Dans ses deux rapports d’audit (2022-2023), l’Arcop a étrillé la ville de Dakar. Ses conclusions, issues des deux missions, sont sans appel.
«En raison des manquements relevés ci-avant, la passation et l’exécution des marchés de la ville de Dakar au titre de la gestion 2022 ne sont pas conformes aux dispositions du Code des marchés publics. A notre avis, le degré de conformité de la ville de Dakar aux dispositions du Code des marchés publics en matière de passation et d’exécution, n’est pas satisfaisant ». C’est la cinglante conclusion des auditeurs indépendants commis par l’Arcop après avoir «fouillé » la gestion 2022 de la ville de Dakar.
En effet, concernant les Appels d’offres ouverts (Aoo), les auditeurs se sont interessés par exemple au marché portant sur les travaux pluriannuels d’entretien et d’extension de la voirie non classée de la ville de Dakar en deux lots.
Le lot 1 a été attribué à Kébimo (1,163 milliard de Fcfa) et le lot 2 à Kounta Fall entreprise (3,831 milliards de Fcfa). «Le montant estimé pour chaque lot était de 1 500 000 000 Fcfa donc 3 000 000 000 Fcfa pour les deux lots ; toutefois le montant attribué de 3 831 818 956 Fcfa Ttc pour le lot 2 est le double du montant estimé pour les deux lots », soulignent les auditeurs qui notent aussi «que le montant de l’offre de l’attributaire du lot 2 est le double des offres des autres soumissionnaires ».
Les auditeurs d’ajouter : «A la lecture du courrier adressé à la Dcmp en date du 31.01.2023 pour avis sur rapport d’analyse des offres nous avons relevé qu’une première attribution du lot 2 avait été faite à Obh Sasu pour 1 403 193 414 Fcfa Ttc, toutefois ce pv n’est pas classé dans le dossier mis à notre disposition ».
Il y aussi un autre marché portant sur l’acquisition d’équipements médicaux pour les structures sanitaires de la ville de Dakar en quatre lots. Suivant un appel d’offres en procédure d’urgence, le lot 1 a été attribué à 2ab (36, 152 millions de Fcfa), le lot 2 à Delta médical (15,500 millions de Fcfa), le lot 3 toujours à Delta médical (9,9 millions de Fcfa) et le lot 4 à Carrefour médical ( 385 millions de Fcfa). «Nous relevons que la procédure de passation est longue pour un appel d’offres en procédure d’urgence, la publication de l’attribution provisoire a été effectuée le 28 décembre et la notification des marchés le 25.05 2023 pour les lots 2 et 3, le 15.06 2023 pour le lot 1 et le 07.08 .2023 pour le lot 4. Les marchés des lots 1, 2 et 3 n’ont pas été approuvés, ils ont été signés par le maire », écrivent les auditeurs.
Concernant les travaux d’entretien de la piscine olympique de la ville de Dakar attribués à Kébimo pour 63,728 millions de Fcfa, les auditeurs soulignent que la mairie a entamé la procédure sans demander l’avis de non-objection (ano) de la Dcmp pour passer un marché de clientèle ce qui constitue une entrave du point de vue de l’article 141 du Code des marchés publics qui stipule qu’il faut un ano de la Dcmp pour commencer la procédure. «C’est ainsi que le 1er adjoint du maire a adressé à la Dcmp une lettre de clémence en date du 28 novembre 2022 pour justifier le non-respect de la procédure en ce qui concerne les marchés de clientèle en avançant la situation d’urgence ; la Dcmp a demandé la reconversion du marché en marché normal en lieu et place d’un marché de clientèle », selon les auditeurs.
Le marché portant sur l’organisation de l’arbre de Noël (lot 1), la fête des retraités (lot2) et la fête de l’excellence (lot 3) a été aussi passé au crible. D’après les auditeurs, le lot 1 a été résilié par arrêté N°000139/Vd/Sg du 13 février 2023 car le soumissionnaire Dismat n’a pas enregistré le contrat et ne s’est pas exécuté, ceci malgré plusieurs rappels. Le marché a été réattribué à 2 Ab Group qui était le 2ème moins disant conforme lors de l’évaluation pour un montant de 38 642 000 Fcfa. «Toutefois, le contrat de 2 Ab Group n’est pas classé et aucune information sur l’exécution de ce marché n’est fournie dans le dossier », écrivent les auditeurs.
«Un marché de fournitures de bureau et de matériel informatique attribué à un garage automobile »
Quid des Demandes de renseignement et de prix à compétition ouverte (Drpco) ? A ce sujet, un marché d’acquisition de fournitures de bureau et de consommables informatiques avait été lancé en deux lots distincts. Le lot avait été confié à Deental services (25,144 millions de Fcfa) et le lot 2 à Tabane busines (14,732 millions de Fcfa). D’abord, «les justificatifs de la transmission des procès-verbaux d’ouverture des offres aux soumissionnaires, ne sont pas classés dans le dossier de marché mis à notre disposition », pointe le rapport.
Ensuite, et plus cocasse, «l’attributaire du lot 2 à savoir Tabane Business est un garage automobile, ces états financiers fournis le confirment ; la fourniture de consommables informatiques n’entre normalement pas dans son domaine d’activité. Le prestataire ne s’est pas encore exécuté à la date de ce rapport ce qui confirme qu’il ne disposait pas des qualifications requises pour ce marché ».
Le marché pour la fourniture et l’installation de panneaux de communication au Building communal n’est pas en reste. Il avait été attribué à Entreprise général Benga. Les travaux étaient toujours en cous au moment de la validation du rapport. Or, l’Ordre de service de démarrage est daté du 07.06.2023 et reçu le 12.06. 2023 pour un délai d’exécution de 3 mois. Les fournitures auraient dû être réceptionnés depuis le 12.09.2023.
Le même constat a été fait sur le marché portant sur les travaux de construction du mur de clôture du centre verbo tonal attribué à Egit Sénégal. L’ Ordre de service de démarrage est daté du 05.01.2023 et a été notifié le 09.01. 2023 pour un délai d’exécution de 3 mois. «Le certificat des travaux faits est daté du 06.06.2023, les travaux auraient dû être réceptionnés le 09.04.2023. Les pénalités de retard n’étaient pas prévues dans le contrat et l’entrepreneur a été payé en totalité le 20.06.2023 », indique l’auditeur.
Pour la gestion 2023, les recoupements entre la liste des marchés communiquée par la Cellule de passation des marchés et celle fournie par l’Arcop ont permis de constater que la ville de Dakar a passé 58 marchés d’une valeur globale de 18 181 888 378 Ttc. L’audit a porté sur 34 marchés d’un montant total de 11 602 471 734 Fcfa Ttc Ttc, soir un taux de couverture de 58,62% en nombre et 63,81% en valeur. Là aussi, les auditeurs ont été catégoriques à la fin de leurs travaux : «Sur la base de la population des marchés et de notre échantillon, à notre avis, la conformité de la procédure de passation, d’exécution et de règlement des marchés de la Ville de Dakar aux dispositions du Code des marchés publics n’est pas satisfaisante ».
Qu’on découvert les auditeurs pour en arriver à ce jugement ? «La mission a rencontré des difficultés pour obtenir certains documents notamment les offres et les documents d’exécution et de paiement », balancent direct les auditeurs d’après qui, pour la gestion 2023, la ville de Dakar ne s’est pas conformée à l’article 56 du Code des marchés publics (Cm) en ne publiant pas sur le portail officiel des marchés publics les avis d’appel d’offres des marchés passés par Appel d’offres ouvert (Aoo).
De même, les procès-verbaux (pv) d’attribution des marchés présentent plusieurs irrégularités importantes. Le nom de la Personne responsable des marchés (Pr), en l’occurrence le maire, ainsi que sa signature, ne figurent pas sur les pv d’attribution. Le document ne comporte que le sceau de la ville de Dakar. «Nous ne pouvons donc pas confirmer que le maire a joué son rôle en tant que Prm conformément aux dispositions de l’article 27 du Code des marchés publics. De plus, le pv mentionne que la Commission des marchés (Cm) a attribué le marché sur la base du rapport d’évaluation. Cependant, la Cm n’a pas l’autorité d’attribuer les marchés ; elle doit uniquement faire une proposition d’attribution au maire. La décision finale d’attribution revient à la Prm, qui doit valider cette proposition. Cette situation remet en question la légitimité du processus d’attribution et pourrait compromettre la transparence et la conformité des marchés concernés », font valoir les auditeurs pour ajouter que le ville de Dakar a «omis » de publier les avis d’attribution définitive sur le portail officiel des marchés publics, en violation de l’article 87 du Code des marchés publics.
Des marchés, absents de l’avis général de passation, passés
Par ailleurs, l’audit a révélé que des marchés n’ont pas été mentionnés dans l’avis général de passation des marchés publié par la ville de Dakar.
Il s’agit du marché n° F0836/23-Dk intitulé «Acquisition de matériels médicaux pour les structures sanitaires de la ville de Dakar en quatre (04) lots : Lot 1 (dispositifs médicaux) » attribué à «Afric All business group » pour un montant de 36 152 250 Fcfa ; du marché n° F1294/23-Dk intitulé «Acquisition de matériels médicaux pour les structures sanitaires de la ville de Dakar en quatre (04) lots : Lot 4 (équipements et mobiliers centre d’hémodialyse) » attribué à «Delta médical » pour un montant de 385 000 620 Fcfa ; du marché n° F0835/23-Dk intitulé «Acquisition de matériels médicaux pour les structures sanitaires de la ville de Dakar en quatre (04) lots : Lots 2 & 3 (Matériels de laboratoire et matériel dentaire) » attribué toujours à «Detla médical » pour un montant de 24 500 000 Fcfa ; du marché n° T1126/23-Dk intitulé «Travaux d’entretien et d’extension de la voirie non classée de la ville de Dakar en deux (02) lots : Lot 1 » attribué à «Kébimo » pour un montant de 1 163 895 773 Fcfa ; et du marché n° T1127/23-Dk intitulé «Travaux d’entretien et d’extension de la voirie non classée de la ville de Dakar en deux (02) lots : lot 2 » attribué à «Kounta Fall entreprise » pour un montant de 3 831 818 956 Fcfa.
Kounta Fall entreprise et le « surplus » de 2 187 361 428 Fcfa qui intrigue les auditeurs
Par ailleurs, la revue du marché n° T1127/23-Dk, intitulé «Travaux d’entretien et d’extension de la voirie non classée de la Ville de Dakar en deux (02) lots : Lot 2 », attribué à «Kounta Fall entreprise » pour un montant de 3 831 818 956 Fcfa, «soulève des questions importantes concernant le respect d’un des principes fondamentaux de la commande publique, notamment le principe d’économie », signalent les auditeurs. Selon eux, «cette attribution a engendré une perte financière pour la ville de Dakar de 2 187 361 428 Fcfa. Cette situation pourrait être due soit à une manipulation de mauvaise foi du marché, soit à une évaluation irréfléchie et mauvaise de la part de l’autorité contractante ». En effet, disent-ils, l’offre de Kounta Fall entreprise classée 4ème moins disante a été choisie pour un montant de 3 831 818 956 Fcfa. Cette offre dépasse de plus 800 000 000 Fcfa, le budget total de 3 000 000 0000 Fcfa prévu pour les deux lots confondus. Pourtant la société Kounta Fall entreprise «même si elle ne remplit pas tous les critères de qualifications définis dans le Dao a été déclaré conforme. D’ailleurs, elle a proposé pour le lot I une offre d’un montant de 1 486 426 058 Fcfa et pour le lot II une offre d’un montant de 3 831 818 956 Fcfa. La société Kébimo qui est moins disante sur les deux lots a proposé pour les lots I et II respectivement 1 163 895 773 Fcfa et 1 321 927 273 Fcfa. Le choix responsable était donc d’attribué le marché (lot 1) à Kounta Fall entreprise pour un montant 1 486 426 058 Fcfa et le marché (lot II) à Kebimo pour un montant de 1 321 927 273 Fcfa. Ce qui ferait un total de 2 808 353 331 Fcfa pour les deux au lieu de 4 995 714 729 Fcfa. Les deux lots entreraient donc dans le budget de 3 000 000 000 Fcfa prévu et cela permettrait à la ville de Dakar de réaliser une économie de 2 187 361 428 Fcfa », s’enragent les auditeurs.
Un marché de travaux attribué en toute illégalité à Adi, spécialisée dans la vente de marchandise, pour 702 ,447 millions ; deux attestations faites par des sociétés de… vente de légumes versées au dossier ; moins chère de 162,401 millions de Fcfa, Africa business center éliminée
Pour le marché N°T0518/23-Dk relatif au marché de « Travaux d’aménagement des allées Khalifa Ababacar Sy» d’un montant de 702 447 274 Fcfa, les auditeurs notent que le candidat Africa business center qui a proposé une offre de 540 046 116 Fcfa a été éliminé. Son offre était moins chère de 162 401 158 Fcfa de l’offre de l’attributaire du marché en l’occurrence l’entreprise Africaine des infrastructures (Adi). La ville de Dakar reproche au moins disant éliminé de n’avoir pas présenté deux attestations de service fait portant sur des marchés similaires. «Toutefois, l’exploitation de l’offre de l’attributaire du marché en l’occurrence Africaine des infrastructures (Adi) a permis de constater qu’il ne remplit pas non plus les critères de qualification définis dans le Dao. Le marché ne devrait donc pas lui être attribué au détriment de l’entreprise Africa business center qui a proposé une offre moins couteuse de 162 401 158 Fcfa. En effet, il était exigé des candidats, en plus d’avoir une expérience générale en marchés de travaux au cours des 10 dernières années, de fournir une ligne de crédit, de présenter des états financiers certifiés par un expert-comptable membre de l’Onecca ou organisme similaire et de fournir deux attestations de service fait portant sur des marchés similaires. Toutefois, l’entreprise Adi, attributaire du marché, n’a pas respecté les critères d’évaluation mentionnés dans le Dao. La société Adi n’a pas présenté ses états financiers certifiés par un expert-comptable membre de l’Onecca en violation des exigences du Dao ; l’attestation présentée par la société Adi n’est pas conforme à celle jointe au Dao. En effet, il est mentionné dans l’attestation que celle-ci ne constitue pas un engagement de financement et qu’elle est délivrée exclusivement pour les besoins de la soumission. La banque ne prend donc aucun engagement ferme et non révocable tandis que dans l’attestation de ligne de crédit annexée au Dao et devant être utilisée par les candidats, il est exigé que la banque prenne un engagement ferme », révèlent en autres les auditeurs qui enfoncent le clou : «La société Adi n’a fourni aucun matériel lui appartenant. Il a plutôt présenté un contrat de prélocation qu’il aurait signé avec l’entreprise Siliex Sénégal Sa. Toutefois, le dépouillement des cartes grises annexées au contrat de prélocation a permis de relever que le matériel mentionné dans le contrat n’appartient pas au cocontractant (le locataire Silex Sénégal Sa). En effet, le matériel est immatriculé au nom de Lugum distribution Suarl (qui fournira d’ailleurs les attestations de services fait que l’attributaire du marché fournira dans son dossier) ».
La Dao exigeaient aussi un chiffre d’affaires annuel moyen de 1 500 000 000 Fcfa sur les trois derniers exercices (2018-2020). «Seulement, à la lecture des états financiers du titulaire du marché, nous constatons que son chiffre d’affaires porte exclusivement sur une activité de commerce (vente de marchandises) et non de travaux », écrivent les auditeurs.
L’attributaire a aussi fourni des attestations de services faits dans la région de Louga pour respectivement des marchés de 845 356 908 Fcfa et 923 367 987 Fcfa. «Ces attestations de service fait sont faites par deux sociétés de vente de légumes et sont établies au nom de la société Adi africaine des infrastructures. Nous n’avons eu aucune explication plausible sur ce fait. Par ailleurs, en plus du fait que les deux attestations ont été délivrées à la même date du 20 mai 2020 et se ressemblent à tout point de vue, elles ont toutes les deux étés délivrées par des sociétés spécialisées dans le commerce de légume. Nous rappelons que les marchés portent sur des travaux », ironisent les auditeurs.
Par ailleurs, «la société Lugum distribution qui a établi l’une des attestations de service fait est aussi le propriétaire du matériel de transport qu’une autre société aurait loué à Adi. Toutes ces incohérences remettent en cause l’authenticité des documents présentés. En plus du manque à gagner de 162 401 158 Fcfa, le marché a été délibérément surévalué de 5 000 000 Ht soit 5 900 000 Ttc. En effet, dans le rapport d’évaluation des offres il est indiqué que le montant Htva de la rubrique «installation chantier » de 5 000 000 Htva a été omis par l’attributaire lors du calcul du total général de son offre. Toutefois, après avoir vérifié l’offre du titulaire du marché, il a été constaté que la ligne visée dans le rapport d’évaluation a été bel et bien renseignée pour un montant de 5 000 000 Htva et prise en compte pour le calcul du total général de l’offre. Cette somme a été donc ajoutée de façon délibérée. Une évaluation sérieuse et appropriée des offres des candidats aurait conduit aussi à déclarer l’entreprise titulaire du marché non conforme. Compte tenu des incohérences et des manquements relevés, elle ne devrait pas être attributaire du marché », conclut, ferme, l’audit.
Les auditeurs parlent de «préférence injuste » et de «favoritisme »
Et encore, toujours pour ce marché, bien que les lettres de notification adressées aux entreprises Kounta Fall entreprise et Africa business center soient présentes dans le dossier, seule Kounta Fall entreprise a confirmé la réception de sa lettre. Cependant, cette notification a été envoyée avant que la Dcmp ne donne son Avis de non objection (Ano) sur le rapport d’évaluation des offres et sur le procès-verbal d’attribution provisoire. L’Ano de la Dcmp a été obtenu le 23 juin 2022, indiquant que la notification a été prématurée et a enfreint les règles de procédure. La notification du marché à Kounta Fall avant l’obtention de l’Ano de la Dcmp «constitue une violation des procédures établies pour la passation des marchés publics. Cette action précipitée compromet l’intégrité du processus d’attribution et va à l’encontre des principes de transparence et de conformité réglementaire. Une telle pratique combinée avec le choix de cet attributaire qui a proposé à lui seul une offre qui dépasse très largement le budget prévu pour les deux lots pourrait être vue comme un biais ou une préférence injuste. Ce qui pourrait être aussi perçu comme du favoritisme, compromettant ainsi l’équité du processus. En plus son offre n’est même pas conforme », affirme l’audit qui a aussi révélé un défaut d’approbation de plusieurs contrats de marché. «Pour le marché n° F1294/23-Dk, le contrat a été approuvé le 16 juin 2023, soit cinq mois après l’expiration du délai de validité des offres. Cette situation est incohérente pour un marché conclu en procédure d’urgence », donne l’audit à titre d’exemples.
Plus grave, «pour les marchés n° F1863/23-Dk intitulé «Travaux d’entretien et d’extension de la voirie non classée de la ville de Dakar en deux (02) lots : Lot 1 » attribué à «Kébimo » pour un montant de 1 163 895 773 Fcfa et n° T1126/23-Dk intitulé «Acquisition de denrées alimentaires en 02 lots distincts : Lot 2 » attribué à «Sanet services Sarl pour un montant de 159 016 800 Fcfa, la ville de Dakar ne semble pas disposer des informations nécessaires pour attester d’une maîtrise adéquate de l’exécution de ces contrats. Aucune documentation sur le suivi de l’état d’avancement, la qualité des prestations ou les aspects financiers n’a été fournie ou rendue disponible pour garantir que les obligations contractuelles sont respectées et que les travaux ou acquisitions se déroulent comme prévu », renseignent les auditeurs.
Le marché pour le recrutement d’un consultant pour la réalisation des études détaillées des travaux d’aménagements des jardins et places publiques de la ville de Dakar a été aussi attribué à «Nella » pour un montant de 22 608 800 Fcfa. «Il n’a pas été possible de confirmer que le rapport porte sur ce marché, étant donné qu’il est intitulé «Étude avant-projet d’aménagements urbains et de réhabilitation de 55 jardins publics de la ville de Dakar ». L’audit n’a pas permis d’établir le lien entre ces deux projets », disent les auditeurs. Mieux, ce marché de prestation intellectuelle a été inscrit dans le Plan de passation des marchés (Ppm) après son lancement. En effet, le marché a été lancé le 6 janvier 2023, alors qu’il n’a été inscrit dans le Ppm que le 30 mars 2023. «Cette inscription tardive au Ppm semble constituer une régularisation postérieure au lancement. De plus, bien que les termes de référence indiquaient que le marché sera déroulé comme un Appel à manifestation d’intérêt (Ami), il a en réalité été conduit comme une Demande de renseignements et de prix à compétition restreinte. Cette situation peut induire en erreur les potentiels intéressés et compromettre le principe d’économie et de transparence dans la passation des marchés », selon l’audit.
Concernant toujours ce marché, le dossier ne contient aucune information permettant de procéder à une évaluation complète de l’offre. De plus, le titulaire n’a pas fourni de justificatifs concernant son expérience dans le domaine de la mission. «Il n’a pas non plus démontré que le personnel proposé correspond à celui exigé dans le Dossier de proposition (Dp). En effet, le soumissionnaire s’est limité à énumérer trois personnes dans son offre, sans fournir de Cv ni de diplômes attestant de leur spécialisation », écrivent les auditeurs qui ont aussi procédé à l’audit physique de certains marchés.
«Gestion défaillante et un gaspillage potentiel »
C’est le cas des travaux d’aménagement pour la remontée des eaux de la nappe phréatique au niveau de Bopp confiés au Gir Vision futur pour 39,127 millions de Fcfa. «Malgré le budget alloué et les travaux prétendument réalisés par la ville de Dakar, il a été constaté que les eaux continuent de remonter à la surface dans la zone concernée. Cette situation témoigne d’un problème persistant et soulève des doutes sur la qualité et l’efficacité des travaux effectués. Lors de nos investigations, les services techniques de la ville ont tenté de justifier cette situation en invoquant une intervention de l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas), qui aurait détruit une partie des travaux réalisés. Cependant, aucune preuve documentaire ou technique n’a été fournie pour corroborer cette explication. Ce manque de coordination entre les différents acteurs publics, ajouté à l’absence de suivi rigoureux des travaux, reflète une gestion défaillante et un gaspillage potentiel », dénoncent les auditeurs.
CMG, Libération

