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mercredi, avril 24, 2024
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Un petit pas pour Issoufou, un grand pas pour le Niger

par pierre Dieme

Pour un enfant des années 80, l’an 2000 était un lointain futur. Dakar sera comme Paris. Les voitures seront comme dans le fameux film de science-fiction Total recall avec Schwarzenegger. Deux décennies après le basculement de 2000, la technologie révolutionne l’époque. Les réseaux sociaux se sont incrustés au cœur du corps social. Les progrès démocratiques ont été formidables dans beaucoup de pays. La Gambie n’est plus une dictature. Le Rwanda est devenu un pays de référence. Le Liberia a élu à sa tête successivement une femme et un ancien footballeur professionnel.
Partout sur le continent, une nouvelle conscience politique émerge après des décennies d’atrophie. La conquête de la souveraineté dans les années 60 avait généré une jeunesse à l’avant-garde du combat pour la dignité. L’Anc en Afrique du Sud, L’Istiqlal au Maroc, le Rda en Côte d’Ivoire, la Zanu au Zimbabwe ont été des outils importants dans la formation d’une génération de militants pour l’indépendance et le panafricanisme. Le Pai, créé en 1957, a été un creuset pour des milliers de jeunes qui se battaient pour un idéal de souveraineté et de progrès social.
Ce «Monde d’avant» du militantisme, des puissantes causes et des grands desseins a cédé la place à une conception différente de la politique. Les raisons de ce reflux sont nombreuses, et il serait présomptueux de vouloir les citer ici. Mais la pratique politique en Afrique, celle qui érige la vision transformatrice au rang de socle, n’a pas résisté à la deuxième génération de leaders. Cette génération, d’une médiocrité rare, a sabordé les acquis des Pères fondateurs et a ouvert la voie à une politique dite politicienne, celle qui remplace l’idéal par l’avoir, la conviction par la tortuosité, la légèreté par la gravité qu’impose le service à la Nation. Cette génération des ajustements structurels et de la prédation est symbole du renoncement et de l’inanité.
Trois décennies après La Baule et deux après le marqueur temporel de 2000, il y a un nouveau printemps démocratique à inventer. Cette nouvelle décennie doit féconder des ruptures et des transmutations politiques. Le continent est un bassin de jeunesses dynamiques qui rêvent d’une vie meilleure. Il suffit d’observer l’engouement de ces derniers auprès des leaders radicaux pour comprendre qu’ils ont soif de changement. Il faut assouvir cette soif en renforçant l’inclusion des jeunes dans les espaces publics et en quittant cette démocratie institutionnelle pour ouvrir le chapitre d’une démocratie d’opinion inclusive.
Le politique gouverne l’économie. Les performances économiques sont vaines si nous ne construisons pas une société politique forte et dévouée à la prise en charge des préoccupations des citoyens en matière de participation aux affaires publiques. La Libye fut un champion de la redistribution directe des revenus du pétrole.
N’empêche, bien avant l’assaut final franco-britannique, le régime a périclité, car n’ayant pu apporter des réponses à l’exigence de respiration démocratique des Libyens. Zoon politikon, disait Aristote. Animal politique, l’homme s’épanouit dans une société politique régie par le droit. Le confiner aux plaisirs du ventre, c’est le déshumaniser. Il est nécessaire pour les hommes politiques africains d’observer une mutation, de prendre conscience des valeurs que doit incarner l’exercice de l’Etat, c’est à dire ce sens du sacerdoce, du sacrifice au service à la communauté. Il n’est plus possible de gouverner des jeunes Africains connectés, ouverts et exigeants sans une capacité à se réinventer et à s’adapter aux défis actuels d’un continent qui change à une fulgurante vitesse.
La démocratie est un processus jamais achevé. Il suffit de suivre les ultimes suppliques de Trump appelant à la fraude en Géorgie pour s’en rendre compte. Le chemin est encore long en Afrique, mais des raisons de cultiver l’espoir existent pour ce «Monde d’après» durant lequel une élection sera banale. Après une sombre année 2020, le Niger est le premier rayon d’espoir que nous offre 2021. Mahamadou Issoufou part au terme de son second mandat et laisse l’histoire s’écrire dans ce pays qui a connu un passif difficile après de nombreux coups d’Etat. L’apprentissage démocratique est complexe, parfois douloureux, mais Issoufou rend un grand service à son pays.
Avec l’organisation d’une élection à laquelle il ne participe pas, il part avec les honneurs. C’est ainsi qu’un homme politique rentre dans l’histoire. Par un petit pas pour lui qui signifie un grand pas pour sa Nation.

Lequotidien

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