Chaque matin, à l’aube, pendant que le quartier de Ndiolofène s’éveille lentement, un homme s’active déjà dans les rues. Baye Pathé Fall, la cinquantaine, ancien émigré en Espagne et natif de Saint-Louis, a fait de la propreté de son quartier un engagement quotidien et volontaire.
SAINT- LOUIS – Depuis près d’une semaine, le klaxon du véhicule de ramassage des ordures ne perturbe plus la quiétude des habitants de Ndiolofène, un quartier situé dans le faubourg de Sor à Saint-Louis. Les agents en charge du ramassage des déchets solides sont en grève. À Ndiolofène Sud, juste à côté du siège du parti Alliance pour la République (Apr), un dépotoir d’ordures est sur le point de se transformer en décharge. Les sacs d’ordures y sont entassés, certains ont été éparpillés par de jeunes enfants de la rue à la recherche d’objets à recycler ou par des chiens et chats à la recherche de nourriture.
Le décor est tout sauf reluisant. Il s’y ajoute une odeur nauséabonde. C’est là que se tient ce lundi matin, Pathé Fall, un géant de près de deux mètres de haut, teint noir, la carrure imposante. Il est vêtu en pantalon bouffant, un maillot de basketteur vert, des baskets rouge rattrapés par le temps, des gants de couleur orange, bonnet marron et une écharpe multicolore enroulé autour du cou. Un collier à l’effigie de Cheik Ibrahima Fall orne sa poitrine. Pathé Fall est un Baye Fall dans le vrai sens du terme. D’ailleurs ses proches l’appellent « Dieuwrigne Baye ». Avec un charretier, ils chargent les sacs d’ordure. Ne pouvant pas rester inerte face à la grève, Pathé Fall a initié une collecte auprès des habitants du quartier pour payer un charretier chargé de ramasser les ordures.
De retour au Sénégal après plusieurs années passées en Espagne, Pathé Fall a choisi de revenir à Saint-Louis. Apport incommensurable Depuis 7 ans, loin de toute recherche de visibilité ou de contrepartie financière, il s’est donné une mission personnelle : nettoyer les rues du quartier Ndiolofène, où il vit. Son action commence chaque jour dès l’aube, juste après la prière de fadjr.
Balai à la main, parfois muni de sacs pour ramasser les déchets, il parcourt les ruelles du quartier, ramassant les ordures abandonnées sur la chaussée et aux abords des concessions. Une routine qu’il répète avec constance, quelles que soient les conditions. Les longues années passées à l’étranger lui ont permis de se rendre compte de l’importance des règles de propreté. À son retour, il a voulu contribuer à améliorer le cadre de vie de son quartier, convaincu que la salubrité est l’affaire de tous, ne relèvant pas uniquement des pouvoirs publics. « Je crois fermement que c’est à nous fils du pays de prendre soin de notre terroir. En Europe, chacun fait de la salubrité une affaire personnelle. Autrefois, dès l’aube les femmes balayaient devant les maisons, rendant les quartiers propres mais cela ne se fait plus », se désole -t-il. Pour les habitants de Ndiolofène, son engagement est aujourd’hui bien connu. Beaucoup saluent un geste citoyen exemplaire, symbole de discipline, de responsabilité et d’amour pour la communauté. « C’est un engagement exceptionnel que chacun d’entre nous devrait avoir dans sa pratique sociale.
Ce qu’on peut constater c’est que Baye est entièrement dévoué à la société et il le fait de manière bénévole. Tous les jours, il nettoie et sensibilise les populations sur la nécessité de maintenir le cadre de vie propre et je sais que si la population le suivait dans sa démarche, beaucoup de problèmes environnementaux auraient disparu dans le quartier Ndiolofène », a confié Babacar Sarr, directeur de l’école d’application Macodou Ndiaye sis au quartier Ndioloféne. Il reconnait « l’apport incommensurable » que constitue l’action de Pathè Fall pour eux. « Il assure la salubrité aux alentours de l’école si bien que nous ne pouvons que le remercier », a-t-il ajouté. Abdoukarim Santos, enseignant dans ladite école abonde dans le même sens. Pour lui, l’engagement de Baye doit faire tache d’huile. « Son initiative doit être encouragée et soutenue. C’est le genre d’action à promouvoir pour le développement du pays », a invité M. Santos.
L’action quotidienne de Pathé Fall soulève également la question de l’incivisme et du défi de la gestion des déchets dans les quartiers urbains. « Je suis souvent déçu le matin quand je vois des ordures jetées partout. Les rues sont sales et on croise les doigts entendant les autorités. Ce n’est pas normal. Il nous faut éduquer les enfants à la propreté et au civisme dès le bas âge, c’est important pour tirer ce pays vers le haut », martèle Dieuwrigne Fall. Aux autorités de Saint-Louis, il lance un appel pour un soutien qui lui permettra de mettre en place un projet destiné à la salubrité du cadre de vie des Saint-louisiens. Sans revendication particulière ni discours militant, Pathé Fall mène son combat. À travers ce travail volontaire, il rappelle que de simples initiatives individuelles peuvent avoir un impact réel sur le cadre de vie collectif.
Jeanne SAGNA (Correspondante)

