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samedi, avril 20, 2024
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Business des permis de conduire, alerte rouge

par pierre Dieme

Une enquête a permis de mettre la main sur un arsenal impressionnant composé de cartes grises vierges, d’autres déjà remplies avec le cachet nominatif de l’autorité compétente, des talons de permis de conduire vierge

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Le président du mouvement Avenir Sénégal Bouniou Beug a affirmé hier que l’opération ‘’Walu’’ qu’il a lancée, il y a une semaine, a pu sortir plus de 100 sinistrés des eaux. Face aux journalistes hier à Keur Massar, Dr Dièye, accompagné d’un comité regroupant toutes les obédiences politiques, a invité aussi les hommes politiques à taire les querelles…

Le 25 août dernier, un accident de la circulation s’est déroulé sur l’autoroute. La section de la prévention routière et des accidents dans l’identification des victimes tombe sur un conducteur de moto tricycle. Ce dernier présente un certificat de perte de son permis. Doutant de l’authenticité des documents, il remonte au service des mines qui lui confirme qu’il s’agit effectivement d’un faux document.

L’enquête ouverte par la suite permettra de mettre la main sur plusieurs individus mais surtout sur un arsenal impressionnant composé de cartes grises vierges, d’autres déjà remplies avec le cachet nominatif de l’autorité compétente, des talons de permis de conduire vierges. Mais ce qui a le plus impressionné, ce sont les cachets des autorités ingénieusement copiés. Une scène qui en dit beaucoup sur le business qui existe autour de la délivrance de ces documents de transport, en particulier le permis de conduire. Aujourd’hui, même si les auto-écoles pullulent dans la capitale, ils sont nombreux à détenir leur permis de conduire sans être passés par la formation en Code et Conduite.

Très à l’aise au volant d’une Peugeot 207 break, Madou Fall n’est jamais passé par une auto-école et pourtant, il a son permis de conduire. En effet, raconte-t-il, c’est en fréquentant un ami véhiculé qu’il s’est habitué à la conduite. Chemin faisant, il finit par maîtriser parfaitement la conduite. Mais pour être en règle, il lui faut un permis de conduire. « Je ne m’imaginais pas perdre autant de temps dans les auto-écoles, alors que je conduisais déjà. On m’a présenté un gérant d’auto-école. Il m’a demandé 100 mille pour me mettre avec ses élèves le jour de l’examen. J’ai rapidement été programmé. Je suis sûr que je n’ai pas donné de bonnes réponses à l’examen du code, mais le responsable m’a rassuré et m’a demandé de remettre une petite somme à quelqu’un qui était là le jour de l’examen. Il ne restait que la conduite », se souvient-il.

L’EXAMEN DE CONDUITE, LA GROSSE FARCE 

Pour se faire une idée claire des magouilles qui entourent l’obtention du permis de conduire, il faut se rapprocher des candidats. « Alors que j’avais fini le nombre de cours qui avait été retenu lors de mon inscription, on me dit que je dois passer l’examen un mardi. J’étais sûr de ne pas avoir assez maîtrisé la conduite. La veille, un des formateurs m’appelle pour me dire de ne pas stresser, mais surtout de venir avec 20 000 francs. Je n’avais rien compris. Quand j’en ai parlé à un ami, il m’a dit que lui-même avait fait la même chose », se rappelle-t-il. Le jour-j, poursuit-il, le candidat débarque derrière le stade Leopold Sédar Senghor.

A peine arrivé, son moniteur lui demande de se préparer. « J’étais très stressé. Dès que j’ai démarré le véhicule, on m’a dit de descendre. J’avais échoué. Mais pendant que j’imaginais la reprise des cours, le moniteur m’appelle et me demande de le rejoindre derrière un bus garé à quelques mètres. Je lui remets les 20 mille et il me demande de rentrer. Quelques jours plus tard, il m’appelle pour me dire que je pouvais passer récupérer mon permis de conduire », raconte-t-il. Pour la suite, c’est sur la route qu’il finit sa formation en conduite. Le code de la route, il l’a sur son téléphone. Mais selon cette ancienne formatrice en code de la route, il s’agit d’un business très huilé. Car, dit-elle, le jour de l’examen de conduite, ce sont les moniteurs qui surveillent, mais il y a des superviseurs de la direction des mines. « Comme un moniteur ne peut pas surveiller ses propres élèves, ils se parlent entre eux. Maintenant, les petites sommes (entre 10 et 20 mille ) que les candidats donnent, ils se le partagent à la fin de l’examen. Chacun peut se retrouver avec 75 ou 100 mille, selon sa position. Ça se passe comme ça depuis des années », révèle-t-elle sous le couvert de l’anonymat.

 DES AUTO-ECOLES DE FAÇADE 

La magouille va bien au-delà. En effet, étant donné que le permis de conduire pour les poids lourds est payé plus cher dans les autoécoles, certains, très introduits dans le deal, font passer à des élèves de véhicules légers des examens de poids lourds. « J’avais quelques notions en conduite, mais je n’avais pas le temps de faire les cours du début à la fin. J’ai été mis en contact avec quelqu’un qui a accepté de me faire passer l’examen poids lourds, même si tous mes cours, je les ai faits dans un véhicule poids léger », dit-il avec ironie. Cependant, dit-il, c’est de justesse qu’il a fait cet examen. En effet, explique-t-il, le monsieur qui l’avait enrôlé prétendait avoir une auto-école avec une enseigne bien visible. Mais c’est le jour de l’examen qu’il a compris que le monsieur n’était qu’un simple rapporteur d’affaires. « J’attendais le nom de l’auto-école à laquelle je m’étais inscrit. Pendant une heure, personne ne m’a appelé. C’est vers la fin que mon formateur s’est rapproché de moi pour me donner le nom d’une autre auto-école. Il m’a dit que je dois faire partie de cette équipe. Je n’avais rien compris. Mais ce qui m’intéressait, c’était de faire l’examen pour de bon », se rappelle-til. L’examen ne sera qu’une question de formalité.

A peine s’est-il installé qu’on lui a demandé de sortir. Comme les autres, cela ne l’empêchera pas de décrocher son permis au prix d’une petite somme supplémentaire. Selon beaucoup de témoignages, la plupart des auto-écoles ne sont pas reconnues. Mais leur stratégie consiste à trouver des élèves le jour des examens. Elles se font enrôler par des auto-écoles reconnues moyennant un certain pourcentage. Mais si cette pratique perdure, c’est parce qu’il n’y a pas de contrôle des auto-écoles, estime cette ancienne formatrice en code de la route. « J’ai passé deux ans dans une auto-école, mais jamais je n’ai reçu la visite d’un responsable censé contrôler ce que nous faisons. Il y va de la sécurité des usagers de la route. Mais on laisse faire », regrette-telle.

Dans une contribution, Alassane Kitane, professeur au Lycée de Thiès, plaidait pour une convention entre l’Etat et les auto-écoles sérieuses et réputées expertes pour permettre d’améliorer la capacitation de ces structures et de promouvoir une formation continue. « Pour que le Permis de conduire ne devienne pas un permis de tuer, il faut lui redonner sa dignité, sa valeur scientifique et technique. Le permis de conduire doit être gradué : il faudrait, pour obtenir le permis (même poids léger), passer par différentes étapes, par plusieurs examens avec des équipes différentes, mobiles. Le service des mines doit également être vidé de tous ces rabatteurs qui travaillent dans l’illégalité la plus absolue sans qu’aucune instance ne se décide à arrêter leur manège », a-t-il plaidé.

GORA KHOUMA, SG UNION DES ROUTIERS DU SÉNÉGAL : «Il y a trop de laisser-aller avec les auto-écoles»

Selon Gora Khouma, secrétaire général du syndicat des routiers du Sénégal, c’est tout le secteur qui nécessite une refonte totale. Mais, dit-il, ce qui se passe dans les auto-écoles, c’est la catastrophe. «Aujourd’hui, il y en a par exemple qui descendent sur le terrain pour demander qu’on leur trouve des candidats, moyennant une commission. Autre chose qui mérite l’attention des autorités, ce sont les voitures utilisées pour les cours de conduite. Normalement, ce sont des voitures avec double pédales. Maintenant, ce sont des particuliers qu’on utilise comme on veut. Tout ça, c’est parce qu’il n’y a pas de contrôle. Elles doivent être inspectées régulièrement. Il y a trop de laisser-aller dans les auto-écoles. Les gens obtiennent le permis d’abord avant d’apprendre à conduire, alors que ça devrait être le contraire. Il n’y a presque plus d’auto-école fiable. Les plus prisées sont celles qui peuvent vous trouver le permis le plus rapidement possible, or la priorité devrait être la qualité des cours », a-t-il dénoncé. Par ailleurs, alerte-t-il, « de plus en plus, on constate que toutes les motos sont devenues des acteurs à part entière du transport, mais on n’en parlera que quand il y aura un drame. Si on ne règle pas ces problèmes-là, toutes les actions menées pour la sécurité routière seront vaines. A Dakar, il y a énormément de voitures qui sont immatriculées dans les régions, mais qui réussissent à avoir la visite technique sans sortir de Dakar. C’est problématique », dit-il.

OUMAR YOUM, MINISTRE DES TRANSPORTS :  «nous voulons avoir le circuit le plus sécurisé possible d’obtention des permis de conduire»

Selon les chiffres de la brigade nationale des sapeurs-pompiers, il a été dénombré, entre janvier et août 2019, 430 morts sur plus de 11 082 sorties sur l’ensemble du territoire. Des chiffres qui n’ont pas manqué d’alerter les autorités. Prenant part aux concertations sur les réformes initiées dans la loi d’orientation et d’organisation des transports terrestres, le ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, Oumar Youm, annonçait une batterie de mesures qui en disaient long sur la gravité de la situation. L’objectif, selon le ministre, c’est qu’au-delà des conditions de délivrance des permis de conduire, «il faut avoir le circuit le plus sécurisé possible d’obtention des permis de conduire avec les procédés informatiques qui doivent nous permettre d’abattre le maximum de contacts physiques, parce que c’est là où on constate des difficultés». En plus d’une obtention plus sécurisée du permis, le ministre estime qu’il est important de capaciter davantage les conducteurs pour limiter les dégâts routiers. «Nous allons mettre l’accent sur la formation, institutionnaliser ou instaurer la formation en sécurité routière obligatoire pour tout détenteur de permis de conduire, mais également mettre en place un dispositif pour la capacitation des conducteurs professionnels pour nous permettre de mettre la veille qu’il faut », a soutenu Oumar Youm qui insiste sur l’urgence de mettre en place un organe directionnel pour la gestion de la politique et la mise en œuvre de la politique de sécurité routière.

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