Pour Moundiaye Cissé, directeur exécutif de l’ONG 3D, le Dialogue national sur le système politique constitue un moment crucial dans la vie de la Nation.
Le dialogue s’ouvre ce 28 mai. Vous avez eu à magnifier la volonté du chef de l’État de s’inscrire dans la continuité, surtout qu’il est institué par le régime sortant. Quelle sera la nouveauté cette année ?
Nous saluons cette posture républicaine du chef de l’État, Bassirou Diomaye Faye. Nous trouvons que nous avons, cette année, un format beaucoup plus ouvert. Il n’y a pas que les acteurs politiques, pouvoir et opposition, qui sont conviés à ce cadre d’échanges. Toutes les couches sociales, même celles qui n’ont pas d’expertise en matière électorale, vont y participer. En dehors du ciblage des participants, nous notons également un changement sur la durée. Au lieu de plusieurs mois, le dialogue se tient du 28 mai au 4 juin. Ce qui se justifie d’une part, car toutes les réformes, dont il est question, ont déjà fait l’objet de réflexions de la société civile.
Quels sont les changements majeurs attendus à l’issue de ces assises nationales ?
Je pense que ce dialogue pourra nous permettre d’avoir un hub démocratique et électoral unique en Afrique, en termes d’amélioration de notre système politique qui est déjà bon. Ce dialogue, à mon avis, sert donc à améliorer l’existant. Aujourd’hui, il est évident que la rationalisation des partis politiques s’impose pour avoir une meilleure lisibilité du jeu politique, parce que la prolifération des partis politiques nuit à cette lisibilité et à la qualité des débats publics. Il en est de même pour la rationalisation du calendrier républicain.
Elle est nécessaire, parce qu’organiser, chaque année, coûte beaucoup d’argent et de temps. Cela permet également de garantir une stabilité institutionnelle, la rationalisation des élections. En termes de reconnaissance du statut de l’opposition également et de son chef, je pense qu’un système démocratique sain nécessite une opposition forte, structurée et reconnue institutionnellement. Cela permet que tout soit clarifié avec une loi organique qui définit le rôle de contre-pouvoir de l’opposition, ses responsabilités et obligations. Sur les autres thématiques, il y a beaucoup à dire. L’inscription sur le fichier électoral, les modalités d’organisation du parrainage, tout cela mérite d’être revu. Il en est de même pour la privation du droit de vote, la suppression de la déchéance électorale automatique et permanente.
Sur les réformes institutionnelles et l’organisation des élections, on voit que le système électoral peut être mieux adapté au système politique sénégalais. Si l’on se réfère à la justice dans le processus électoral, on doit pouvoir sortir la gestion des candidatures et de la vérification des parrainages, du bloc de compétences du Conseil constitutionnel au profit d’un organe indépendant. Le Conseil constitutionnel conserverait les compétences juridictionnelles, le libre arbitrage et le contentieux. En mettant en place une délégation générale aux élections, par exemple, ou une haute autorité de la démocratie et de la gestion des élections avec un statut constitutionnalisé, on pourra renforcer la démocratie et garantir des élections libres et transparentes. Des exemples parmi d’autres qui nous font croire que le dialogue peut aboutir à énormément d’innovations démocratiques et électorales.
Quid de la suppression du délit d’offense au chef de l’État tant souhaitée par l’opposition ?
Le délit d’offense au chef de l’État avait été institué en France des années avant, en 1881, avec l’article 26 de la loi du 29 juillet 1881. Il punissait toute insulte vis-à-vis du chef de l’État ou outrage envers le président de la République français. Mais il a été abrogé depuis 2013 en France suite à un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a estimé que ce délit était une atteinte excessive à la liberté d’expression. Au Sénégal, c’est toujours dans le dispositif de notre arsenal juridique. Mais je crois qu’on doit dépasser ce stade. Pour autant, on ne doit pas encourager l’offense au chef de l’État ou un manque de respect vis-à-vis de cette institution.
Il faut envisager des sanctions pécuniaires ou d’autres moyens de sanctions que l’emprisonnement systématique. Je pense qu’on doit enlever ce délit du code pénal parce que justement le président est d’abord un acteur politique. Nous saluons, à cet égard, la décision du Président de la République qui a décidé de se retirer de la tête du Pastef, mais il reste un acteur politique. Mais je pense qu’on doit encourager la responsabilité en matière de liberté d’expression et enlever ce délit d’offense au chef de l’État, qui est un concept fourre-tout.