Une journée de partage sur les épidémies de mpox et de la Fièvre de la vallée du Rift qui sévissent actuellement au Sénégal, a été organisée, le samedi 11 octobre, à l’intention des journalistes. Des spécialistes en santé humaine et animale appellent à la prudence, à la prévention et à la fin de l’automédication.
Avec 147 cas de Fièvre de la vallée du Rift (Fvr), dont 19 décès, et 6 cas de Mpox à la date du 12 octobre 2025, le Sénégal fait face à deux épidémies qui continuent de se propager. Samedi dernier, des acteurs de la santé ont échangé avec des journalistes sur ces deux pathologies, la première touchant plusieurs régions du pays, tandis que mpox n’a, pour l’heure, été détecté qu’à Dakar, la capitale. Le Dr Youssou Bamar Guèye, responsable de l’Unité d’opération du système de gestion des incidents du Centre des opérations d’urgence sanitaire (Cous), basé à l’hôpital Fann, a indiqué que « le contact sexuel a une grande part dans la transmission de Mpox ». C’est pourquoi il conseille d’éviter les rapports sexuels non protégés, notamment chez les personnes affectées ou récemment guéries, à qui il est recommandé d’utiliser des préservatifs jusqu’à 12 semaines après que le virus n’est plus détectable.
En effet, le virus responsable de mpox peut rester actif plusieurs semaines. Cela explique, selon lui, que les contacts des malades soient suivis pendant 21 jours afin de vérifier s’ils ont contracté ou non la maladie. Le responsable de l’Unité d’opération du Cous a précisé que les personnes sous surveillance au Sénégal ne sont pas mises en quarantaine, contrairement à ce qui avait été pratiqué lors de la pandémie de Covid-19. Pour éviter la propagation de mpox, il a insisté sur la nécessité de renforcer la surveillance, la détection précoce et la sensibilisation, « mais sans stigmatiser ». Il encourage les personnes présentant des symptômes à se faire dépister rapidement pour bénéficier d’une prise en charge précoce, gage d’une meilleure guérison.
Même s’il existe un vaccin contre mpox, la stratégie de l’Organisation mondiale de la santé (Oms) est de ne pas vacciner dans les pays faiblement touchés. Le Dr Guèye souligne d’ailleurs que « le Sénégal n’a pas demandé à disposer du vaccin parce qu’il n’y a pas beaucoup de cas ». Toutefois, il rassure : « le dispositif est là ». Il rappelle enfin que mpox est une maladie endémique plus fréquente en Afrique, particulièrement en République démocratique du Congo (Rdc), où des épidémies sont signalées presque chaque année.
Halte à l’automédication !
Concernant la Fièvre de la vallée du Rift, les autorités sanitaires constatent un recours tardif aux structures de soins. En effet, de nombreuses personnes ont recours à l’automédication, pratique qui contribue largement à la survenue des décès. L’usage des anti-inflammatoires est particulièrement déconseillé. Le Dr Diambogne Ndour, du Cous, rappelle que ces molécules « peuvent provoquer des hémorragies ». De nombreuses maladies présentant des symptômes similaires, elle recommande aux populations de consulter avant de prendre un médicament. Elle souligne également la nécessité de renforcer la formation des prestataires de santé pour améliorer la vigilance dans la prise en charge des patients. Le Dr Ndour estime qu’il faut revoir la politique de vente des produits pharmaceutiques accessibles sans ordonnance. En effet, ceux qui sollicitent ces médicaments s’adressent souvent aux vendeurs en pharmacie plutôt qu’aux pharmaciens titulaires. « Pourtant, quand le malade arrive tôt à l’hôpital, on peut le soigner », a insisté le Dr Youssou Bamar Guèye.
Pas de traitement antiviral spécifique
Selon le Dr Youssou Bamar Guèye, la progression de la Fièvre de la vallée du Rift est liée, entre autres, à la non-utilisation des moustiquaires, à la prolifération des gîtes larvaires et à la proximité entre les hommes et les animaux d’élevage. Faute de traitement antiviral spécifique, « la prise en charge repose sur les soins de soutien et les mesures d’hygiène », renseigne le Dr Khady Niang, vétérinaire au ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Elle a salué l’approche multisectorielle mise en œuvre pour la gestion de ces zoonoses – maladies transmissibles entre l’animal et l’homme – tout en insistant sur la prévention et le contrôle des mouvements d’animaux. Dans ce cadre, des campagnes de sensibilisation et de communication de masse sont prévues, notamment dans les foirails et les « loumas » (marchés hebdomadaires), foyers potentiels de propagation. Le Dr Diambogne Ndour précise par ailleurs que « l’on ne vaccine pas le bétail malade, mais les animaux sains pour éviter qu’ils ne tombent malades ». La lutte antivectorielle est également recommandée pour rompre la chaîne de transmission.
Un audit pour comprendre les décès liés à la Fvr
Le taux de létalité de la Fièvre de la vallée du Rift au Sénégal avoisine 10 %, selon le Dr Youssou Bamar Guèye du Cous. Afin d’identifier les causes précises des décès, le Dr Diambogne Ndour informe que le ministère de la Santé a ordonné un audit. Celui-ci permettra de déterminer si les décès sont dus à la qualité de la prise en charge, au recours tardif aux soins, à l’automédication ou à d’autres facteurs.
Par Maïmouna GUEYE et Samba DIAMANKA