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vendredi, avril 19, 2024
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Le Sénégal, une dictature ou non ? Explications

par pierre Dieme

On entend régulièrement les membres du pouvoir et ceux qui communiquent pour eux affirmer que le Sénégal est un état de droit et une grande démocratie. Souvent c’est pour répondre à l’opposition ou à certains observateurs qui déplorent que le Sénégal ait basculé vers une dictature sous la présidence de Mr Macky Sall.

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Peut-on classer le Sénégal au rang des pays sous dictature ? Pour y répondre, il faut reprendre les critères qui définissent une dictature, et voir si l’on retrouve ces situations dans le cas du Sénégal.  On va s’atteler à démontrer si le Sénégal a basculé vers une dictature ou non.

Définition de la Dictature. La Dictature est un modèle de gouvernement dans lequel tous les pouvoirs sont concentrés sur un individu ou sur une élite. Il faut préciser qu’une dictature peut avoir des lois, des institutions, des députés élus, mais qui ne représentent pas vraiment des contre-pouvoirs. Une dictature est caractérisée par 10 situations relevées ci-après : 

1° Un gouvernement de fait

2° Absence de séparation des pouvoirs

3° Concentration du pouvoir aux mains d’une élite

4° Non-respect de la loi

5° Suspension de l’état de droit

6° Suppression ou manipulation des élections

7° Contrôle et censure des médias

8° Censure des partis politiques

9° Répression de l’opposition

10° Durée indéterminée du gouvernement au pouvoir

Chacune de ces situations nous rappelle quelque chose si l’on vit au Sénégal. Entrons cependant dans les détails pour une démonstration plus pointue, en définissant chacun des critères, ensuite en faisant une corrélation avec le Sénégal.

1° UN GOUVERNEMENT DE FAIT.

Définition.

Les dictatures sont des gouvernements de facto, ne jouissant pas d’une véritable légitimité politique. Cela peut se produire de deux manières : 1° En raison de l’occupation illégale du gouvernement —– Ou —–  2° À la suite d’un coup d’État

Dans le cas du Sénégal.

Le Sénégal entre parfaitement dans ce cas. Tout le monde se souvient que Mr Macky Sall s’est livré à un « coup d’état constitutionnel » pour se maintenir au pouvoir après 2019. Tous les actes anti-démocratiques y sont passés : Domestication du Conseil Constitutionnel – Tripatouillage du Code Electoral – Torchonnisation de la Constitution – Organisation d’une sélection présidentielle en lieu et place d’une élection présidentielle – Emprisonnement des 2 candidats les plus menaçants – Elimination de 19 autres candidats par l’instrumentalisation du Conseil Constitutionnel – Annonce avant les institutions habilitées du nombre de candidats et des résultats du scrutin

Ce n’est donc ni plus ni moins qu’une confiscation du pouvoir et un gouvernement de fait qui dirige le Sénégal depuis 2019.

Un gouvernement installé à la suite d’un « Coup d’Etat Constitutionnel » est dans certains cas plus illégitime qu’un gouvernement issu d’un « Coup d’Etat armé » car il arrive souvent qu’un coup d’état armé soit salué par les populations qui n’en pouvaient plus d’un gouvernement trop totalitaire.  

2° ABSENCE DE SEPARATION DES POUVOIRS

Définition.

La séparation des pouvoirs n’existe pas dans les régimes dictatoriaux. Elle est, soit éliminée ouvertement, soit bannie par le contrôle totalitaire de toutes ses instances.

Dans le cas du Sénégal.

Tout le monde constate que Macky Sall exerce un contrôle totalitaire de toutes les instances, de toutes les institutions.

Concernant le Pouvoir Législatif. L’Assemblée Nationale revendique elle-même d’être au service du Président et de son gouvernement. Les 12ème et 13ème législatures ont refusé tout contrôle de l’action gouvernementale, ont refusé tout débat sur les propositions de loi venant de l’Exécutif. Durant la 13ème législature (2017 – 2022), sur les 153 lois passées à l’Assemblée Nationale, les 148 sont des projets de loi issus de Mr Macky Sall, et elles ont toutes été adoptés. Seules 5 propositions de loi ont été issues des députés, les 4 qui étaient au profit des populations ont été rejetées, une seule a été adoptée et elle ne concernait que le règlement intérieur de l’Assemblée.

Concernant le Pouvoir Judiciaire. Le régime de Mr Macky Sall ne s’embarrasse même plus de mettre les formes pour montrer qu’il le contrôle entièrement, qu’il en oriente le calendrier à sa guise, qu’il lui dicte les verdicts et délibérés. Les membres de l’APR / BBY l’avouent d’ailleurs avec arrogance.  –   On peut juger et condamner un opposant menaçant en 1ère instance et en Appel en 45 jours avec exactement la peine requise pour le rendre inéligible.  –  On peut bloquer toute forme d’enquête sur une vingtaine de manifestants assassinés au grand jour.  –   Le Président peut déclarer publiquement qu’il a mis le coude sur des dossiers judiciaires, ou que c’est lui qui décide à la place des procureurs par l’intermédiaire de son Ministre de la Justice.

Le Conseil Constitutionnel est au service exclusif de Mr Macky Sall qui en nomme les membres. Cette institution n’a pas hésité à se rendre ridicule lors des législatives 2022 en validant une liste de suppléants sans liste majoritaire, et vice versa, dans l’unique but d’éviter la suppression de la liste de la coalition au pouvoir.

La Cours Suprême, la Cour de Cassation, sont suffisamment démontré qu’elles sont au service exclusif de celui qui en nomme les dirigeants. Toutes leurs décisions sont au bénéfice du pouvoir.

3° Concentration des pouvoirs aux mains du dictateur ou d’une élite

Définition.

Signifie que le pouvoir est totalement concentré sur le dictateur et une élite privilégiée qui traine sous sa direction.

Dans le cas du Sénégal.

Qui ne voit pas Mr Macky Sall et Benno Bokk Yakkar dans cette description ? Le pouvoir n’est pas seulement concentré aux mains du Président, mais aussi aux mains de sa famille, de sa belle-famille, de ses amis.

4° NON-RESPECT DE LA LOI

Définition.

Les décisions dans les régimes dictatoriaux sont prises de manière arbitraire, ignorant ouvertement le cadre juridique et le principe de la séparation des pouvoirs. Le dictateur ou l’élite dirigeante agit dos à la loi ou adopte des lois accommodantes pour se perpétuer au pouvoir.

Dans le cas du Sénégal.

Qui ne voit pas le Sénégal dans cette description ? Mr Macky Sall vient encore de le démontrer durant l’ouverture du Dialogue National. Parlant du 3ème mandat, au diable la Constitution qui la lui interdit, il affirme qu’il est le seul qui décide de l’exercer ou non, et que si l’on souhaite qu’il y renonce, il faudra le supplier à genoux.

Mr Macky Sall peut faire séquestrer un adversaire politique et sa famille chez lui sans aucune décision de justice  –  il peut faire venir de force un adversaire politique à un procès auquel il a pourtant le droit de se faire représenter par ses avocats  –  Il peut faire arracher arbitrairement ses téléphones et ordinateurs à un adversaire politique  –  On peut juger et condamner un opposant sans le convoquer au tribunal  –  Le Conseil Constitutionnel peut valider une équipe de suppléants sans titulaires, et vice-versa – On peut décider que le rabat d’arrêt n’est pas suspensif dans le cas d’un opposant – Etc….

5° SUSPENSION DE L’ETAT DE DROIT.

Définition.

Dans un régime dictatorial, il n’y a pas d’État de droit, c’est-à-dire le respect du principe selon lequel tous les citoyens de la nation, y compris l’élite dirigeante, sont égaux devant la loi et doivent y répondre. Par conséquent, pour se maintenir dans le temps, les dictatures suspendent toutes sortes de garanties constitutionnelles, déclarées ou non

Dans le cas du Sénégal.

Qui ne voit pas le Sénégal dans cette description ? En 11 années de gouvernance, des centaines de carnages financiers ont été répertoriés, mais ZERO sanction, ZERO membre de l’élite dirigeante inquiété. Même lorsque la justice a essayé de faire son travail dans le cas de Seydina Fall Bougazelli, qui a fait des aveux filmés, dont le crime commis est punissable de 20 à 30 ans de réclusion criminelle, il a été sorti de prison après une très courte détention et ne sera jamais jugé sous Mr Macky Sall  –  Un membre du pouvoir a écrasé un conducteur de moto, le tuant, sans faire 24 heures de prison  –  Le fils d’une ministre a conduit sans permis et a écrasé un personne, il n’a pas fait 24 heures de prison.

A contrario, des milliers de membres de l’opposition politique, principalement du parti PASTEF, sont emprisonnés sans raison, pour des faits ou des écrits ou des paroles dont aucun ne mérite ne fusse qu’un blâme ou une amende.  –   Certains sont tués pour avoir exercé leur mécontentement.  –   D’autres sont torturés à mort pour avoir refusé d’enfoncer Ousmane Sonko. –   Toute plainte venant de l’opposition n’est pas instruite par la justice   –  Toute plainte contre un membre de l’opposition bénéficie de toutes les diligences de la justice et les peines très lourdes

6° SUPPRESSION OU MANIPULATION DES ELECTIONS

Définition.

Le dictateur et son élite s’attribuent la capacité d’interpréter les besoins du peuple ou simplement d’agir en dehors de celui-ci. En ce sens, les élections sont supprimées ou manipulées pour garantir le maintien de l’élite dirigeante au pouvoir.

Dans le cas du Sénégal.

Qui ne voit pas le Sénégal dans cette définition ? Mr Macky Sall choisit seul l’organisateur des élections, les arbitres des élections, les observateurs, le nombre de candidat   –  Il décide seul du contenu final du code électoral selon ses désidératas  –   Quand ça l’arrangeait il a fait reculer les élections locales de 2 ans  – Quand ça lui chante il décide d’interpréter autrement l’article 27 de la constitution, au diable la volonté du peuple exprimée au travers du référendum de 2016.

7° CONTROLE ET CENSURE DES MEDIAS

Définition.

Dans les régimes dictatoriaux, le gouvernement exerce un contrôle et une censure sur les médias et/ou les réseaux sociaux, ce qui implique la suppression de la liberté d’opinion et de la presse.

Dans le cas du Sénégal.

Qui ne voit pas le Sénégal dans cette définition. Au moment où ces lignes sont rédigées, début Juin 2023 : Des restrictions sur l’accès à l’internet ont été imposées à la population – L’internet mobile a été coupé – Les réseaux sociaux ont été suspendus – La télévision Walf TV a été coupée pour une énième fois et les signaux du groupe ont été suspendus – La télévision SEN-TV  a été coupée récemment – Tous les groupes de presse ont été menacés de suspension si ils reportaient la réalité des exactions sur le terrain – Sept journalistes ont été emprisonnés les 5 derniers mois sans avoir commis le moindre délit – Près des 100 prisonniers politiques, prisonniers d’opinion, manifestants sont détenus et torturés dans les prisons ou les violons

8° CENSURE DES PARTIS POLITIQUES

Définition.

Dans les régimes dictatoriaux, les partis politiques sont considérés comme des menaces, car ce sont des formes d’organisation et de représentation populaire. Par conséquent, les partis sont souvent interdits et exercent clandestinement leurs activités. Dans les régimes hybrides, les partis ne sont pas interdits, mais ils sont persécutés et intimidés.

Dans le cas du Sénégal.

Qui ne voit pas le Sénégal dans cette définition ? Si Mr Macky Sall n’avait pas trouvé le multipartisme en 2012, il ne l’aurait pas institué  –  Avec lui quand un parti est créé par un opposant trop critique, il peut courir des années derrière un récépissé, à l’image de « Les Guelewar » de Babacar Diop, ou de PJ2D de l’ancien Procureur Alioune Ndao  –  La très grande majorité des manifestations pacifiques de l’opposition sont interdites – De simples réunions de l’opposition ont été interdites comme celle du F24 ce 31 Mai 2023 – Le siège privé du parti PRP de Déthié Fall a été bloqué à maintes reprises pour en interdire l’accès aux opposants – Le siège du Grand Parti de Malick Gakou l’a été récemment.

9° REPRESSION DE L’OPPOSITION

Définition.

Pour rester au pouvoir, les régimes dictatoriaux censurent toutes les formes d’opposition et perçoivent toute critique comme une menace à leur continuité. Par conséquent, dans les régimes dictatoriaux, la persécution politique, la torture et la disparition de citoyens sont monnaie courante.

Dans le cas du Sénégal.

Qui ne voit pas le Sénégal dans cette définition ? Mr Macky Sall a affirmé publiquement qu’il va réduire l’opposition à sa plus simple expression. Il a donc criminalisé son opposition la plus menaçante. Les membres du parti le plus menaçant du moment sont intimidés et persécutés. –  Au début du 1er mandat de Mr Macky Sall, c’est le PDS et ses membres qui étaient persécutés et jetés en prison.  –   Vers 2015, c’est Taxawou Dakar qui était persécuté et son leader jeté en prison.  –    Depuis 2019, c’est le parti PASTEF et son leader qui sont persécutés comme jamais un autre parti ou un autre leader dans l’histoire du Sénégal. Tout leur est interdit, même les droits les plus élémentaires

Les critiques et les appels à la résistance sont perçues comme des menaces. Ils sont grossièrement qualifiés d’appels à l’insurrection, d’atteinte à la sécurité de l’état, de discrédit sur les institutions, d’offense au chef de l’état, de diffusion de fausse nouvelle, etc…

La torture a été banalisée. Certains opposants et activistes se sont même plaints d’électrocution des testicules. François Mancabou a subi les pires tortures jusqu’à ce que mort s’ensuive selon sa famille.

Des citoyens disparaissent. C’est le cas de Fulbert Sambou et Didier Badji, dont l’un a été retrouvé mort. Et d’après un responsable du pouvoir (Ameth Suzanne Camara), ils ont été tués de par les liens avec l’opposition qui leur sont prêtés.

Les manifestations sont réprimées à balles avec l’usage de balles réelles, avec l’aide de milices tueuses. Les morts se comptent par dizaines, les blessés par centaines, les arrestations par centaines.

10° DUREE INDETERMINEE DU GOUVERNEMENT AU POUVOIR

Définition.

Les régimes dictatoriaux ont une durée indéfinie. En d’autres termes, ils ne sont pas conçus pour faire place à une nouvelle génération politique, mais plutôt pour demeurer à l’exercice du pouvoir le plus longtemps possible. Pour cette raison, les régimes dictatoriaux sont souvent renversés par une révolution armée ou civile.
Cependant, il y a eu des cas dans l’histoire, dans lesquels des dictatures sont sorties « pacifiquement » du pouvoir, mais elles ont souvent été soumises à la pression du secteur militaire ou populaire

Dans le cas du Sénégal.

Qui ne voit pas le Sénégal dans une partie de cette définition ? Alors que la constitution est très claire sur la limitation des mandats à 2, et qu’elle a même été davantage verrouillée dans le cadre du référendum de 2016, le président en exercice Mr Macky Sall affirme qu’il peut aller au-delà selon sa seule volonté  –  Certains membres de l’élite complice affirment que le Président a le droit de conserver le pouvoir à vie.   –    A 8 mois de la fin de son dernier mandat, Mr Macky Sall affirme que lui seul décidera s’il cèdera le pouvoir ou pas à quelqu’un d’autre en 2024.

CONCLUSION.

Le Sénégal répond à l’ensemble des 10 critères est donc bel et bien une dictature, et pas des moindres. Feu Sidy Lamine Niasse avait vu juste. Le Sénégal de 2019 à 2024 peut être classé dans la catégorie des dictatures de ce monde.

La différence entre le dictateur qui dirige le Sénégal, et les dictateurs des autres pays tels que la Russie, la Corée du Sud, etc…, c’est que ces dirigeants mettent tout de même en avant la préférence nationale, l’intérêt de leur population avant celui des étrangers. Au Sénégal c’est malheureusement l’opposé.

Boubacar SALL

E-mail : boubacarsall369@hotmail.com

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