mardi, octobre 15, 2024
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ÉVITER LE SPECTRE DE LA CREI

par pierre Dieme

Le Pool judiciaire financier (PJF) qui a officiellement lancé ses activités, le 17 septembre 2024, devra éviter le syndrome de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI). Cette dernière juridiction spéciale a été très critiquée pour des poursuites jugées partiales.

Le 17 septembre 2024, le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Ousmane Diagne, a installé les juges qui composent le Pool judiciaire financier (PJF). Leur but étant, entre autres, «de répondre aux nombreux défis posés par l’exigence citoyenne de redevabilité, la mondialisation de l’économie, les flux rapides de capitaux», expliquait le Garde des Sceaux.

Ce Pool judiciaire financier est adopté par l’Assemblée nationale sous le régime de l’ancien président de la République, Macky Sall, en juillet 2023. Sa composition est connue à l’issue du Premier Conseil supérieur de la magistrature dirigé par président Bassirou Diomaye Faye. Il devra toutefois faire mieux que la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), à laquelle il a succédé, dans sa volonté de recouvrer les avoirs jugés frauduleusement acquis. Le Premier ministre, Ousmane Sonko, a annoncé une reddition des comptes et la traque des biens supposés mal acquis, justifiées par l’interdiction de sorties du territoire de certains ministres et dignitaires du régime précédent dont Abdoulaye Saydou Sow et la détention de l’ancien Directeur général de la Loterie nationale sénégalaise (LONASE) et ancien ministres des Sports, Lat Diop. Face à la presse, le lundi 9 septembre 2024, Abdoulaye Sow a déploré la manière avec laquelle, il a été interdit de sortir du territoire. A travers un tweet, le Coordonnateur du Forum civil, Birahim Seck, trouve que «la trajectoire prise par l’initiative de reddition des comptes n’est pas bonne». Pour lui, « la justice a besoin de temps pour faire son travail et le faire bien, surtout en matière de criminalité économique et financière». Il ajoute aussi que, «la partialité neutralise la reddition des comptes».

D’ailleurs, le 17 septembre dernier, le Procureur général près de la Cour d’appel de Dakar, Mbacké Fall, a invité les juges du Pool judiciaire financier à la vigilance et à la probité. «Il ne s’agira pas d’un règlement de comptes, mais plutôt d’une reddition de comptes», a-t-il insisté. La Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), juridiction ad hoc créée en 1981, sous l’ancien président Abdou Diouf et ressuscité par le président de la République Macky Sall, a fait l’objet de beaucoup de critiques. Sur la traque des biens mal acquis, objet de sa réactualisation alors, la CREI n’a enrôlé que le dossier de Karim Wade, Tahibou Ndiaye et Bibo Bourgi, en 2014 et 2015 sur 25 dossiers annoncés.

Les autres responsables du régime du président Abdoulaye Wade qui étaient accusés d’enrichissement illicite, ayant rejoint la mouvance présidentielle, camp de Macky Sall, n’ont jamais fait face à cette Cour, remettant ainsi en cause le caractère impartial de la traque. Or, cette juridiction est chargée de réprimer l’enrichissement illicite et tout délit de corruption ou de recel connexe. Pis, l’on se rappelle du limogeage, en pleine audience, du Procureur spécial près la Crei, Aliou Ndao, en 2014. Le motif de ce remerciement, expliqué par le concerné lui-même, des années plus tard, est son refus de se soumettre à la décision de la tutelle de ne pas lancer des poursuites contre certaines cibles.

C’est pourquoi les libéraux et autres souteneurs de Karim Wade ont toujours décrit la Crei comme un instrument de règlement des comptes politiques. Rappelons que pendant ses années d’exercice, cette Cour avait émis des interdictions de sorties du territoire contre des proches d’Abdoulaye Wade. Des décisions qui ont même été jugées par la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO). Elles étaient décriées par les organisations de défense des droits de l’homme.

Les critiques contre la CREI étaient aussi portées sur le budget de son fonctionnement. A chaque vote du budget du ministère de la Justice, les parlementaires dénonçaient les fonds alloués à cette juridiction non fonctionnelle ou presque.

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