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mardi, mai 7, 2024
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ArrĂȘter la cavalcade des chevaux marrons (Par Nioxor Tine)

par pierre Dieme

Les actes posĂ©s par le rĂ©gime du Yakaar déçu renvoient Ă  une attitude autiste, candide et dĂ©daigneuse, qui ne tient aucun compte de l’évolution sociopolitique de notre pays et des signaux que lui envoie le peuple

MĂȘme si l’alternance historique de 2000, fruit de luttes opiniĂątres du peuple sĂ©nĂ©galais, Ă©tait un passage obligĂ© pour notre systĂšme dĂ©mocratique, on doit constater – pour le dĂ©plorer – que l’évolution dĂ©mocratique de notre pays demeure prĂ©occupante.

Deux alternances décevantes

Certes, elle a mis fin Ă  l’immobilisme qui caractĂ©risait la gestion du parti socialiste, vers la fin de son rĂšgne et permis Ă  notre pays, depuis l’accession des libĂ©raux au pouvoir, de bĂ©nĂ©ficier de nombreuses rĂ©alisations concrĂštes (infrastructures routiĂšres, (prĂ©-) scolaires, sanitaires) …etc.

Mais, il s’est malheureusement souvent agi de chantiers conduits de maniĂšre cavaliĂšre, dans le cadre d’une gouvernance calamiteuse et/ou donnant lieu Ă  des dĂ©penses somptuaires, accroissant le poids de la demande sociale, sans incidence rĂ©elle sur le sort des plus dĂ©munis. Par ailleurs, les augmentations salariales accordĂ©es aux travailleurs ont souvent Ă©tĂ© annihilĂ©es par la montĂ©e en flĂšche du coĂ»t de la vie.

De plus, les douze années du pouvoir wadiste ont été caractérisées par des régressions démocratiques notoires, dont la plus scandaleuse aura été la tentative avortée de dévolution monarchique du pouvoir de celui, qui était considéré par beaucoup, comme une des icÎnes de la démocratie africaine, à son fils.

Quant au prĂ©sident Macky Sall, arrivĂ© fortuitement au sommet de l’appareil d’État nĂ©ocolonial, depuis une dizaine d’annĂ©es, il aura encore plus déçu que son pĂšre spirituel, dont il n’aura hĂ©ritĂ© que des pires aspects de sa pratique politique.

C’est ainsi que sa gouvernance est marquĂ©e par une chape de plomb, qui recouvre la vie politique de notre pays avec des atteintes multiples aux libertĂ©s et la persĂ©cution systĂ©matique d’adversaires politiques allant jusqu’à l’éviction arbitraire de ses principaux rivaux Ă  la prĂ©sidentielle de 2019.

Cet ostracisme s’est poursuivi lors des derniĂšres Ă©lections locales, au cours desquelles, plusieurs listes de l’opposition politique ont Ă©tĂ© injustement invalidĂ©es.

Le tournant des locales de janvier 2022

Mais paradoxalement, c’est prĂ©cisĂ©ment lors de ces consultations Ă©lectorales, que le peuple sĂ©nĂ©galais a envoyĂ© un nouveau signal plus explicite au pouvoir apĂ©riste sous forme d’un dĂ©saveu cinglant, surtout dans les grandes villes, oĂč le niveau de conscience politique est le plus Ă©levĂ©.

Mais comme lors du mouvement de dĂ©fiance de fĂ©vrier-mars 2021, qu’ils ravalent, encore maintenant, au rang de simple affaire de mƓurs, les hommes politiques de la majoritĂ© persistent  dans leur attitude de dĂ©ni et continuent leur course folle vers l’inconnu.

Ce comportement renvoie Ă  l’histoire de CĂ©sar Luis Menotti, entraineur de football argentin de 1974 Ă  1982, qui reprochait Ă  ses joueurs de ne pouvoir concilier leur course effrĂ©nĂ©e derriĂšre le ballon rond et une rĂ©flexion lumineuse sur les meilleures stratĂ©gies victorieuses[1]. Au bout de quelques annĂ©es de coaching gagnant, il leur enseigna l’art des dĂ©placements rapides et intelligents sur le terrain, ce qui leur permit de gagner la coupe du Monde de 1978. Si nous rappelons cette petite anecdote tirĂ©e du monde du football, c’est que la posture du pouvoir apĂ©riste nous fait penser Ă  une cavalcade de chevaux (marrons) fous.

De fait, les actes posĂ©s par le rĂ©gime du Yakaar déçu renvoient Ă  une attitude autiste, candide et dĂ©daigneuse, qui ne tient aucun compte de l’évolution sociopolitique de notre pays et des signaux que lui envoie le peuple.

Le contexte actuel est marquĂ© du sceau de la pandĂ©mie de Covid-19, avec ses effets dĂ©stabilisateurs intrinsĂšques et ses consĂ©quences Ă©conomiques catastrophiques, Ă  l’origine d’un climat social exĂ©crable. Cet Ă©tat de fait vient se greffer sur une gouvernance autoritaire, caractĂ©ristique du pouvoir yakaariste, mais qui se heurte Ă  une rĂ©sistance croissante, depuis fĂ©vrier – mars 2021, quand la jeunesse, trĂšs insatisfaite du sort qui lui est fait par les politiques publiques, s’est fermement opposĂ©e Ă  ce qu’elle considĂ©rait comme une nouvelle cabale contre un homme politique de l’opposition, aprĂšs celles ayant ciblĂ© Karim Wade et de Khalifa Sall.

Face Ă  ces mutations significatives de la scĂšne politique, qui devraient appeler des stratĂ©gies de riposte intelligente, le pouvoir de Macky Sall fait preuve d’un entĂȘtement suicidaire liĂ© Ă  une incapacitĂ© Ă  innover voire Ă  un immobilisme affligeant, qu’illustrent de maniĂšre quasi-caricaturale les refus de procĂ©der Ă  la nomination d’un Premier ministre et Ă  la formation d’un nouveau gouvernement.

Pire, la reconduction du parrainage ressemble, Ă  s’y mĂ©prendre Ă  une provocation insensĂ©e, si ce ne sont les ultimes soubresauts de la bĂȘte blessĂ©e Ă  mort. Elle est, en tout cas,  une violation de l’arrĂȘt de la CEDEAO en date du 28 avril 2021, qui n’honore pas ses auteurs et appelle une rĂ©ponse politique.

Vers l’aprùs-Macky

Il est grand temps, pour les hommes politiques de la majoritĂ© de rĂ©aliser que leur marge de manƓuvre s’est considĂ©rablement rĂ©trĂ©cie. Les mĂ©sententes notĂ©es lors du choix des candidats de la majoritĂ© aux derniĂšres locales, avec une profusion de listes parallĂšles, outre qu’elles ont de fortes chances de se renouveler, renseignent sur l’état de dĂ©liquescence de la coalition Benno Bokk Yakaar.

DerriĂšre l’unitĂ© de façade basĂ©e plus sur la recherche de dividendes politiques et des gains matĂ©riels, que sur des convergences programmatiques, la coalition prĂ©sidentielle apparaĂźt, de plus en plus comme un fronton lĂ©zardĂ©, chancelant, sur des piliers en ruine, que sont censĂ©s ĂȘtre les Ă©lĂ©ments du groupe que la coalition Macky 2012 qualifie de « Benno des 5 ».

Le bon sens politique leur commande de procĂ©der Ă  une restructuration de la nĂ©buleuse, qui leur tient lieu de coalition et au choix de leur prĂ©sumĂ© dauphin (appelĂ© Ă  se faire battre Ă  la prochaine prĂ©sidentielle), ce qui suppose qu’ils s’accordent sur un agenda consensuel.

L’opposition, quant Ă  elle, doit Ă©viter de dormir sur ses lauriers en pensant que la victoire aux lĂ©gislatives est dĂ©jĂ  acquise. Dans ce cadre, c’est moins le destin d’individualitĂ©s, aussi remarquables qu’elles puissent ĂȘtre, qui est important que les accords programmatiques pour une vĂ©ritable alternative sociopolitique, qui  prime sur tout le reste.

Yewwi Askan Wi et les autres partis d’opposition devraient aussi prendre de la hauteur et Ă©viter les querelles byzantines, dans lesquelles se complaisent un pouvoir en fin de parcours et ses thurifĂ©raires.

La meilleure façon de consolider le succĂšs politique du 23 janvier 2022 consiste prĂ©cisĂ©ment Ă  Ă©laborer un programme politique, dont les larges masses populaires devront s’approprier et qui, Ă  notre humble avis, devrait s’inspirer de la dynamique des Assises nationales.

PAR NIOXOR TINE

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