Dans une séance plénière marquée par des débats nourris autour de la transparence et de la gouvernance, les députés de la 15e législature ont adopté deux textes majeurs : le projet de loi n°13/2025 instituant le statut et la protection des lanceurs d’alerte, et le projet de loi n°14/2025 relatif à l’accès à l’information. Ces réformes traduisent une volonté politique affirmée de renforcer la lutte contre la corruption et de consolider le droit des citoyens à être informés.
Une loi inédite pour protéger et valoriser les lanceurs d’alerte
Le projet de loi n°13/2025 consacre pour la première fois au Sénégal un cadre juridique complet en faveur des lanceurs d’alerte. Ceux qui signalent des faits de corruption, de détournement ou de fraude sont désormais couverts par plusieurs garanties :
- Protection intégrale contre les représailles : licenciement, rétrogradation, baisse de salaire, intimidation ou harcèlement sont interdits. La protection s’étend même à la famille proche du lanceur d’alerte.
- Anonymat garanti : le signalement peut être fait de manière anonyme, et seule la justice, avec accord de l’intéressé, peut accéder à son identité.
- Récompense financière : une prime de 10 % des montants récupérés grâce au signalement est prévue, le reste étant affecté à un Fonds spécial dédié au financement de projets sociaux.
- Immunité en cas de participation : toute personne impliquée dans des faits de corruption peut bénéficier d’une seconde chance si elle se dénonce avant l’ouverture d’une enquête et restitue l’intégralité des sommes perçues.
- Immunité pénale et civile pour la collecte de preuves : aucune poursuite n’est possible si le lanceur d’alerte soustrait des documents pour appuyer son signalement.
En outre, toutes les administrations publiques et entreprises privées devront mettre en place un système interne de réception et de traitement des alertes, garantissant l’indépendance du processus.
L’accès à l’information reconnu comme droit fondamental
Le projet de loi n°14/2025, également adopté ce 26 août, consacre un droit universel et encadré d’accès à l’information publique. Ce droit est ouvert à toute personne physique résidant légalement au Sénégal et à toute personne morale régulièrement établie dans le pays.
Les assujettis à cette obligation sont nombreux : l’ensemble des institutions de la République, les collectivités locales, les administrations, mais aussi les entreprises privées bénéficiant d’un soutien public ou exerçant une mission de service public.
Les principales innovations de la loi sont :
- Procédure simplifiée : une requête écrite (ou orale pour les personnes ne sachant ni lire ni écrire) suffit pour déclencher la procédure.
- Délais stricts : réponse immédiate si possible, ou dans un maximum de 8 jours, extensibles à 15 jours avec justification. En cas d’urgence, l’administration doit s’adapter à la situation.
- Gratuité du droit d’accès : seules les charges réelles de reproduction ou de transmission peuvent être facturées.
- Exclusions précises : certaines informations restent protégées (secret défense, secret médical, secret commercial, délibérations du gouvernement, instruction judiciaire en cours, etc.).
- Recours possibles : tout refus doit être motivé, et le citoyen peut saisir la Commission nationale d’Accès à l’Information (CONAI), une autorité administrative indépendante de 12 membres.
- Sanctions dissuasives : de 500 000 à 10 millions FCFA d’amende pour toute personne ou entité refusant sciemment de communiquer une information communicable.
La loi impose également aux administrations de publier régulièrement certaines informations sur leurs sites web, de former leurs agents et de mettre en place des comités de suivi pour garantir l’effectivité du dispositif.
Une avancée décisive pour la gouvernance
Avec ces deux lois, le Sénégal franchit un cap important dans la mise en place d’instruments juridiques destinés à renforcer la confiance entre l’État, les institutions et les citoyens. L’une protège et encourage ceux qui dénoncent les pratiques frauduleuses, l’autre consacre un droit fondamental d’accès à l’information, condition essentielle d’une gouvernance ouverte et participative.
Ces réformes, saluées par plusieurs acteurs de la société civile, devraient contribuer à une gestion publique plus responsable et transparente, tout en offrant aux citoyens de nouveaux outils pour participer activement à la vie démocratique.
RTS