiao. L’école qui devait y être construite à été transférée à Fissel et ça avait plus ou moins montré à mon père que c’était de l’injustice. Il fallait qu’il y ait une école ici. Sinon les jeunes de notre terroir allaient continuer à être les serviteurs du reste, le paysan des intellectuels des autres contrées. Donc, il s’est battu pour l’école. Il a été emprisonné à Podor pendant 7 mois. Il a toujours été un véritable avocat pour l’éducation. Pour lui, il fallait aller chercher le savoir partout où c’était possible. Cela a créé à Ndiaganiao beaucoup d’intellectuels, des journalistes, des chercheurs, etc. Diomaye est le produit de cet environnement bouillonnant d’intellectuels qui piaffent d’impatience de contribuer justement au développement de ce pays. Il a grandi dans cette atmosphère-là. Donc, je me suis senti fier par le fait que mon père était un visionnaire. C’est l’aboutissement de son projet. L’inquiétude venait du fait que les institutions sont en lambeaux. (Rires). C’est le meilleur mot pour le décrire. Il y a une véritable rupture entre le citoyen et les institutions. Il va falloir reconstruire cette rupture-là. Deuxièmement, il y a ce qu’on appelle «le dividende démographique». C’est-à-dire la masse de jeunes qui arrivent dans le marché du travail chaque année. En sciences politiques, on dit que ce dividende a deux conséquences : Si l’économie peut les absorber, ça crée une croissance énorme. Mais si c’est le cas contraire, ce qui se passe est une crise terrible : développement du terrorisme, instabilité sociale, etc. On est dans une situation où le marché du travail, très exigu, ne peut pas absorber ça. Ce, à cause du système justement. D’où l’antisystème de Pastef ! Donc, il va falloir imaginer de nouvelles manières par lesquelles le marché du travail pourrait être élargi pour pouvoir absorber, justement, cette masse de jeunes qui arrivent. Ainsi, les gens vont observer. Si ça se fait, et je pense que c’est ce qui est dans leur programme, vous verrez des croissances à deux chiffres».

«Il y aura une période de grâce»

«Vous savez, il y aura une période de grâce. Ça dépendra des premières décisions qu’ils vont prendre. Dans l’histoire, en général, parce que ce n’est pas la première fois qu’on ait un changement avec beaucoup d’attentes. La période de grâce dépendra des signes forts qu’ils vont donner au peuple sénégalais. Parce que s’ils vont dans la direction d’un changement radical dont ils parlent, le peuple sait lire. Là, ils pourront bénéficier d’une bonne période de grâce. Ce qu’on appelle «une lune de miel» qui leur permettra d’attaquer les changements de fond, nécessaires, pour pouvoir créer les conditions d’un développement politique et économique en même temps».

«Il y a un travail de rééducation pour enlever ce système dans les consciences»

«Est-ce que les Sénégalais sont prêts à prendre leur destin en main ? C’est ça la grosse question. C’est une question assez complexe parce qu’il faut un leadership pour la conduire, une éducation des Sénégalais. D’abord, beaucoup de Sénégalais ne savent pas que nous avons une République. Quand on parle de certains comportements de certains leaders africains, sénégalais et autres, c’est comme si on était encore dans une monarchie. Même certains agents de l’administration se comportent comme s’ils étaient des commis coloniaux. Il y a un travail de rééducation qui est nécessaire pour que ce système soit enlevé dans les consciences des gens. A mon avis, il devra y avoir un travail d’éducation civique pour que les Sénégalais comprennent que nous sommes aujourd’hui les membres d’une association qui nous appartient, que les personnes qui sont à la tête de cette association-là ne sont pas des rois. C’est juste les premiers de cette administration qu’on a choisis. Comme ça on peut avoir le courage de les surveiller, de leur demander des comptes. Le système doit changer, il doit devenir une République des Sénégalais».

«Il faut fédéraliser cette monnaie»

«C’est là que le Pastef parle de panafricanisme. Quand ils parlent de panafricanisme c’est ce que je comprends. C’est beaucoup plus le fédéralisme africain que le panafricanisme. Il y a une grande différence entre ces concepts-là. Mais il faut une unité africaine, une mutualisation pour la gestion de ces portions de souveraineté pour pouvoir effectivement réclamer ou exercer cette souveraineté. Par rapport à la monnaie, leur option est justement dans ce sens-là. Ils veulent certainement une monnaie de l’Afrique de l’Ouest. Mais je pense qu’il y a plusieurs outils qui pourront convaincre au moins certains des pays (zone franc) à fédéraliser cette monnaie parce qu’il n’y a aucune raison que le CFA (Afrique de l’Ouest et centrale) ne puisse pas être fédéralisé comme Maastricht par exemple».

«Sonko et Diomaye du syndrome de Compaoré et Sankara…»

«Ils sont conscients de certains syndromes comme celui de Blaise Compaoré et Thomas Sankara. Ce qu’il faut savoir, c’est que la relation entre Blaise et Thomas n’était pas équilibrée. Mais celle-là, elle est équilibrée et ils sont librement entrés dans cette relation bien avant d’être des camarades de parti. Sonko et Diomaye ont une complicité et une relation qui ne peuvent pas permettre à une personne de s’y immiscer. Les gens n’oseront même pas essayer de les mettre en mal. Donc, je n’ai aucune crainte à ce niveau.

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