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Multiplication des litiges : Mbour, une bombe foncière

par pierre Dieme
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Le département de Mbour est miné par des problèmes fonciers. Entre les projets de l’Etat, les attributions illégales, la gestion nébuleuse et les délibérations contestées, la Petite-Côte est devenue une vraie «bombe». Elle peut éclater à tout moment vu l’enjeu économique que constitue le département. Aujourd’hui, des mouvements citoyens naissent dans chaque commune pour prendre en charge cette question. Le Quotidien fait la cartographie des dossiers fonciers les plus brûlants sur la Petite-Côte.

Assis sur des potentialités économiques énormes grâce à son tourisme balnéaire et l’Aéroport international Blaise de Diagne de Diass, le département de Mbour est devenu une poudrière. Partout, la colère des populations gronde comme une foudre qui menace de s’abattre à cause du «bradage» de leurs terres et d’une spoliation foncière dans certaines communes. De Diass à Joal, même si les problèmes fonciers n’ont pas les mêmes contours, la constante reste la même : les autorités et les administrés ne parlent plus le même langage. Dans la majeure partie des cas, ce sont des investisseurs qui viennent pour exploiter des hectares mis en jachère par des villageois qui ont vécu dans la quiétude jusqu’à l’érection de l’Aibd.
Son avènement a précipité plusieurs hommes d’affaires et des multinationales dans la zone qui a un attrait fulgurant. Cette situation déclenche souvent une rude et farouche opposition entre les représentants de l’Etat et les populations qui leur opposent une résistance, souvent même violente au risque d’ameuter les Forces de l’ordre.
Aujourd’hui, Diass, une commune virtuelle, étouffée par les projets de l’Etat. En venant de Dakar sur la Rn, la commune de Diass est la porte d’entrée du département de Mbour mais aussi du Sénégal avec l’Aibd. Mais depuis l’implantation de cet aéroport dans cette commune, la population, au lieu d’en tirer profit, souffre, elle risque même d’être une étrangère à cause de son territoire qui a été morcelé par l’Etat au profit de ces nombreux projets qui ont fini de bloquer l’extension de la commune sur les quatre côtés.

Ça «Diass» partout !
Ceci n’a pas manqué d’engendrer des conflits et la dernière en date remonte à la mi-septembre 2021. C’était à Diass où les jeunes du quartier Sakirack sont sortis massivement pour interdire des travaux de terrassement dans la seule partie capable de permettre une extension du quartier tenaillé entre la Rn, l’Aibd et la Zone économique spéciale. Il s’agit de la zone économique spéciale d’une superficie de 708 ha immatriculés au nom de l’Apix. Le maire avait adressé un courrier à cette dernière pour qu’elle puisse rétrocéder 31 ha à la commune pour permettre l’extension du village. Elle n’a pas obtenu gain de cause alors que la société avait affecté 5 ha à un investisseur, qui voulait faire un terrassement pour commencer à installer son unité de production. Il s’en est suivi une révolte populaire, qui a provoqué l’arrestation de 23 personnes. Elles ont été relaxées par le juge des flagrants délits du Tgi de Mbour.
Ce dossier est la dernière actualité qui défraie la commune de Diass. Selon Moussa Sène, représentant le Collectif pour la défense des impactés du Pôle Daga-Kholpa, le problème de Sakirack est l’arbre qui cache la forêt. «On peut citer le pôle urbain Daga-Kholpa qui prendra sur les terres des cultivateurs, 2870 ha, les 4000 ha de Ngosseh dans le village de Tchiky qui oppose l’Aibd et la population, il y a également le problème du futur port de Ndayane qui va prendre la moitié de l’assiette foncière de la commune et qui va nécessairement impacter des villages comme Mbayard, Samkedji, Raffo», dit-il. Affecté par cette situation, il poursuit : «Après ces premiers cas, il y a aussi les 55 ha de Boukhou concernant un lotissement administratif qui nuit à toute la population, ensuite le centre d’enfouissement technique qui devait retourner à la population après l’échec du projet et qui malheureusement est pillé par des individus. L’autre problème c’est celui des gros porteurs à côté de Kandam. Un projet qui a été certes transféré à Diamniadio mais la population réclame toujours l’espace depuis lors, en plus des 31 ha que les habitants Sakirack demandent pour en faire une extension de leur quartier.»
Cet inventaire des conflits établi par représentant du Collectif pour la défense des impactés du Pôle Daga-Kholpa prouve le mal-vivre des populations. Diass est devenue «une commune virtuelle où il n’y a plus de terres pour habiter et pour cultiver». «On ne peut pas comprendre les autorités locales. On ne peut pas comprendre des projets comme le port de Ndayane dont la moitié de l’espace appartient à la commune de Diass et jusqu’à présent personne ne peut te donner une explication claire», fustige M. Sène.
C’est le même écho dans la commune de Sindia limitrophe de Diass. Il y avait évidemment le dossier de l’homme d’affaires Babacar Ngom, qui a attisé la colère de certains villageois. Mais, les problèmes fonciers latents sont très nombreux. Seydina Diouf, responsable du Collectif And aar commune de Sindia, dresse un tableau noir de conflits : «il y a aussi le problème des 90 ha qu’on a donné dans le village de Kiniabour à un promoteur sans aucun fondement, sauf si ce n’est pour une recherche d’argent. Le problème qui suit, c’est celui de Ndombo 1 et Ndombo 2 qui sont à Guéreo un vrai scandale. Dans ce village, ils ont bradé tout l’espace qu’il restait à la population», déplore Seydina Diouf. Quel est le modus operandi ? «Ce qui est grave dans ce qu’ils font, s’ils doivent délibérer 150 ha, ils mentionnent plus que cela. Par exemple, ils prennent 190 ha pour ensuite reprendre les 40 ha de plus qu’ils morcellent pour revendre les terrains, ou bien ils les livrent à un investisseur dans des conditions nébuleuses», détaille M. Diouf. Cette commune figure parmi les collectivités locales où il y a plus de litiges fonciers. «Il y a aussi les 556 ha dans la forêt classée de Bandia. La mairie a profité du programme des 100 mille logements sociaux du Président pour lui demander de déclasser la forêt. En réalité, c’est pour leurs propres intérêts financiers», enchaîne Seydou Diouf. Ce n’est pas tout : «il y a quelque chose de très grave qui se passe à Sindia. Puisqu’ ils ont tout morcelé, ils sont en train de vendre des espaces prévus pour abriter des rues, des cimetières et des espaces publics. Ceux qui le font sont des conseillers et des anciens conseillers», avertit Seydina Diouf. Selon lui, les investissements provenant de ce bradage foncier ont un but bien précis : «C’est uniquement pour remplir les comptes bancaires des spoliateurs, leur permettre de prendre de secondes épouses et d’acheter de nouvelles voitures au grand dam de la population qui broie du noir.»

Par Alioune Badara CISS

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