Evolution ou rĆ©volution, se demandait-on au SĆ©nĆ©gal du temps de son premier PrĆ©sident, LĆ©opold SĆ©dar Senghor, dans les annĆ©es 1970-1980. Ce fut le terme doux, non-violent, de lāalternative qui triompha avec la marche, jusquāici pacifique, vers la restauration dāune dĆ©mocratisation longtemps bridĆ©e par le triomphe sous son magistĆØre dāun parti unique de fait incarnĆ© par sa formation politique, lāUnion progressiste sĆ©nĆ©galaise (UPS) qui deviendra lāactuel Parti socialiste (PS). Lāhorizon sāassombrit dĆ©sormais, et sāagglutinent dans son ciel des forces porteuses dāune violence rĆ©volutionnaire que rien, absolument rien, ne pourra arrĆŖter. Le SĆ©nĆ©gal est Ć la veille dāune rĆ©volution rendue indispensable par l’urgence de le dĆ©barasser des forces anti-dĆ©mocratiques qui l’ont pris en otage. Macky Sall, l’intrus, qui dirige le pays, est Ć la tĆŖte d’une bande de gangsters, qu’il faut mettre hors d’Ć©tat de nuire, sans tarder.
La seule voie pour y parvenir est celle de l’extrĆŖmeā¦Or, qui pouvait, il n’y a guĆØre, dans ce pays assoupi, penser qu’il serait, comme il lāest actuellement, gagnĆ©, un jour, par une aussi forte fiĆØvre, envie, rĆ©volutionnaire ? Du monde entier, on ne cĆ©lĆ©brait plutĆ“t que sa maturation dĆ©mocratique, traduite par deux alternances politiques Ć sa tĆŖte et par la floraison de partis politiques et dāespaces de libertĆ©s, mĆ©diatiques, syndicaux, religieux, dans un climat national harmonieux et apaisĆ©. Son peuple et ses dirigeants ne se distinguaient que par leur faconde et leur gouaille, bavards, croyant avoir agi aprĆØs avoir volubilement parlĆ©.
Les temps ont changĆ©. En dĆ©coudre, par tous les moyens, y compris par la violence, nāest plus de lāordre de lāimpossible. Tous les signaux lāattestent : nous sommes, parions-le, Ć la veille dāune rĆ©volution et, comme ailleurs, les germes de ce basculement procĆØderont aussi dāune longue phase de bouillonnement pour nāĆŖtre dĆ©clenchĆ©s que par des Ć©piphĆ©nomĆØnes que lāon prenait souvent comme insignifiants.
Le rapt, qui semblait ĆŖtre un crime parfait, de lāĆ©lection prĆ©sidentielle dāil y a un peu plus de deux ans, le surgissement inattendu de la pandĆ©mie que lāon connaĆ®t et son impact sur lāĆ©conomie nationale autant que les rĆ©vĆ©lateurs de la mal-gouvernance, nĆ©potique, y relatives, quāelle a entrainĆ©e, ou encore le dĆ©ploiement de nervis pour imposer un rĆ©gime de terreur physique, ont Ć©tĆ© les premiers signes de cette faillite systĆ©mique de la nation.
Sans compter la hausse intenable du coĆ»t de la vie et lāarrogance, lāhubris, dāun pouvoir qui nāen fait quāĆ sa tĆŖte, sāimaginant avoir domptĆ© un peuple tenu en mĆ©pris et rĆ©duit Ć vivoter en bĆ©tail politique, chargĆ©, moyennant des vĆ©tilles, dāapplaudir lāirresponsable, incapable, voleur de deniers publics, Macky Sall, auto-intronisĆ© en nouveau CĆ©sar, aux pieds dāargile, ont fait le reste.
Le dĆ©goĆ»t nāa Ć©tĆ© que plus fort encore en le voyant ces derniers jours, inconscient, se frottant les mains, au milieu de la tourmente, dans un sentiment de jouissance autocratique qui ne cesse de se donner Ć voir, notamment au milieu des Ć©chauffourĆ©es autour de lui lors de sa rĆ©cente tournĆ©e, dans le Nord du pays.
Ce prĆ©cipitĆ© de facteurs adverses, producteur dāune vie dure sans prĆ©cĆ©dent, aurait dĆ» Ć©veiller lāattention mais les rĆ©volutions ne se font pas annoncer.
Prenons des exemples : une simple partie de thĆ© Ć Boston dĆ©clencha celle qui allait bouter des USA la puissance impĆ©riale britannique qui voulait continuer dāy rĆ©gner en taxant sans offrir une reprĆ©sentation aux populations locales ; en 1868, la rĆ©volution du Meiji Japonais, pour Ć©chapper au joug impĆ©rialiste Occidental, naquit dāune volontĆ© de moderniser, dāoccidentaliser, ce pays qui sāendormait, recroquevillĆ© sur ses traditions, avant quāil ne fut ouvert par la force, pour le contraindre de commercer avec les USA, sous la menace des baĆÆonnettes du Commodore Matthew Perry, en 1853, dans un sursaut pour ne pas sombrer dans une ĆØre dāhumiliation semblable Ć celle qui venait dāengloutir, non loin de lĆ , la Chine ; la quĆŖte de pain et de travail fut, dĆØs fĆ©vrier 1917, Ć lāorigine de la chute des Romanov, la fin des Tsars, dans lāempire Russe, avant que les communistes, dirigĆ©s par Vladimir LĆ©nine ne parachĆØvent la rĆ©volution, quelques mois plus tard, en Octobre ; les Chinois, par patriotisme, sous la conduite dāabord de Sun Yat-sen, au dĆ©but du siĆØcle dernier, puis avec la crĆ©ation, en 1921, Ć Shanghai, en cachette, du Parti communiste chinois, et sa marche, sous Mao, vers la victoire finale pour mettre fin Ć un siĆØcle de spoliation Ć©trangĆØre, prĆ©lude Ć la spectaculaire renaissance que lāon sait ; et, mĆŖme, plus rĆ©cemment, le mouvement estudiantin de Mai 1968, ne rĆ©sulta que dāannĆ©es dāhibernations dues Ć une civilisation auto-satisfaite, surfant sur les trente-glorieuses et une insolente croissance Ć©conomique, avant que, peu Ć peu, rĆŖvant dāune nouvelle imagination, les foules, de Paris Ć Londres, nāexpriment leur-ras-le-bol de ce que Pierre Viansson-PontĆ© appelait, dans une tribune, lāennui de la Franceā¦
La rĆ©volution qui se lĆØve au SĆ©nĆ©gal nāĆ©chappe pas Ć cette rĆØgle du fait inattendu, survenant par surprise. Qui nāest dāailleurs pas Ć©tonnĆ© de constater quāelle a trouvĆ© son dĆ©clencheur dans le coin le moins propice qui soit, sur les terres que tous pensaient ĆŖtre laā¦propriĆ©tĆ© de celui qui les revendiquaient sans aucune vergogne, au mĆ©pris de la souverainetĆ© territoriale et dans une logique Ć©thniciste dont il rĆŖvait de faire, sur le tard, son fonds de commerce politique, abject et immoral, dans sa folle aventure pour sāincruster au pouvoir, illĆ©gitimement, par la force et la criminalitĆ©.
Cāest des entrailles du Fouta, pendant quāil sāy trouvait, alors quāil pensait y faire une dĆ©monstration de force, Ć lāaide de ses acolytes grassement nourris aux frais du contribuable, que le plus puissant cri de ralliement contre sa personne est devenu le slogan national, adoptĆ© par tous, pour lui signifier la fin de sa cavale. De toutes les poitrines, de partout, ne rĆ©sonne plus, fracassant ses certitudes, quāun seul mot :ā¦Tampi.
Tampi ne veut pas dire tant pis. En langue pulaar, cāest un terme que mĆŖme les nouveaux nĆ©s du Fogny Ć ceux du Djolof, connaissent maintenant. Cāest un terme imparable pour dire au fĆ¢cheux que le pays en a assez de voir sa tronche et que ses micmacs pour perdurer au pouvoir nāont aucune chance de prospĆ©rer.
Lāhistoire retiendra que deux voyelles ont suffi pour ĆŖtre le catalyseur dāune rĆ©volution au SĆ©nĆ©gal. TAM-PI. Deux voyelles pour le chasser. RĆ©-vo-lu-tionā¦
La colĆØre est gĆ©nĆ©rale. Palpable dans tout le pays. Nul ne veut plus y entendre les propos du menteur quāil a commis lāimprudence de porter Ć sa tĆŖte, en mars 2012 et dont les faits et gestes lui paraissent de moins en moins tolĆ©rables.
Tous les SĆ©nĆ©galais, y compris ceux qui avaient choisi de le suivre dans son parti politique, savent que cet homme est un ĆŖtre indigne dont lāunique ambition est de sāaccrocher Ć vie au pouvoir et de le transfĆ©rer en dernier ressort Ć un membre de sa famille pour perpĆ©tuer le pillage du pays. On ne peut, sous un tel Ć©clairage, sāattendre Ć ce quāil organise des Ć©lections normales, joue le jeu de la dĆ©mocratie ou fasse montre dāune grĆ¢ce, sāil sait, comme cāest le cas, que les Ć©lecteurs lāont rejetĆ©.
Penser combattre cet individu en misant sur sa capacitĆ© Ć respecter, maintenir, le processus dĆ©mocratique quāil a fini dāĆ©viscĆ©rer, cāest se tromper lourdement. Son seul objectif, maintenant, aprĆØs avoir bradĆ© les ressources nationales en hydrocarbures, est dāen attendre les premiĆØres royalties, dans deux ans, pour tenter de corrompre les forces qui lui rĆ©sistent afin de continuer, de plus belle, son saccage de la nation.
La rĆ©volution nāest plus une option mais un impĆ©ratif. SĆ©nĆ©galais, sortez de vos illusions. Quand on a affaire Ć un salaud, on le traite comme tel. Quitte Ć faire face Ć sa soldatesque officielle et Ć ses milices privĆ©es. Avant de lāaffronter sans interfaces, pour lui donner la leƧon de sa vie, pour que plus jamais personne ne sāimagine pouvoir faire du SĆ©nĆ©gal une terre de banditisme politique ou nāose y jouer avec ses valeurs dĆ©mocratiques et ses ressources nationales.
SĆ©nĆ©galais, dites donc Tampi. Ajoutez : Macky Tampi. La rĆ©volution ne peut plus ĆŖtre retardĆ©e. Son heure est venue. Sauvons notre paysā¦.
Adama Gaye* est un opposant en exil au rƩgime de Macky Sall.
Dites Tampiā¦
35
Article prƩcƩdent