SENEGAL : AFFAIRE OUSMANE SONKO : Les mains « Sall » de Macky Sall
“ Beaucoup entendent te traiter de façon indigne tout en exigeant de toi, sous peine de leur haine, assez de sens pour ne pas les en empêcher et assez d’aveuglement pour ignorer leur propre indignité » Giacomo, comte de Leopardi.
Cette citation d’une figure incontournable de la littérature italienne, illustre, à bien des égards, la position de l’opposant sénégalais Ousmane Sonko, dans le feuilleton politico-judiciaire qui tient en haleine le Sénégal depuis bientôt un mois.
Une lecture qui se veut objective de la situation ne peut se limiter, à l’appel à la résistance fait le jeudi 25 février 2021 par le président Ousmane Sonko, mais renvoie une nécessaire contextualisation. De prime abord, cela pourrait paraitre, pour l’observateur non imprégné du dossier et des pratiques du régime de Macky Sall, comme une défiance par rapport à la justice sénégalaise ; il n’en est rien, il s’agit plutôt ici du rejet d’une certaine justice sénégalaise, pas celle-ci dans son ensemble.
Beaucoup d’énergie a été déployée ces dernières semaines pour faire de cette affaire, une simple affaire de mœurs entre 2 citoyens sénégalais. Ouvrons une parenthèse ! c’est dans ce sens qu’un certain Amadou Bal Ba, dans un souci manifeste de désinformation, a poussé l’indignité jusqu’à recycler ici sur ce club de Mediapart, des images « border lines », qui n’ont rien à voir avoir le salon de massage dans lequel travaille la plaignante et que la presse sénégalaise a fini de démontrer l’origine. Il s’est aussi embourbé dans une défense maladroite du concept de «Neddo Ko Bandoum», qu’il présente comme particulièrement noble et finir par présenter Macky Sall comme une victime de racisme de par son appartenance ethnique, doit-on en rire ou en pleurer. Parenthèse fermée !
Un tour d’horizon de l’affaire
Le 03 février, une jeune fille employée d’un salon de massage à Dakar, dépose une plainte datée de la veille, pour viol et menace avec armes contre mr Ousmane Sonko, leader de la formation politique en poupe, Pastef-Les-Patriotes.
Si tôt la plainte déposée, les gendarmes de la section de recherche ont déployé les moyens à la hauteur de la gravité des faits supposés. Visite du salon, audition de la victime présumée, audition de la patronne du salon, commission d’un médecin indépendant pour examiner la victime présumée.
Les premiers éléments issus des investigations des gendarmes leurs ont permis d’émettre un sérieux doute sur l’hypothèse du viol et ce doute est explicitement mentionné dans le rapport des procès-verbaux d’audition aujourd’hui disponibles sur les réseaux sociaux. Les éléments suivants justifient ce doute :
- Contradictions relevées sur les déclarations de la plaignante
- Rapport médical balayant l’hypothèse de viol, ni même quelques rapports intimes endéans les le 16 h précédents l’examination de la plaignante.
- La configuration des lieux et la présence sur les lieux de témoins au moment des faits supposés
- Le témoignage de la collègue de la plaignante présente sur les lieux au moment des faits
- Le témoignage de la patronne du salon
- ….
Fidèles à leur mission de recherche de la vérité et rien que la vérité, les gendarmes ont cherché à établir s’il n’y a pas de machination voire un complot dans cette affaire car entretemps des éléments troublants sont venus s’ajouter au dossier:
- La plaignante admet qu’une voiture 4×4 vitres teintées noir est venu la chercher juste après le viol supposé
- Le neveu d’un haut responsable de la coalition au pouvoir reconnait être venu chercher la victime plaignante en plein couvre-feu en compagnie d’un medecin et d’un avocat
- La patronne du salon indique être victime de pression pour changer de version
- Cette même patronne affirme avoir reçue une proposition de 15 millions de FCFA puis de 40 millions de FCFA pour changer de version
- La plainte date du 02 février 2021 or il est établi que la plaignante a quitté son lieu de travail vers 23h le 02 février, mais a réussie la prouesse de rédiger une plainte, tapée à l’ordinateur dans un français digne d’un académicien et, cerise sur le gâteau, se référant à des articles précis de la loi, pour une plaignante d’un niveau d’éducation assez faible.
- Le témoignage du mari de la patronne qui affirme que la victime supposée n‘a pas arrêté de lui demander de toute la journée quand est ce que Mr Sonko arriverait.
- Le témoignage de la co-masseuse à qui la victime présumée a demandé de sortir quelques minutes de la cabine juste après le massage. Très curieux pour quelqu’un qui affirme avoir déjà été violé 3 fois par le passé par Mr Sonko.
- …
Le procureur de la république interrompt l’enquête des gendarmes
Dès que les gendarmes ont voulu chercher à voir plus clair en direction des personnes qui ont aidé la plaignante et la nature de leurs conversations avant et juste après les faits, le procureur de la république, Mr Bassirou Guèye, un proche de Macky Sall, a sommé la section de recherche d’arrêter leur enquête et de lui transmettre leur rapport. Probablement très gêné des doutes exprimés par les enquêteurs sur les déclarations de la plaignante, le procureur de la république a requalifié les accusations en une plainte contre X et saisi un juge d’instruction, qui, sans la moindre investigation et dans une célérité jamais vue dans les annales de la justice, a fait un retour au procureur, qui à son tour a fait une lettre au ministre de la justice, et ce dernier à fait une lettre au président de l’assemblée nationale pour une levée de l’immunité parlementaire de Mr Ousmane Sonko, le tout en l’espace de 24 heures.
Le devoir de résister
Plus personne ne reconnait le Sénégal, y compris les sénégalais eux-mêmes qui se demandent ce qu’est devenu leur pays autrefois vitrine de la démocratie et de l’état de droit en Afrique. Mais c’était sans compter sur Macky Sall et une poignée de juges mercenaires, totalement soumis aux desiderata du président, et prêt à fouler au pied les règles élémentaires du droit. Mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain, il existe bien des juges dignes de ce nom au Sénégal mais que le régime tient bien à l’écart des procès politiques. D’autres juges comme le juge Dème ont carrément démissionné en laissant cette phrase devenue célèbre : « je démissionne d’une justice qui a démissionné ».
Une malheureuse jurisprudence, basée sur la façon dont Mr Karim Wade à été emprisonné et écarté du jeu politique en 2014, et celle basée sur la façon dont mr Khalifa Ababacar Sall a été emprisonné et écarté du jeu politique en 2017, ne laisse aucun doute sur le sort réservé au président Ousmane Sonko, virulent opposant au régime de Macky Sall. Il faut bien reconnaitre qu’on est là face à un « je m’en foutisme » d’état.
La résistance non violente s’impose donc aux sénégalais comme seule alternative pour espérer sauver ce qui reste de l’état de droit. Les éléments exposés ci-dessus montrent à suffisance que tout est mis en place pour que les scénarii Karim Wade et Khalifa Sall soient exécutés quel que soit l’extravagance des accusations contre Mr Sonko. Ne pas résister consterait à légitimer les procédés de ce régime. Au moment même où ces lignes sont écrites, des arrestations de dizaines de membres du parti PASTEF sont perpétrées et des jeunes sénégalais arbitrairement jetés en prison. Des dizaines de membres d’organisations de la société civile sont aussi arrêtés pour des délits d’opinion.
Mr Sonko n’entend pas offrir sa tête sur un plateau d’argent à Mr Macky Sall. Il faudra que ce dernier se salisse les mains en l’assumant devant l’opinion nationale et internationale afin d’en finir pour de bon avec l’image trompeuse de Macky Sall et de son régime que des mercenaires de la plume s’emploient à vendre à l’étranger.
Adji Sarr, la plaignante, est une sénégalaise comme les autres et a droit à la justice. Le président Ousmane Sonko le reconnait volontiers, bien qu’il considère qu’elle est aussi victime et otage dans cette affaire. La lutte qu’il mène pour le respect des procédures et de la loi a pour seul but que le droit puisse être dit tout simplement et rien que le droit ; et pas les désirs d’un pouvoir habitué à liquider ses opposants politiques.
Touba et toutes les bonnes volontés trahies !
Serigne Abdou Mbacké, agissant pour la paix, la justice et l’entente des coeurs, avait pris son bâton de pèlerin pour se concerter avec les autorités religieuses du pays (musulmanes et chrétiennes), la société civile et les personnalités politiques. Et c’était fort des fruits de ces concertations qu’il avait usé de son autorité morale pour amener Ousmane Sonko à déférer à la convocation du juge du 8ème cabinet. Pourtant, bien qu’acceptant les sollicitations de son guide, Sonko avait martelé que Macky ne connaissait que les rapports de force et, qu’en pareil cas, il avait l’habitude d’aller jusqu’au bout. Il ne pensait certainement pas que c’était là une prémonition.
En effet, il est aujourd’hui clair que Macky reste constant dans le dessein de démanteler la démocratie en réduisant l’opposition à sa plus simple expression. Il l’avait fait avec Karim Wade et Khalifa Sall, aujourd’hui Ousmane Sonko devait, à son tour, être emprisonné illégalement puis enferré dans une quasi mort civile par un casier judiciaire dénué de toute base légale.
Le complot du viol ayant été éventé, il fallait urgemment mettre en place un autre piège; d’autant plus qu’à la suite d’un recours déposé auprès du Conseil Constitutionnel, Sonko avait recouvré son immunité.
L’idée fut de poster quelques individus sur la Corniche avec pour mission de provoquer les forces de l’ordre par des jets de pierres, faits qui seraient automatiquement qualifiés de troubles à l’ordre public avec voie de faits sur agents en service commandé.
Ousmane Sonko ayant subodoré le coup, avait refusé d’emprunter la Corniche. Mais qu’à cela ne tienne, telle la fable “Le loup et l’agneau” de Lafontaine, il fut quand même arrêté pour troubles à l’ordre public alors qu’il n’avait jamais quitté son véhicule.
Dans la mesure où Sonko n’a jamais appelé à manifester et qu’il n’a pas participé concrètement à la supposée manifestation, on serait curieux de connaître quels sont les éléments constitutifs permettant de l’incriminer sous l’éclairage des dispositions du code de procédure pénale.
Après Karim Wade et Khalifa Sall, l’injustice et l’application illégale de la loi permettront-elles cette fois encore, à Macky Sall d’éliminer un adversaire politique ? Mais comme on dit, ce sont l’apathie et les acclamations qui ont toujours fait les malheurs des peuples.
LA RÉSISTANCE RIEN QUE LA RÉSISTANCE FACE À DES DÉLINQUANTS.
Mr le Ministre de l’Intérieur, ce n’est guère dans l’intention de provoquer, à l’aveugle, le poignard des Brutus que je vous adresse la présente, mais c’est plutôt pour vous faire part du soulagement qui a été le mien lorsque je vous ai entendu affirmer que “force restera à la loi”.
Soulagement car c’est afin que force reste à la loi que le Peuple a décidé d’exercer son droit à la résistance.
Un peuple libre n’obéit pas aux hommes mais il obéit aux lois et c’est par la force de la loi qu’il n’obéit pas aux hommes.
Dans l’Etat démocratique, le Président est élu sur la base des offres qu’il fait au Peuple lors de la campagne électorale.
Or, les discours prométhéens qui étaient servis au Peuple par le candidat Macky Sall, avaient fait naître l’espoir d’un mieux-être.
En effet, le Président Macky Sall, étant né après les indépendances, tous les sénégalais s’attendaient à une régénérescence sociale qui permettrait la consolidation des vertus républicaines indispensables à tout pays aspirant à l’émergence.
Mais, après plusieurs années, on constate que le Président Sall semble avoir pour seuls buts, d’une part d’assurer la félicitée de ses proches, ensuite de vassaliser la Justice afin d’installer l’arbitraire avec ses corollaires d’injustices et d’illégalités.
Cette situation a fait dire à Serigne Habib Sy que si les sénégalais avaient deviné qu’ils en seraient là aujourd’hui, ils n’auraient pas voté pour le candidat Sall.
A cet égard, il est indéniable que de l’évaluation collective de plusieurs faits qui sont survenus depuis 2012, un sentiment de déception et de frustration est né dans le coeur de la majorité des sénégalais.
C’est cette frustration, qui est une cause psychologique de révolte, qui fonde la légitimité de la résistance que nous vivons aujourd’hui.
Selon Lock, lorsqu’un gouvernement s’occupe d’intérêts autres que ceux pour lesquels il a été élu, la résistance du peuple devient légitime.
Ce droit à la résistance a été intégré dans la Déclaration des Droits de l’Homme, donc c’est un acquis d’ordre constitutionnel.
A ce propos, il est impérieux de dire avec force que les termes qui ont été utilisés par le Gouverneur de Dakar pour solliciter les forces armées nationales sont impropres et inconstitutionnels parce qu’en l’occurence, le Peuple exerce son droit de résistance face à l’oppression et à la tentative d’asservissement.
Dès lors, il ne fait aucun doute que c’est l’article 12 de la Déclaration des Droits de l’Homme qui devrait prévaloir; cet article dispose que : “l’institution de la force publique est nécessitée par la garantie des droits de l’Homme et du citoyen, et non l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée”.
S’agissant de l’arrestation du député Ousmane Sonko, je me sens tout à fait à l’aise de vous en entretenir puisqu’avant tout, vous êtes un magistrat connu sur la place.
Il semble que le député Sonko aurait été inculpé pour troubles à l’ordre public et participation à une manifestation non autorisée.
D’abord, il convient de lever une équivoque, parce qu’au Sénégal, une manifestation ne nécessite pas d’autorisation préalable, elle relève des droits qui sont expressément reconnus par la Constitution.
Pour nous assurer de la légalité de l’inculpation, je propose d’examiner l’effectivité des éléments constitutifs y afférents.
Pour l’élément matériel, il convient de rappeler que le trouble à l’ordre public et la participation à une manifestation nécessitent des faits, des actes positifs. L’inaction ou l’abstention ne saurait constituer l’élément matériel. Dans ce cas, l’élément matériel fait manifestement défaut, parce qu’Ousmane Sonko n’est pas sorti de sa voiture pour haranguer les foules, il n’a pas non plus incité ou appelé à manifester. Dans ce cas d’espèce, il s’agissait de citoyens qui s’étaient levés spontanément pour exercer un droit qui leur est reconnu par la Constitution, c’est-à-dire marcher pacifiquement pour accompagner, de leur propre gré, le député Ousmane Sonko au tribunal. Nul ne peut légalement leur contester ce droit.
Pour l’élément moral, il a été dit plus haut que Sonko n’a ni incité à manifester, ni appelé à un rassemblement. De plus, sa présence sur les lieux était motivée par son intention d’aller répondre à une convocation du juge d’instruction du 8ème cabinet.
Quant à l’élément légal, il n’existe, dans le code pénal, aucune incrimination qui correspond aux faits décris ci-dessus.
C’est dire que dans cette affaire, on tente de mettre de côté la législation applicable en la matière, pour ressusciter le droit ancien qui était fondé sur la volonté subjective. Le procureur était le procureur du roi et non le procureur de la République, c’est-à-dire de la Nation. A considérer la vérité des faits, il est permis de dire qu’on tente d’imposer la subjectivité du commanditaire de l’arrestation de Sonko comme objectivité de l’incrimination; alors qu’en matière pénale, la présomption de fait et la suspicion ne fondent pas la culpabilité. L’incrimination doit répondre aux exigences de l’article 178 du code de procédure pénale.
Il y a, sans aucun doute, une violation flagrante du principe de légalité qui est le verrou de protection des droits de l’Homme en matière pénale.
Le pouvoir du juge est de dire le droit et non de se substituer au Peuple souverain pour créer le droit. Dire le droit, c’est répondre à une situation de fait par une déclaration rendue selon les règles légales, la procédure prescrite et les preuves autorisées. Même l’intime conviction du juge a pour limite la loi (article 90 de la Constitution).
Au total, il s’offre aux avocats du député Ousmane Sonko, le loisir de saisir, soit le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies parce que l’article 15 du pacte international sur les droits civils et politiques a été violé; soit la cour de justice de la CEDEAO, parce que l’article 6 de la Charte africaine des Droits de l’Homme, l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et l’article 4 du code pénal ont été violés.
Personnellement, je trouve que Moustapha Niass est le principal responsable de cette situation.
Au pool d’avocats, je pense que le combat doit se focaliser sur deux points
1) Le recours introduit qui annule la décision de levée de l’immunité
2) Refus de ce juge réputé partial
Donc, prési a encore son immunité