Les douze (12) nouveaux membres de l’Office national de lutte contre la corruption (OFNAC) ont officiellement prêté serment hier, lundi 22 décembre 2025, lors d’une audience solennelle tenue à la Cour d’appel de Dakar. La cérémonie s’est déroulée sous la présidence d’Abdoulaye Ba, Premier président de la Cour d’appel de Dakar, en présence du Procureur général près ladite Cour, Mbacké Fall, ainsi que du bâtonnier de l’Ordre des avocats, Me Aly Fall, et de nombreuses autorités judiciaires et administratives.
Dans une atmosphère empreinte de gravité et de responsabilité, les nouveaux membres de l’OFNAC ont juré de remplir leurs fonctions avec indépendance, impartialité, loyauté, probité, réserve et discrétion, conformément aux dispositions de la loi n°2025-12 du 3 septembre 2025 portant création de l’Office national de lutte contre la corruption (OFNAC).
Prenant la parole, le Procureur général près la Cour d’appel de Dakar, Mbacké Fall, a rappelé l’ampleur de la mission confiée à la nouvelle équipe. S’il a reconnu l’importance de la lutte contre la petite corruption qui «gangrène les relations entre l’administration et les usagers du service public», M. Fall a surtout insisté sur l’enjeu majeur que constitue, selon lui, la «grande corruption».
«La grande bataille reste la lutte contre la grande corruption. Le développement socio-économique d’un pays s’accommode mal avec la corruption», a-t-il déclaré, assimilant cette dernière à «de véritables crimes de masse en raison de leurs effets dévastateurs sur la vie quotidienne des citoyens, souvent privés d’infrastructures et de services sociaux de qualité.»
«PERSONNE N’ECHAPPE A VOTRE CHAMP DE COMPETENCES… SI VOUS VOULEZ NETTOYER DES ESCALIERS, COMMENCEZ PAR LE HAUT»
Mbacké Fall a invité l’OFNAC à porter une attention particulière à la commande publique, «de l’Appel d’offres à l’exécution», qu’il considère comme une piste essentielle de détection des pratiques corruptives. Tout en rappelant que certaines infractions comme les fraudes fiscales, douanières ou bancaires ont été retirées du champ de compétence directe de l’Office, il a précisé qu’elles demeurent accessibles à ses enquêtes dès lors qu’elles sous-tendent des soupçons de corruption. «À vrai dire, personne n’échappe à votre champ de compétences», a-t-il martelé, avant de conclure par une métaphore forte : «Si vous voulez nettoyer des escaliers, commencez par le haut.»
Dans son allocution, le Premier président de la Cour d’appel de Dakar, Abdoulaye Ba, a souligné le caractère solennel et engageant de la prestation de serment. «La prestation de serment n’est point une formalité mais un engagement profond à accomplir la noble mission de prévention et de lutte contre la corruption», a-t-il affirmé.
Revenant sur la genèse de l’OFNAC, il a rappelé qu’elle s’inscrit dans les engagements internationaux du Sénégal, notamment la Convention des Nations Unies contre la corruption (Convention de Mérida) et la Convention de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption.
«VOUS N’AVEZ PAS LE DROIT D’ECHOUER»
S’adressant directement aux nouveaux membres de l’OFNAC, M. Ba a insisté sur la diversité et la qualité de leurs profils : magistrats, professeurs agrégés, administrateurs civils, experts et acteurs de la société civile issus d’un processus de sélection rigoureux, par appel à candidatures.
«Eu égard à vos parcours et expériences professionnelles, vous n’avez pas le droit d’échouer», a-t-il lancé, tout en rendant un hommage appuyé aux magistrats membres de l’OFNAC pour leur compétence, leur intégrité et leur sens du devoir. Pour le Premier président, réussir dans cette mission est «un devoir» envers la nation toute entière.
NECESSITE DE PRESERVER LA CONFIDENTIALITE DES TRAVAUX DE L’OFNAC ET, SURTOUT, LA PRESOMPTION D’INNOCENCE
Le bâtonnier de l’Ordre des avocats, Me Aly Fall, a, pour sa part, axé son intervention sur la nécessité de préserver la confidentialité des travaux de l’OFNAC et, surtout, la présomption d’innocence. Dans un contexte marqué par la montée en puissance des réseaux sociaux et du numérique, il a mis en garde contre une tendance inquiétante à la «présomption de culpabilité». «À chaque fois qu’on entend l’accusation, veillons aussi à entendre la défense», a-t-il rappelé.
Me Aly Fall a également souligné la complexité extrême des infractions financières et de corruption, souvent commises par des acteurs hautement qualifiés, experts en droit ou en finance. Cette réalité, selon lui, «exige une expertise pointue, notamment dans la collecte des preuves, rendue difficile par les stratégies sophistiquées de dissimulation mises en œuvre par les auteurs de ces délits.»
Tout en réaffirmant l’engagement du Barreau à accompagner la lutte contre la corruption, il a précisé que «les avocats resteront également en face pour veiller au respect des droits de la défense, condition indispensable à la crédibilité et à l’efficacité de toute procédure.»
Instituée par la nouvelle loi n°2025-12 du 03 septembre 2025 portant création de l’Office national de Lutte contre la Corruption (OFNAC), le nouvel organe de contrôle de l’Etat introduit plusieurs innovations majeures. Elle exclut désormais les missions d’audit et de lutte contre la fraude des attributions de l’OFNAC, garantit la libre publication des rapports émanant des corps et institutions de contrôle, de vérification et d’inspection…
Ousmane GOUDIABY

