Le Président Donald J. Trump a signé un nouveau décret mardi, renforçant de manière significative les restrictions d’entrée de certains pays aux Etats-Unis. Une décision dans la continuité des décrets 14161 et 10949 qui avaient annoncé la couleur. Pointé du doigt, depuis quelque temps, le Sénégal avait été invité à la Maison blanche, il y a 6 mois, avec pour objectif affiché d’amener les dirigeants sénégalais à la table des négociations, notamment sur les questions migratoires.
Donald Trump était-il sorti insatisfait de sa rencontre avec Bassirou Diomaye Faye au mois de juillet dernier ? les propositions faites par la Maison Blanche n’avaient pas été dévoilées, mais les USA vont exécuter le décret présidentiel portant sur les restrictions d’entrées dans leur territoire à partir du 1er janvier 2026 à minuit. Notre pays est classé parmi les États soumis à une restriction partielle d’entrée. Une classification qui ne fait pas du pays un État terroriste ou en guerre, mais qui traduit, selon Washington, l’existence de failles administratives et migratoires exploitables. Le décret s’appuie notamment sur le rapport du Département de la sécurité intérieure (DHS), qui indique que les ressortissants sénégalais présentent un taux de dépassement de visa de 4,30% pour les visas B-1/B-2 (tourisme et affaires) et de 13,07% pour les visas F, M et J (étudiants et échanges). Des chiffres jugés suffisants par l’administration Trump pour justifier un durcissement des conditions d’accès au territoire américain à partir du 1er janvier 2026. Ainsi, l’entrée aux États-Unis sera suspendue pour les candidats sollicitant une immigration permanente (green card) ainsi que pour ceux demandant des visas touristiques, d’affaires, étudiants ou d’échange.
Les autres catégories de visas non-immigrants encore autorisées feront l’objet d’une réduction de leur durée de validité et de contrôles consulaires renforcés, rendant plus complexes les projets de voyage, d’études ou de regroupement familial. Toutefois, la mesure ne s’applique pas aux résidents permanents légaux, aux binationaux voyageant avec un passeport d’un pays non concerné, aux diplomates, aux personnes bénéficiant déjà de l’asile ou du statut de réfugié, ni aux cas exceptionnels relevant de l’intérêt national américain, examinés au cas par cas par les autorités compétentes.
Le taux de dépassement de visa est-elle la principale raison ?
Selon les données officielles du DHS, le Sénégal affiche un taux de dépassement de séjour relativement modéré, comparé à de nombreux autres pays. A titre de comparaison, plusieurs pays non soumis à des restrictions de visas touristiques américains présentent pourtant des taux de dépassement nettement plus élevés. Par exemple, des États d’Amérique Latine et des Caraïbes comme la République Dominicaine, le Honduras ou le Guatemala ont, selon différents rapports récents du DHS, enregistré des taux de dépassement de visas touristiques souvent supérieurs à 8%, 10%, voire 15%, sans être frappés par une suspension catégorielle des visas B-1/B-2. De même, certains pays d’Asie du Sud et du Sud-Est, qui ne figurent pas sur les listes de restrictions, ont parfois affiché des taux de dépassement de visa étudiants ou touristiques équivalents ou supérieurs à ceux du Sénégal, sans mesures comparables de suspension d’entrée.
Dakar n’aurait pas accepté de recevoir des migrants expulsés des USA
Cette disparité montre que le taux de dépassement de visa, à lui seul, n’est pas le facteur déterminant dans la décision américaine. Le décret présidentiel insiste d’ailleurs sur une approche fondée sur la «concordance des circonstances», combinant plusieurs critères, notamment : fiabilité des documents civils, capacité de l’État à vérifier l’identité de ses ressortissants, partage d’informations sécuritaires ou encore la coopération dans le retour des personnes expulsées.
Pour ce dernier cas, des sources dignes de confiance rapportent que Dakar n’avait pas accepté de recevoir des migrants expulsés des USA, à la différence du Ghana qui avait accepté des expulsés et qui aujourd’hui ne figure pas dans la liste des pays restreints d’entrées.
Il convient de préciser que cette décision n’est pas encore appliquée et qu’aucun visa délivré avant le 1er janvier 2026 ne sera annulé, mais toute nouvelle demande introduite après cette date sera soumise aux nouvelles règles. Le texte prévoit aussi une réévaluation tous les 180 jours, laissant ouverte la possibilité d’un assouplissement futur en fonction de l’évolution de la coopération entre le Sénégal et les autorités américaines.
Risque sur les supporters sénégalais à la Coupe du monde À l’approche de la Coupe du monde 2026, coorganisée par les États-Unis, le Canada et le Mexique, le décret établit une distinction claire : les joueurs, staffs techniques, officiels sportifs et proches immédiats, participant à des compétitions internationales majeures, bénéficient d’une exemption explicite, garantissant l’accès de l’équipe nationale du Sénégal au territoire américain, tandis que les supporters sénégalais, relevant des visas touristiques, sont directement concernés par la suspension et risquent de ne pouvoir assister aux matchs disputés aux États-Unis, sauf dérogation exceptionnelle.
La donne changera-t-elle pour la Fsf ?
Abdoulaye Fall, président de la Fédération sénégalaise de football (Fsf), interrogé sur le sujet lors du tirage au sort de la Coupe du monde, avait rassuré en affirmant que la fédération est en collaboration avec des partenaires américains qui devraient les soutenir dans les démarches d’obtention de visas, mais aussi d’hébergement des membres du 12e Gaïndé. Aujourd’hui, avec l’application de ce décret à partir du 1er janvier 2026, les données vont-elles changer ?
Ahmadou KANE
(Correspondant permanent à New York)

