dimanche, juin 16, 2024
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Sonko plonge dans le littoral

par pierre Dieme

Les nouvelles autorités semblent déterminées à mettre de l’ordre, arrêter l’hémorragie et récupérer ce qu’il reste, ou du moins ce qui peut l’être, des terres du littoral en proie à des prédateurs du Domaine Public Maritime (DPM).

Les nouvelles autorités semblent déterminées à mettre de l’ordre, arrêter l’hémorragie et récupérer ce qu’il reste, ou du moins ce qui peut l’être, des terres du littoral en proie à des prédateurs du Domaine Public Maritime (DPM). La mesure portant arrêt de tous les travaux de construction sur la corniche de Dakar et la bande des filaos de Guédiawaye, sur instruction du président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, dévoilée le dernier week-end du mois d’avril dernier ayant suscité des polémiques non pas sur l’intention jugée «noble», mais sur la démarche, la légalité et la nécessité de l’encadrer, le gouvernement y met la manière en instituant, par arrêté du Premier ministre, une Commission ad hoc chargée du contrôle et de la vérification de tous titres et occupations du DMP dans la région de Dakar. Mieux, à titre conservatoire, il est décidé la suspension de toutes les constructions et autres travaux sur le DPM de Dakar, pour un délai de deux (02) mois.

Le nouveau régime passe à une vitesse supérieure dans sa volonté manifeste de mettre fin à l’occupation «illégale» du littoral dakarois. Par Arrêté n°006632, en date du 13 mai 2024 et signé le Premier ministre Ousmane Sonko, il a décidé de la «création d’une Commission ad hoc chargée du contrôle et de la vérification des titres et occupations sur les anciennes et nouvelles dépendances du Domaine Public Maritime (DMP) dans la région de Dakar». La mesure portant création de cette Commission dispose, en son Article premier : «il est institué, au sein de la Primature, une commission ad hoc chargée de procéder à la vérification de la légalité et de la conformité des titres délivrés et occupations faites dans les zones ciblées».

L’Arrêté, dans l’Article 2, définit l’organigramme de cette nouvelle entité. «Sous la présidence du ministre, Secrétaire général du gouvernement, elle est coordonnée par le ministre des Finances et du Budget. Son Secrétariat est assuré par le ministre de l’Urbanisme, des Collectivités territoriales et de l’Aménagement des territoires». Elle compte au moins une vingtaine de membres de plusieurs entités directement concernées par la question foncière et répartis en deux groupes de travail. «Sont membres de la Commission : trois représentants de l’Assemblée nationale ; un représentant du Conseil Economique, Social et Environnemental ; un représentant du Haut Conseil des Collectivités Territoriales ; trois représentants du ministère des Finances et du Budget (Impôts, Domaines, Cadastre) ; deux représentants du ministère de l’Urbanisme, des Collectivités territoriales et de l’Aménagement du territoire ; un représentant du ministère de l’Environnement ; un représentant du ministère de la Justice ; le Gouverneur de Dakar ; les représentants des Collectivités territoriales concernées ; le Directeur général de la Surveillance et du Contrôle de l’Occupation des Sols (DGSCOS) ; le Directeur général de l’Agence Nationale des Affaires Maritimes (ANAM) ; un représentant de l’Ordre des Avocats du Sénégal ; un représentant de la Chambre des Notaires ; un représentant de l’Ordre des Architectes du Sénégal ; un représentant de l’Ordre National des Géomètres Experts du Sénégal ; un représentant du Laboratoire National de Référence dans le domaine du Bâtiment et des Travaux Publics (LNR-BTP). La Commission peut s’adjoindre les compétences jugées utiles de toute autre personne. La Commission est composée de deux groupes de travail : groupe de travail 1 portant sur les aspects juridiques et techniques ; groupe de travail 2 portant sur les impacts sociaux et environnementaux», détaille le document.

A la fin de ses investigations, la Commission va produire un rapport destiné au chef de l’Etat. «Les travaux de la Commission devront être sanctionnés par un rapport qui sera soumis à la Très haute attention de Monsieur le Président de la République», informe la même source en son Article 3. En attendant, renseigne l’Article 4, «A titre conservatoire, instruction est donnée au Directeur général de la Surveillance et du Contrôle de l’Occupation des Sols, de procéder à la suspension de toutes les constructions et autres travaux sur les anciennes dépendances du Domaines Public Maritime (DPM) dans la région de Dakar, pour un délai de deux (02) mois, à compter de ce jours», note le présent arrêté dont le ministre, secrétaire général du gouvernement, est chargé de l’exécution et qui sera publié et communiqué partout où besoins sera (Article 5).

UNE «REPONSE» AUX PREOCCUPATIONS DES SPECIALISTES DU FONCIER

L ’Arrêté n°006632, «portant création d’une Commission ad hoc chargée du contrôle et de la vérification des titres et occupations sur les anciennes et nouvelles dépendances du Domaine Public Maritime (DMP) dans la région de Dakar», pris le 13 mai 2024 par le Premier ministre Ousmane Sonko, apparaît comme une réponse aux préoccupations d’acteurs spécialistes du foncier et juristes.

En effet, invité de l’émission «Sortie» sur la RTS1, le dimanche 28 avril 2024, l’architecte Pierre Goudiaby Atépa a annoncé que, sur instruction du président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, tous les travaux de construction sur la corniche de Dakar et la bande des filaos de Guédiawaye ont été arrêtés. Revenir sur le modus operandi pour l’appropriation privative du foncier du littoral par quelques privilégiés, dans des conditions scandaleuses, l’architecte déclare : «On l’achète à 2 450 FCFA le m2 ; on se fait octroyer un bail ; on prend le même terrain, on s’organise pour le faire déclasser et le transformer en titre foncier. Ils prennent ce titre, ils l’amènent à la banque. La banque leur donne l’équivalent d’au moins 1 million de FCFA le m2. Ils le revendent à 1,5 million le m2. C’est scandaleux», dénonce-t-il.

Une mesure qui sera confirmée par le Directeur général de la Surveillance et du Contrôle de l’Occupation des Sols (Dscos), le lendemain, lundi 29 avril dernier, puis par le gouvernement à travers une circulaire du ministre des Finances et du Budget adressée au Directeur général des Impôts et Domaines. Cette mesure de suspension des travaux, élargie à d’autres localités de l’intérieur du pays dont Mbour 4, sera validée par le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye, lors d’une visite surprise sur ce dernier site à Thiès, une semaine après. Cependant, la décision des nouvelles autorités avait suscité des réactions diverses chez des acteurs et autres spécialistes qui, tout en appréciant positivement l’intention jugée «noble», s’interrogent sur la démarche qui pose de sérieux problèmes quant à la légalité et l’équité de la mesure. D’où la nécessité de l’encadrer.

La privatisation du littoral, avec les constructions sur la corniche, a toujours été dénoncée par les citoyens. En 2020, les travaux de construction d’immeuble au pied du Phare des Mamelles avait soulevé l’ire de plus d’un, y compris les riverains et les défenseurs du littoral. Le promoteur qui brandissait un titre de bail datant du 9 avril 2020, avait été stoppé par la révolte du collectif «Touches pas aux terres du Phare des Mamelles», qui s’était érigé en bouclier contre la dégradation de ce site historique. Et face la forte pression, le président de la République d’alors, Macky Sall, en Conseil des ministres du 10 juin 2020, a donné instruction au ministre des Finances et du Budget, celui des Collectivités territoriales et au ministre de l’Intérieur de «veiller au respect des règles de gestion foncière au plan national…, la mise en place d’un ‘’Plan global d’aménagement durable et de valorisation optimale du littoral national’’ et de veiller, sur l’étendue du territoire, à l’application rigoureuse des dispositions du Code de l’urbanisme et du Code de la construction». Une directive présidentielle restée en l’Etat. D’ailleurs, alors opposant, Ousmane Sonko, avait déjà promis d’arrêter toute cette poussée vertigineuse de bâtiments le long du littoral, une fois au pouvoir.

Au-delà de la corniche, la façade maritime de Yoff à Tivaouane Peulh est également concernée par le fléau, notamment la bande des filaos de Guédiawaye. Ainsi, le jeudi 13 avril 2023, le sous-préfet de l’arrondissement des Almadies, Papa Serigne Niang, avait ordonné la suspension des travaux de construction sur le littoral de Diamalaye, à côté de l’arrêt des bus Tata, dans la commune de Yoff, pour absence d’autorisation de construire approuvée par l’autorité administrative et risques réels de troubles à l’ordre public liés à des menaces d’affrontements entre les habitants du quartier et le promoteur. De même, déclassée par le président Macky Sall, pour un programme dit «d’utilité publique», la bande des filaos de Guédiawaye a été morcelée en parcelles attribuées à des tiers, au grand dam des populations. L’Association pour la justice environnementale (AJE) a déposé un recours en annulation à la Cour Suprême du décret présidentiel portant déclassification de cette forêt côtière. La haute juridiction, lors de son audience du 25 avril 2024, a décidé d’instruire le dossier.

I.DIALLO

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