Africa Climate Insights (ACI), en collaboration avec la Fondation Heinrich Böll Sénégal, a lancé un nouveau produit de connaissances consacré aux impacts des énergies fossiles et aux opportunités d’une transition énergétique juste (JETP).
Cette initiative intervient dans un contexte marqué par l’entrée officielle du Sénégal dans l’ère pétrolière et gazière, avec les projets Sangomar, Grand Tortue Ahmeyim (GTA), Yakaar-Teranga et l’exploitation onshore de Ngadiaga. Le pays se trouve ainsi à un tournant stratégique : comment tirer parti de ces nouvelles ressources tout en respectant ses engagements climatiques et sociaux ?
Le rapport analyse d’abord les effets environnementaux des activités pétrolières et gazières. Il révèle que l’exploitation offshore perturbe gravement les écosystèmes marins, entraînant une pollution de l’eau et des sédiments, une dégradation des habitats, une accentuation de l’érosion côtière et une perte notable de biodiversité. Dans le domaine climatique, il souligne que le secteur de l’énergie représente déjà 81 % des émissions nationales de gaz à effet de serre et que ce chiffre pourrait augmenter avec la montée en puissance de la production pétro-gazière. Les fuites, le torchage et les émissions de méthane constituent une préoccupation majeure et menacent les engagements du Sénégal dans la lutte contre le changement climatique.
Au plan socio-économique, les communautés côtières, particulièrement celles de Saint-Louis, Kayar, Djiffer ou encore Dionewar, subissent les effets directs de l’industrialisation maritime. La baisse des revenus liés à la pêche, la rareté des ressources halieutiques et la détérioration des conditions de vie compromettent l’équilibre social de ces localités. Les femmes transformatrices, qui occupent une place essentielle dans la chaîne de valeur de la pêche, se retrouvent parmi les populations les plus affectées. Le rapport recommande de les accompagner vers des activités nouvelles et durables, notamment l’aquaculture, l’énergie solaire ou encore la transformation écologique.
Face à ces enjeux, l’étude met en lumière le potentiel important des énergies renouvelables comme alternative viable. Elle rappelle que le solaire représente déjà près de 13 % du mix électrique national, grâce à plus de 245 MW installés et à la présence de nombreux mini-réseaux dans les zones rurales. L’éolien et le biogaz contribuent également à diversifier les sources d’énergie, et les experts estiment que le pays pourrait dépasser 1 100 MW de capacité renouvelable d’ici 2034. Selon le rapport, investir davantage dans les énergies propres permettrait de réduire la dépendance aux fluctuations des marchés internationaux, de créer plus d’emplois locaux et de renforcer la résilience économique et sociale des communautés.
Toutefois, l’étude souligne une contradiction persistante entre les ambitions du Sénégal, qui s’est engagé à porter la part des énergies renouvelables à 40 % d’ici 2030, et la poursuite d’investissements massifs dans les combustibles fossiles. Pour sortir de cette incohérence, les auteurs préconisent l’adoption de politiques publiques intégrées et participatives, impliquant l’État, la société civile et le secteur privé. Ils plaident aussi pour une réorientation des financements vers les énergies propres, une gouvernance plus transparente du JETP, une meilleure prise en compte du genre et de la jeunesse dans les politiques énergétiques, ainsi qu’un renforcement de la formation et de la sensibilisation communautaire.
À travers ce rapport, Africa Climate Insights et la Fondation Heinrich Böll appellent à faire du Sénégal un modèle africain de transition énergétique juste, conciliant développement économique, justice sociale et durabilité environnementale. Selon eux, les énergies renouvelables doivent désormais être considérées non comme une alternative marginale, mais comme le moteur principal d’un développement durable et inclusif.
Cheikh Tidiane NDIAYE

