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lundi, avril 29, 2024
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LE RAS-LE-BOL NATIONAL

par pierre Dieme

Pêcheurs ou étudiants, de nombreux jeunes Sénégalais ont exprimé dans les urnes leur désenchantement face à la gouvernance de Macky Sall, estimant avoir été laissés de côté des fruits de la croissance, selon un reportage du journal Le Monde.

A Kayar, petite ville côtière au nord de Dakar, la situation des pêcheurs illustre ce sentiment d’injustice. « Pour rien ou presque, la pêche a encore été mauvaise. Depuis des années, on ne gagne rien, on travaille seulement pour se nourrir », peste Serigne Diouf, 30 ans, prêt comme beaucoup de ses camarades à tenter sa chance en Europe tellement « la vie est devenue trop dure ». La raison de cette précarité? « Les gros bateaux de pêche étrangers ont volé notre travail », déplore Aliou Diop, 21 ans, en référence à l’accord de pêche de 2014 entre l’UE et le Sénégal, signé sous Macky Sall.

C’est ce sentiment d’inégalité face aux investisseurs étrangers qui a poussé les pêcheurs de Kayar, comme de nombreux Sénégalais, à voter le 24 mars pour l’opposant Bassirou Diomaye Faye, élu au premier tour sur la promesse de « rompre avec un système injuste ». Pourtant, sous Macky Sall entre 2012 et 2024, le pays a connu une forte croissance moyenne de 5% et s’est doté d’infrastructures modernes. Mais « comme beaucoup de Sénégalais, nous n’avons pas touché les dividendes de cette politique libérale », déplore Serigne Diouf.

Au-delà du milieu de la pêche, le désenchantement était également de mise dans les universités. « Sous Macky Sall, on voyait des étudiants sans diplôme trouver du travail car proches du pouvoir, pendant que des docteurs pointaient au chômage. C’est cette injustice sociale qui nous a fait voter Bassirou Diomaye Faye », explique Modou Diagne, président de l’amicale des étudiants en droit de l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar.

Symbole de ce ras-le-bol, des manifestations étudiantes violentes avaient éclaté en juin 2023 après la condamnation d’Ousmane Sonko, principal opposant, que beaucoup jugeaient politique. L’amphithéâtre de droit a été incendié. Dans le pays, les affrontements entre police et manifestants entre 2021 et 2023 ont fait plus de 1.000 blessés et 66 morts selon Amnesty International, comme le frère d’Abdoulaye Wade, tué lors d’une manifestation. La classe politique est jugée « violente » et « impunie ».

Ce sentiment d’injustice s’est également cristallisé autour des multiples « scandales de corruption épinglant des caciques du pouvoir », révélés par des lanceurs d’alerte comme Mouhamed Samba Djim. Arrêté en 2023 alors qu’il dénonçait des détournement dans la gestion de la crise Covid, il a passé 374 jours en détention dans des conditions atroces.

Ces affaires, comme le scandale de la mauvaise gestion du fonds Covid mis en lumière par la Cour des comptes, « ont profondément choqué les Sénégalais » face à l’enrichissement d’une classe politique alors que l’inflation grignotait le pouvoir d’achat, estime Mamadou Lamine Sarr, enseignant-chercheur. Les citoyens ont ainsi exprimé dans les urnes leur « rejet de ce système » au profit du candidat du changement Bassirou Diomaye Faye.

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