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3ème mandat : Un cocktail explosif

par pierre Dieme
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Vives critiques de l’opposition ivoirienne, après la déclaration de candidature du président Alassane Ouattara pour un troisième mandat, sans oublier les manifestations des jeunes à Abidjan et à l’intérieur du pays contre cette candidature. En Guinée, les mobilisations anti Condé avaient été plusieurs fois réprimées, faisant des dizaines de morts parmi les manifestants. Le Mali voisin est confronté à une crise socio-politique qui a obligé les Etats de la Cedeao à s’impliquer pour une sortie de crise. Ici aussi, au Sénégal, la crainte de l’effet Pangolin avait poussé les autorités à lever les mesures de restrictions dans la lutte contre la Covid-19, qui est loin d’être gagnée. Tout un cocktail explosif dans la sous-région et dans le pays qui n’augure rien de bon pour le Sénégal.

Un cercle de feu entoure le Sénégal, serons-nous tentés de dire, au vu des crises de toutes sortes et des conflits qu’on observe çà et là en Afrique, jusque même dans la sous-région. Ou encore, face à l’intolérance dont font montre les jeunes, de plus en plus actifs et connectés sur les réseaux sociaux, tout comme les organisations régionales et les partenaires internationaux décidés à en finir avec certains dirigeants déterminés qu’ils sont à se momifier au pouvoir. De toute évidence, plusieurs facteurs attirent l’attention des observateurs avertis et soucieux de la stabilité dans la sous-région et par ricochet pour le Sénégal.

RISQUE D’INSTABILITE POLITIQUE EN PRESPECTIVE DES ELECTIONS PROCHAINES EN COTE D’IVOIRE

Déjà, en Côte d’Ivoire, au lendemain de son discours prononcé à l’occasion du 60ème anniversaire de l’Indépendance, les réactions à l’officialisation de la candidature à un troisième mandat du président Alassane Dramane Ouattara (ADO) campent le décor d’une Côte d’Ivoire divisée. D’un côté, des partisans soulagés de voir le chef de l’État défendre les couleurs du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). De l’autre, une opposition qui dénonce une candidature à ses yeux illégale. Entre les deux, une opinion publique inquiète, surtout après les manifestations à Abidjan et à l’intérieur du pays, pour dénoncer la candidature du président Alassane Ouattara. Dans la commune de Yopougon (Nord d’Abidjan), tout comme dans les villes de Bonoua (Sud ivoirien) et de Soubré (Nord-ouest), des jeunes ont, soit érigé des barrages et incendié des pneus, soit organisé des marches pour dire non à un troisième mandat. Le moins que l’on puisse dire, le risque d’instabilité en vue des présidentielles du 31 octobre prochain, pèse sur le pays. La crise postélectorale de 2010-2011 reste encore fraiche dans les mémoires.

L’OPPOSITION GUINEENNE VENT DEBOUT CONTRE UNE TROISIEME CANDIDATURE

On n’est pas loin du même scénario en Guinée, où le président Alpha Condé est désigné candidat à la présidentielle d’octobre prochain par les délégués du parti au pouvoir en Guinée (RPG-Arc-en-ciel), ainsi que la Coalition démocratique pour le changement dans la continuité (CODECC), qui réunit des partis politiques alliés au RPG-Arc-en-ciel. Pourtant, bien avant ces propositions, l’opposition guinéenne, qui était persuadée de la troisième candidature du président sortant, avaient lancé le Front national pour la défense de la Constitution (Fndc), formé des principaux partis d’opposition et d’organisations de la société civile. Leur mobilisation anti-Condé avait été plusieurs fois réprimée, faisant des dizaines de morts parmi les manifestants. Pour autant, le Front n’en démord toujours pas, même s’il a reporté son appel à manifestation du jeudi 6 août dernier, «en raison des examens scolaires». Un front a été ouvert dans la diaspora, avec un collectif d’opposants dénommé “Collectif pour la transition en Guinée“. La dite entité a déclaré avoir déposé une plainte devant le Parquet financier de Paris, mardi 4 août, contre le président Alpha Condé et plusieurs de ses proches pour corruption, trafic d’influence et blanchiment de corruption.

MALI : LE M5-RFP SE BRAQUE, MALGRE LES PROPOSITIONS DE SORTIE DE CRISE DE LA CEDEAO
Quid de la crise socio-politique au Mali, qui a obligé les chefs d’Etat de la Cedeao a, non seulement dépêcher une mission de médiation à Bamako, mais surtout à organiser un sommet extraordinaire des chefs d’Etat sur la situation au Mali ? En tout état de cause, malgré les propositions de sortie de crise formulées par la Cedeao, dont la formation d’un gouvernement d’union national, la démission des 31 députés, entre autres, le Mouvement du 05 juin (M5-RFP) a encore manifesté le mardi 11 août, à Bamako. Avec à leur tête leur leader moral, Imam Dicko, les responsables du mouvement contestataire réclament toujours la démission du président de la République, Ibrahima Boubacar Keita et le départ de son Premier ministre. Ils demandent, aussi, la libération du chef de file de l’opposition, enlevé par des hommes armés alors qu’il battait campagne pour le premier tour des élections législatives de mars dernier.

MACKY DECRYPTE LE MESSAGE DE LA RUE ET PREND AU SERIEUX LA NOTE DU QUAI D’ORSAY SUR L’EFFET PANGOLIN

Au Sénégal, le pilotage à vue dont ont fait montre les autorités, vacillant entre reculades spectaculaires, décisions controversées et stratégie de riposte inexistante, ou du moins, inconnue et/ou incomprise des populations, avait soulevé un dégout généralisé des jeunes du pays très dynamiques dans le secteur informel. Fort heureusement, le chef de l’Etat avait très tôt fait de décrypter le message des manifestations à Thiès, Touba, Mbacké (pour la levée de l’interdiction du transport interurbain), Tambacounda (intifada des Jakartamen), Cap-Skiring (émeutes de l’eau), Niary-Tally, Grand-Yoff, Grand-Dakar et Pikine, mais aussi à Kaolack et Kaffrine. En Conseil des ministres, le mercredi 3 juin dernier, le président Sall avait donné instruction aux ministres en charge des Transports terrestres et aériens, en relation avec le ministre de l’Intérieur, de travailler avec les partenaires du secteur des transports, à la levée des restrictions selon des modalités à convenir. Sitôt dit, sitôt fait. C’est pour dire que le chef de l’Etat, Macky Sall, à travers cette oreille attentive tendue à la rue, accorde une attention particulière à la note du Quai d’Orsay sur l’Afrique et les conséquences de la pandémie. Dans ladite observation du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (Caps) du Quai d’Orsay publié par La Tribune, intitulée «L’effet Pangolin : la tempête qui vient en Afrique ?», les auteurs estiment que la pandémie de la Covid-19 pourrait être «la crise de trop, qui déstabilise durablement, voire qui mette à bas des régimes fragiles (Sahel) ou en bout de course (Afrique centrale)». Le président Sall a alors compris que les mesures de restrictions sont en train de saper l’équilibre fragile de l’informel, économie de survie quotidienne essentielle au maintien du contrat social, comme le prédisait ladite note du Caps du Quai d’Orsay.

LE DANGER N’EST JAMAIS LOIN

Toutefois, le danger n’est pas encore loin, dans la mesure où la forte propagation de la pandémie de la Covid-19 dans le pays, après la levée des restrictions et le relâchement général, a obligé les autorités à corser à nouveaux certaines mesures. Ce qui n’a pas été sans conséquence, d’autant plus que, le dimanche 9 août dernier, des jeunes en colère ont attaqué la Gendarmerie de Ballou, dans la région de Tambacounda, faisant 2 blessés dans les rangs des gendarmes. La raison, ils ont été empêchés de jouer au football, conformément à l’interdiction de rassemblements dans le cadre de la riposte contre la Covid-19.

Ailleurs, des autorités religieuses commencent à ruminer leur colère suite à une proposition de l’ancien ministre de l’Enseignement Supérieur, Mary Teuw Niane, notamment de ne célébrer le Magal et les Gamou qu’à titre symbolique pour éviter les grands rassemblements, terreaux propices à la propagation de la pandémie. A cela s’ajoute le déterrement de la hache de guerre par l’opposition «radicale» à cause de la gestion jugée «scandaleuse» de la Covid-19. Que dire des mouvements d’humeur de certains syndicats, ou encore les activations de certaines organisations de la société civile regroupées autour de «Aar Linu Bokk», «Nio Lank», «Doy na», etc. Si en plus de ces facteurs, le régime du président Macky Sall devait en rajouter une couche, avec l’histoire du troisième mandat, qui fait déjà polémique, alors qu’on est loin de 2024, le cocktail risque d’être très explosif.

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