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mardi, mai 7, 2024
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Francafrique et russophilie, à la croisée des chemins

par pierre Dieme

Malgré les nombreuses initiatives déployées, la francophobie continue de se développer au bénéfice d’une russophilie aux perspectives très incertaines. Décryptage !

La francophobie prend chaque jour davantage d’ampleur en Afrique francophone. Elle semble même inarrêtable, malgré les nombreuses initiatives du président français Emmanuel Macron. Du discours de Ouagadougou en 2017 devant les étudiants, au sommet de Montpellier en 2021, avec des organisations de la société civile africaine, en passant par celui de Pau en 2020 avec les chefs d’Etat, la France a essayé par plusieurs moyens de stopper ce désamour d’une partie des peuples d’Afrique qui lui préfèrent, de plus en plus, la Russie, devenue sa rivale militaire la plus sérieuse dans ses zones d’influence.

Comment en est-on arrivé là ? Jusqu’où pourrait aller ce sentiment anti-français ? Quelle alternative pour préserver les intérêts des pays africains francophones dans ce changement de paradigme ? Autant de questions qui préoccupent aussi bien l’ancienne puissance coloniale que certains dirigeants de la CEDEAO qui ne cessent de multiplier les rencontres.

Enseignant et analyste en Géopolitique, le Directeur d’interGlobe Conseils constate cette rupture entre la France et ses anciennes colonies et relève ce qu’il considère comme un développement de ‘’la russophilie, au sacrifice d’un engagement afro-centré.’’ A la question de savoir si ce phénomène peut être réversible, l’enseignant de Géopolitique de l’Afrique à l’Université de Reims Champagne Ardenne, Régis Hounkpé, explique : ‘’Il faut noter que le mouvement est très puissamment irrigué par des contestations légitimes du monopole de l’influence française en Afrique francophone, d’une part, et d’autre part, par la nécessité de diversifier les partenariats extérieurs… Mais…, je dis trois fois mais… Quels sont les attendus, la vision, les perspectives de cet élargissement diplomatique ? Quel est le bénéfice stratégique pour l’Afrique ? Sommes-nous encore au menu ? En bout de table ? Ou à la table d’honneur ? Ce sont les véritables questions qu’il faudra se poser.’’

Mais est-il encore possible de ressouder les morceaux ? Comment les protagonistes peuvent-ils y parvenir ? Dans un rapport intitulé ‘’Sahel : le militarisme franco-africain en échec’’, Félix Atchadé préconise, entre autres mesures pour sortir de cette crise : ‘’un désengagement militaire sans ambiguïté’’ de la France au Sahel, ‘’un dépassement de l’Etat postcolonial et une rupture avec ses prétendues réformes initiées par les institutions financières sous le vocable de la Bonne Gouvernance… ‘’Pour renverser cette tendance, renchérit-il, il faut que les élites françaises qui s’occupent des questions africaines décolonisent leur imaginaire. La relation doit être démilitarisée et en adéquation avec les aspirations des peuples africains. Il y a un trop grand hiatus entre le discours, les prétentions françaises et la réalité de la relation. On ne peut pas dire qu’on promeut la démocratie, quand on est le soutien indéfectible des dictatures togolaise ou ivoirienne.’’

La Russie montre le bout du nez

S’il y a une puissance qui profite véritablement de cette situation, c’est bien la Russie qui a réussi à s’imposer comme principal recours ou thérapie pour guérir le mal français. Il y a, selon Régis Hounkpé, à la fois une sorte de pragmatisme et une part d’inconnu total sur la question. Le changement de tutelle, soutient-il, n’est pas structurellement intégré dans la démarche de ceux qui crient leur ras-le-bol de la France.

‘’Certains argumentent se servir de la Russie comme d’un instrument de défiance vis-à-vis de la France et cette exploitation passe par tous les moyens ; qu’ils soient tapageurs ou réfléchis. Et pour la plus grande partie que je trouve encore plus exaltée, on les voit parfois lancer des SOS à la Russie comme le Messie d’une Afrique aux abois. La question du souverainisme et du panafricanisme est clairement « sabordée » sur l’autel des compromissions risquées avec pertes et fracas’’, souligne l’analyste en Géopolitique. Qui met en garde contre le Groupe Wagner adoubé dans certains pays du Continent. ‘’Les dernières révélations sur le Groupe Wagner ne font que présager d’un futur encore plus sombre. Le pire est à venir…’’

A ceux qui estiment qu’en voulant chasser les français pour se livrer à la Russie, certains pays ne font que transférer le problème, Félix Atchadé déclare : ‘’Personne ne s’est livré pieds et poings liés à la Russie. Le Mali, par exemple, dit qu’il veut coopérer avec tout le monde, mais, on lui répond non. C’est avec nous uniquement ou nous partons. Les Maliens, dans ce cas, ont le droit de faire ce qui leur semble bien.’’

Parlant des griefs contre Wagner, il rétorque : ‘’Cette histoire de Wagner est une manière pour la France de ne pas voir la réalité en face. Le fond du problème est que le monde a changé, l’Afrique a changé et la France veut faire comme si le temps s’est arrêté aux années 1960.’’

BURKINA FASO

La CEDEAO sursoit au sommet de Dakar

Après le sommet tenu, il y a quelques jours à New-York, les chefs d’Etats qui devaient se retrouver à Dakar, le 14 octobre, ont finalement décidé de sursoir à la rencontre, pour se donner rendez-vous à Abuja dans deux mois, à l’occasion de la session ordinaire. Pour la cheffe de la diplomatie sénégalaise, Aissata Tall Sall, c’est surtout, parce que la rencontre de Dakar devait permettre de se pencher sur la situation du Burkina, notamment pour déterminer un agenda de transition. ‘’A partir du moment où le Capitaine Traoré a confié aux médiateurs de la CEDEAO et a même fait une déclaration pour dire qu’il accepte le calendrier initialement prévu, les chefs d’Etats ont estimé qu’il n’était plus opportun de tenir ce sommet extraordinaire.’’

Pendant ce temps, une autre réunion d’importance est annoncée à Abidjan entre Ouattara, Emballo et Faure Gnasingbé, alors même que le Président ivoirien est revenu fraichement de la France, ce mercredi. Elle devrait porter, entre autres sujets, sur la question des militaires ivoiriens arrêtés au Mali. Dans la même veine, il y a la session ordinaire de la CEDEAO qui va se tenir dans deux mois à Abuja comme initialement prévue. ‘’Ce sera l’occasion d’apprécier les progrès faits non seulement par le Burkina, mais aussi par la Guinée et le Mali’’, a-t-elle déclaré.

Selon des confidences faites à Jeune Afrique, devraient être invités à ce sommet ‘’de nombreux présidents, y compris extérieurs à la sous-région, ainsi que le dirigeant de la Banque mondiale, David Malpass.’’

Mor Amar 

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