Après de longues journées passées dans le bois sacré, les jeunes initiés du village de Thiobon ont fait leur sortie triomphale, marquant la fin du « Bukut », quarante-deux ans après la précédente édition.
BIGNONA – Le samedi 16 août restera une date gravée dans les annales de Thiobon, village du département de Bignona. Ce fut un moment de liesse inégalée, où les chants, les danses, la ferveur mystique et les effusions de joie ont fusionné pour transformer le village en un immense théâtre de communion.
Sous un ciel lumineux et dans une atmosphère chargée d’émotion, Thiobon a vibré au rythme d’un rituel qui dépasse la simple dimension cérémonielle. Car le « Bukut », pilier de la société diola, est avant tout une école de la vie. C’est dans ce sanctuaire secret, à l’abri des regards profanes, que se transmettent les fondements de l’existence : courage, respect, solidarité, endurance et sens de l’honneur.
Entre tradition et innovations
L’annonce de cette édition avait été faite dès décembre 2024, après de longues délibérations des sages dans le bois sacré. Elle a donné lieu à toutes les étapes traditionnelles : le « Xulaken » du 2 avril 2025, où furent évalués les futurs initiés, puis les voyages mystiques à Mlomp et à Kabiline à la quête de protection. Enfin, le Bois sacré, ultime lieu de l’épreuve, les a accueillis pour une retraite initiatique.
« Malgré les exigences de notre époque, toutes les étapes ont été observées avec rigueur », renseigne Malick Coly, coordonnateur du « Bukut », qui insiste sur la fidélité aux symboles hérités des anciens. Cette édition s’est toutefois distinguée par des changements notables. Jadis, un enfant non sevré ou un père et son fils ne pouvaient partager la même initiation.
Thiobon a brisé ce verrou afin d’éviter qu’une génération entière ne reste en marge du rite. Autre innovation majeure du « Bukut » 2025 : la durée du séjour dans le bois a été réduite. Alors qu’il fallait autrefois plus de deux à trois mois, l’édition de cette année n’aura duré que trois semaines. Un ajustement destiné à permettre aux étudiants et aux fonctionnaires dudit village de reprendre plus rapidement leurs activités.
Lorsque les jeunes initiés ont franchi la sortie du bois, le village tout entier a explosé de joie. Ce jour-là, les tambours ont résonné. Les femmes ont entonné des chants ancestraux et les danses traditionnelles ont embrasé la place publique. Les initiés, désormais considérés comme des hommes à part entière, sont entrés dans une nouvelle étape de leur existence.
La solennité de l’événement a été renforcée par la présence de personnalités de haut rang. Le ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et aériens, Yankhoba Diémé, a présidé la cérémonie, tandis que le Premier ministre Ousmane Sonko, parrain de cette édition, a été chaleureureusement remercié par les notables et l’ensemble du village.
Le « Bukut », ciment de la cohésion sociale
Au-delà du caractère initiatique, le « Bukut » incarne un puissant facteur d’unité et de stabilité. « Ce rite n’est pas seulement un passage symbolique, c’est le ciment qui unit les familles, consolide les relations interethniques et renforce la paix », rappelle Ibrahima Tamsir Mané, chef du village de Thiobon.
Dans une Casamance encore marquée par des tensions et des cicatrices, la tradition diola confirme ici son rôle essentiel : transmettre l’honnêteté, l’intégrité et la fidélité aux racines.
En ce 16 août, Thiobon a écrit un nouveau chapitre de son histoire, en conciliant le respect scrupuleux de ses traditions ancestrales avec l’adaptation aux réalités contemporaines. Une fête à la fois mystique et universelle, où chaque battement de tam-tam portait un message d’avenir et de continuité.