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dimanche, avril 28, 2024
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Les transitions sans fin

par pierre Dieme

L’attitude des militaires au Mali et en Guinée confirme qu’il n’y a pas de putsch vertueux. Les putschistes sont dans les deux pays, en train de s’enfermer dans un pari pascalien à l’envers : à tous les coups, ils perdent

Les masques commencent à tomber à Bamako et à Conakry, avec des militaires qui veulent une transition de cinq ans, l’équivalent d’un mandat présidentiel au Mali et une transition sans date de fin en Guinée. Les hommes politiques qui croyaient pouvoir manipuler les militaires en les utilisant comme voitures-béliers en auront pour leurs frais, parce que les militaires dans ces pays ont leur propre agenda : rester le plus longtemps possible au pouvoir. L’attitude des militaires au Mali et en Guinée confirme qu’il n’y a pas de putsch vertueux.

En 1999, En Côte d’Ivoire quand le Général Robert Guei renversa Bédié, alors que le pays était au bord la guerre civile à cause de la bombe de l’ivoirité, il avait promis de balayer la maison et partir. Après avoir balayé, il prit goût au pouvoir et voulut s’installer. Le reste est connu sous un tube de Tiken Jah Fakoly, Le balayeur balayé, car Guei finit par être emporté par le politicien boulanger Laurent Gbagbo, qui va l’enfariner selon ses propres mots. En democratie, une transition se doit d’être courte, parce qu’en democratie, la plus grande légitimité est élective et une transition de cinq ans comme le veulent les militaires maliens, pose incontestablement des problèmes de légitimité politique.

Une transition sans fin pose aussi un problème de légitimité. La situation du Mali est beaucoup plus grave que celle de la Guinée, qui a disparu des radars de l’histoire et de la politique internationale depuis la mort depuis Sékou Touré. Mais aussi bien qu’en Guinée qu’au Mali, les intrigues des militaires sont vouées à l’échec pour trois raisons. Premièrement, ils n’ont pas les forces sociales de leurs projets politiques, car ils confondent les courtisans, des politiciens adeptes du «soutien mercenaire» comme aurait dit le politologue Sandbrook et les forces sociales. Deuxièmement, la classe politique traditionnelle, qui pensait instrumentaliser, manipuler les militaires et les utiliser comme marchepieds pour accéder au pouvoir, vont se ressaisir rapidement et engager le combat politique. Troisièmement, nous ne sommes plus dans un contexte de guerre froide avec l’Afrique comme enjeu stratégique, qui pouvait justifier qu’un coup d’Etat avait automatiquement le soutien de l’Occident s’il était présenté comme un rempart contre l’avancée communiste.

D’ailleurs, l’intransigeance de la Cedeao envers les deux pays montre que le monde a changé. Autant de facteurs qui font que les putschistes au Mali et en Guinée sont en train de s’enfermer dans un pari pascalien à l’envers : à tous les coups, ils perdent. Ce qui est grave pour le Mali, c’est que depuis le début de la crise, le temps joue en faveur des jihadistes. Le temps est l’allié le plus puissant des jihadistes et les scissiparités politiciennes à Bamako, leur plus grand avantage militaire.

L’urgence pour le Mali est de retrouver rapidement un pouvoir suffisamment légitime qui seul, pourra s’appuyer sur l’honneur bafoué du Mali et son immense orgueil pour remobiliser la Nation et surtout l’Armée, pour la survie du Mali. «Un homme d’Etat, c’est du caractère et des circonstances exceptionnelles.» Le Mali a les circonstances exceptionnelles, mais a un manque cruel d’hommes d’Etat de la trempe de Modibo Keïta. Le Mali a besoin de militaires qui ont le sens de l’Etat et de l’histoire comme Moustapha Kemal Atatürk, un général qui a sauvé son pays d’un dépeçage occidental à la fin de l’empire ottoman ; pas de militaires politiques qui instrumentalisent l’orgueil national pour se maintenir au pouvoir et sauvegarder leurs prébendes.

Quel dommage qu’un si grand pays avec une si grande histoire, se retrouve entre les mains de colonels qui ont si peu le sens de l’histoire, comme les colonels grecs qui en 1967, ont fait un coup d’Etat au berceau de la démocratie sous prétexte de vouloir freiner l’avancée communiste. Les colonels au pouvoir au Mali ne pourront même pas invoquer le prétexte d’arrêter l’avancée islamiste car c’est parce que les meilleurs d’entre eux sont planqués à l’arrière, dans la politique à Bamako, que les islamistes avancent.

Yoro Dia

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