Nos deux protagonistes ont poussĂ© le bouchon trop loin. Nous dĂ©sirons des solutions Ă la vie chĂšre, ils nous proposent des injures et des gueulantes. Leur mĂ©connaissance du bien commun les empĂȘche de sâentendre pour prĂ©server ce pays
âIl nây a point de plus cruelle tyrannie que celle que lâon exerce Ă lâombre des lois et avec les couleurs de la Justiceâ – Montesquieu, philosophe français.
On eĂ»t pensĂ© un cours instant, quand il dĂ©fit Wade en 2012, que Macky Ă©tait promis au destin de PromĂ©thĂ©e, apporteur de feu libĂ©rateur aux Hommes. Lâespoir fut grand. Ce ne fut hĂ©las point le cas. Assez vite, entourloupes, combines politiques jalonnĂšrent son magistĂšre, quâon le donnĂąt pour Caliban* avec ses monstruositĂ©s coutumiĂšres. Puis survint la crĂ©ation de Sonko quâil fabriqua de toutes piĂšces, et nous nous primes Ă louer Dieu de nous avoir envoyĂ© Prospero* pour nous libĂ©rer de Caliban. Peine perdue.
Macky nâest pas Caliban et Sonko ne sera pas Prospero.
Macky Sall a Ă©tĂ© Ă©lu par le peuple sĂ©nĂ©galais. Il est le chef de lâĂtat. Ă ce titre, des responsabilitĂ©s particuliĂšres lui incombent, dont notamment celle de prĂ©server la paix dans le pays. Cela exige un niveau de leadership oĂč, sa prĂ©sence Ă elle seule, devrait avoir un impact et faire taire les divergences de toutes sortes. Pour notre malheur, notre prĂ©sident nâa pas atteint ce niveau pinnacle de leadership*.
Par ailleurs, nous ne pouvons pas plus, accepter au nom du âje veux me mettre Ă sa placeâ, les attitudes et comportements belliqueux de Sonko et de son encombrante coalition.
Dans ce marais glauque oĂč ils veulent nous entrainer, câest le rĂšgne du moi qui prĂ©vaut. Chacun se prend pour le roi du village. Je pars en coalition parce que je sais que je ne peux pas gagner tout seul, mais si je ne figure pas Ă une bonne place sur la liste â une bonne place est une place que jâestime gagnante â, je sors de la coalition sans oublier, dâarroser copieusement de tous les noms dâoiseaux, tous ceux avec qui je mâĂ©tais associĂ©. Telle est la rĂšgle apprise de tous, comprise de tous.
Voila pourquoi la masse des politiciens nous rĂ©vulse. Ils confisquent le pouvoir et nous tiennent en otage. Cela ne sâest hĂ©las pas fait en un jour. Ce fut un long processus. Nous avons observĂ© la longue colonne des insanitĂ©s et insultes emporter chacune, une Ă une nos vertus et, bientĂŽt notre socle de valeurs sera vide et sâaffaissera tout seul. Nous y sommes presque.
Le prĂ©sident sâest louĂ© les services dâun insulteur public pour contrer ceux dâen face, et ce aprĂšs avoir, souvenez-vous, reçu en grande pompe dans son bureau de prĂ©sident, un transfuge de Yewwi qui avait disparu avec les listes de sa coalition lors des locales de fĂ©vrier dernier. Les fautes morales se suivent, plus ahurissantes les unes que les autres. Toutes les limites sont franchies. On est loin des hĂ©ros dâantan, reconnaissables non pas Ă ce quâils faisaient, mais surtout Ă ce quâils sâabstenaient de faire, tels ces Peulhs avec leur Harameeji jeedidi* ou encore ces adeptes de Buddha, tenus dâobserver les âcinq interdictionsâ*.
« On en arrive Ă des imbroglios risibles sâils nâĂ©taient pas porteurs de calamitĂ©s futures »
Lâopposition nâest guĂšre mieux lotie. Chacun, drapĂ© dans son Ă©gotisme, vitupĂšre Ă qui mieux mieux les manquements de la majoritĂ© et des coalitions rivales. Seul transpire ce qui est laid et peu glorieux chez les gens. Cela reste surprenant pour nous autres citoyens, si prompts dâhabitude, Ă invoquer et Ă nous rĂ©fugier dans le âsuturaâ.
Le Conseil constitutionnel valĂ©tudinaire, se prend les pieds dans ses jugements et ne laisse plus le moindre doute sur sa partialitĂ©. Il confirme comme dirait Nassim Taleb*, quâon ne peut pas faire confiance Ă des gens, dont la survie dĂ©pend de celui qui les nomme, et que le meilleur esclave, est quelquâun quâon surpaye et qui, le sachant, est terrifiĂ© Ă lâidĂ©e de perdre son statut. VoilĂ oĂč on en est ! Avec un peu de bon sens et beaucoup de courage, le Conseil constitutionnel aurait dĂ» invalider les deux listes des coalitions Yewwi et Benno, car fautives toutes les deux, au regard de la loi Ă©lectorale. Peut-ĂȘtre serons-nous plus heureux que nous le serions sans ces fauteurs de trouble ? Ă force de couper les cheveux en quatre, de crĂ©er des pseudo-listes de supplĂ©ants, on en arrive Ă des imbroglios fort risibles, sâils nâĂ©taient pas porteurs de calamitĂ©s futures. Nous sommes tombĂ©s bien bas.
« Nous désirons des solutions, ils nous proposent des injures et des gueulantes »
Nous devons toutefois leur rappeler que quand un seigneur oublie de se comporter en seigneur, un pĂšre en pĂšre et un fils en fils, câest souvent le rĂ©sultat dâune lente accumulation de laisser-faire. Nous nous sommes rendus complices des excĂšs quâon nous infligeait. Le prĂ©sident Sall ne peut et ne doit pas recevoir un insulteur de nos institutions. Mais oĂč sont passĂ©s ses conseillers en comâ ? Comment peut-on associer le prĂ©sident avec cette vulgaritĂ©, dont par ailleurs on le protĂšge par une loi anti lĂšse-majestĂ©, certes vieillotte et, qui a valu au dĂ©putĂ© Bara Dolly dâĂȘtre jetĂ©, sans autre forme de procĂšs, au gnouf ? Si le prĂ©sident pense âimprimerâ avec cette nouvelle pratique, il se trompe lourdement.
En rĂ©alitĂ©, aucun dâentre eux, opposition comme pouvoir, ne nous offre ce que nous dĂ©sirons. Nous dĂ©sirons des solutions Ă la vie chĂšre, ils nous proposent des injures et des gueulantes. Telle est la douloureuse situation que nous vivons. Alors, il faudrait inciter ceux qui peuvent proposer autre chose quâils sâengagent dans lâaction. Ă lâinstar des bourgeois de Tocqueville qui menĂšrent la grande rĂ©volution, il faudrait que ceux dâentre nous, capables dâimaginer, de proposer des solutions, et qui soient autonomes financiĂšrement, conduisions le grand changement qui nous libĂšrera de la fĂ©rule de ces pseudo-politiciens, maĂźtres menteurs, souvent aptes Ă des canailleries les plus mesquines pour assouvir leurs ambitions dĂ©mesurĂ©es. Le mĂ©pris des citoyens Ă leur endroit les mettra-il Ă lâabri de leur haine ? Pas sĂ»r. Les chasses aux sorciĂšres seront bientĂŽt ouvertes. Les rĂšglements de compte nâapporteront rien au SĂ©nĂ©gal, sinon dâinstaller le dĂ©sordre et le chaos. Les djihadistes, les marchands dâarmes, les nĂ©gociateurs de brut de tout acabit profiteront de cette situation. Si nous ne rendons pas impossible, cette chienlit qui leur est indispensable pour faire prospĂ©rer leurs affaires, leur heure viendra et nous nous en mordrons les doigts.
« Chacun croit montrer du caractÚre alors que, ce ne sont là hélas, que des emportements »
Il va falloir revoir les codes de lâopposition car le pays va mal, câest que nous attendons de toute lâopposition, y compris celle qui pense ĂȘtre avantagĂ©e par lâexclusion dâune autre opposition et qui jubile en campant sur une position Ă©trange de maintien des Ă©lections Ă date Ă©chue (sic) parce que caressant lâidĂ©e quâelle aura plus de dĂ©putĂ©s dans cette circonstance. Chacun ne pense quâĂ ses intĂ©rĂȘts immĂ©diats, facteurs de division, au lieu dâambitionner dâĂȘtre la boussole qui aiguille vers le patriotisme, vers lâinclusion. Les insultes et menaces verbales ne rĂ©vĂšlent en dĂ©finitive, que la faiblesse et le manque de fiabilitĂ© de ceux qui les profĂšrent. On devrait leur enseigner le systĂšme dâĂ©thique des assassins* qui consistait Ă âplanter lâĂ©pĂ©e fermement Ă cotĂ© du lit du Sultan au lieu de la lui planter dans le cĆurâ, lui prouvant ainsi quâon contrĂŽlait la situation et quâon Ă©tait fiable. Lâassassinat politique au lieu de la guerre, voilĂ vers quoi se diriger. Dominer politiquement sans entrainer lâeffusion de sang, voila la bonne stratĂ©gie qui Ă©pargnerait les civils.
Nos deux protagonistes ont poussĂ© le bouchon trop loin, entre âles Ă©lections auront lieu un point un trait !â du prĂ©sident et ânous participerons de force aux Ă©lectionsâ du leader de Yewii, le point de non-retour semble ĂȘtre atteint. Chacun, comme dirait Philippe Alexandre*, croit montrer du caractĂšre alors que, ce ne sont lĂ hĂ©las que des emportements. En dâautres temps, on aurait organisĂ© un duel Ă six pas, entre eux deux seuls qui aient un intĂ©rĂȘt dans cette lutte Ă mort. NâĂ©tait-ce pas naguĂšre le moyen dâĂ©viter dâimpliquer des groupes de personnes plus importants dans un conflit, et de circonscrire la bataille aux seuls concernĂ©s ?
« Amener cette pseudo-élite, plus électorale que politique, à résipiscence »
LâĂ©goĂŻsme de clan qui les anime, et lâindividualisme sans limites dont ils font preuve, les engoncent jour aprĂšs jour, dans la petite politique. Leur mĂ©connaissance du bien commun les empĂȘche de sâĂ©lever au dessus de la mare et de sâentendre pour prĂ©server ce pays.
Le prĂ©sident Sall nous aura bien ramenĂ©s en arriĂšre, car quoi quâon dise, il est le seul vrai responsable de la dĂ©sastreuse situation dans laquelle nous nous trouvons. Claquemurer les dirigeants de lâopposition pour les empĂȘcher de manifester fut une mauvaise option. AssurĂ©ment, le tiers des forces dĂ©ployĂ©es ce 17 Juin, aurait suffi pour encadrer la manifestation interdite. Cela aurait coĂ»tĂ© moins cher en argent et en vies humaines. On voit bien, que ce nâest ni leur argent, ni leurs vies qui sont en jeu !
Les Sénégalais sont bien las de ces pratiques anciennes du vieux monde que tentent de ressusciter ce pourtant jeune président et ses non moins jeunes opposants.
Il est grand temps pour les vrais patriotes, jeunes et moins jeunes, politiques et non politiques, dâamener cette pseudo Ă©lite, plus Ă©lectorale que politique, Ă rĂ©sipiscence.
Dr Tidiane Sow est coach en Communication politique.
Notes :
La TempĂȘte : PiĂšce de thĂ©Ăątre de Shakespeare en 5 actes Ă©crite en 1610 – 1611
Caliban : Personnage dĂ©peint comme un monstre dans la piĂšce de thĂ©Ăątre : La TempĂȘte de W. Shakespeare.
Prospero : Personnage de « La TempĂȘte », victorieux de Caliban ; bienfaiteur de lâhumanitĂ©.
J.C Maxwell: 5 levels of Leadership. Pinnacle est le niveau 5 de ce modĂšle de Leadership.
Harameeji jeedidi : Les 7 principes de lâĂ©ducation peulh, sorte de posture via negativa. Dans lâaction, câest la recette de ce quâil faut Ă©viter.
Cinq interdictions : Basique code du bouddhisme, Ă©quivalent du Harmeddji djeninni peulh.
Suttura : Discrétion, réserve, pudeur
Les Assassins : Secte qui exista du XI au XIV siĂšcle, liĂ©e Ă lâIslam chiite et violemment anti sunnite. Ils envoyĂšrent Ă Saladin un message que le gĂąteau quâil sâapprĂȘtait Ă manger Ă©tait empoisonnĂ© par eux.
Philippe Alexandre : Paysages de campagne, Grasset
Nassim. N Taleb : Jouer sa peau. Les belles Lettres