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jeudi, avril 25, 2024
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La 3ème candidature et la Constitution

par pierre Dieme

Dans une république, la légalité et donc la recevabilité d’une candidature à l’élection présidentielle, ne peut pas se puiser ailleurs que dans la Constitution.

La Constitution est le pacte par lequel une nation manifeste sa souveraineté en définissant, librement, les modalités de dévolution et d’exercice du pouvoir politique. C’est par la Constitution que le Président de la République est investi de responsabilités d’intérêt supérieur de la Nation.

Donc, la possibilité d’une 3ème candidature du Président Macky Sall, ne peut s’examiner que sous l’éclairage de la Constitution.

Dans un pays, si le code de vie n’est pas conditionné par la loi, il ne peut y avoir ni société politique, ni État démocratique. Il ne peut même pas y avoir de paix.

Au Sénégal, la limitation des mandats présidentiels à deux existait dans la Constitution bien avant l’arrivée du Président Macky Sall au pouvoir, et cette limitation a été verrouillée par la Constitution du 22 janvier 2001, dont l’article 27 alinéa 2 dispose que

« la limitation des mandats présidentiels à deux ne peut être modifiée que par voie référendaire ».

Mais, sachant qu’il n’y a pas de marque visible entre l’opinion et la vérité, certains tentent de s’attirer les grâces de Peïtho, la déesse de la persuasion, pour user de supercheries intellectuelles, aux fins d’orienter l’opinion et la camper sur l’article 27 alinéa 1 et 2 pour semer la confusion et amener les profanes à soutenir de bonne foi, que la non rétroactivité est applicable au profit de leur leader.

Pourtant, dans l’un de ses discours prononcé en 2017, le Président Macky Sall avait bien rappelé que la limitation des mandats présidentiels a été introduite dans la Constitution bien avant son accession au pouvoir.

Mais, le plus édifiant est qu’en 2008, alors que Macky Sall était le Président de l’Assemblée Nationale, les députés avaient eu à se prononcer sur le sens et la portée de la limitation du nombre de mandats présidentiels.

En effet, lors de la séance plénière pour l’adoption de la loi constitutionnelle de 2008, il a été écrit et dit ce qui suit :

« La limitation du nombre de mandats a toujours été source de tensions dans notre pays, et l’artifice juridique pour aller à l’alternance était de limiter le nombre de mandats à deux.

L’esprit qui a présidé à l’élaboration de l’article 27 alinéa 2 de la Constitution de 2001 concernait le nombre de mandats.

Telle est la volonté du constituant qui voulait faire échec à toute modification de la limitation des mandats par voie parlementaire et nous préserver ainsi d’une République bananière ».

Quant au Ministre d’Etat Madické Niang, représentant du Gouvernement à cette séance plénière, il avait précisé que :

« L’article 27 de la Constitution du 22 janvier 2001 a marqué une rupture importante avec la volonté du constituant, exprimée d’une manière non équivoque, d’imposer la voie référendaire pour toute révision visant à renouveler, plus d’une fois, le mandat présidentiel.

Le recours au référendum constitue ainsi un verrou pour tout élu qui serait tenté de conserver le pouvoir après un second mandat ».

En tout cas, pour notre part, nous ne pouvons pas nous résoudre à penser qu’ayant naguère présidé la séance plénière dont il est question ci-dessus, et initié la révision

constitutionnelle de 2016 pour rendre intangible la limitation des mandats présidentiels à deux, le Président Macky Sall, qui a été élu sous l’empire de la Constitution de 2001, soit celui qui va réduire notre démocratie, tant chantée, en ce que Balandier appelle trivialement « la théâtrocratie dans les pays d’Afrique », ni celui qui va transformer la République que lui ont transmis ses prédécesseurs en une République bananière !

Ce serait dommage pour lui, s’il tombait sous l’emprise de ces individus qui ont l’art de transformer le verbe en un venin émollient qui endort la raison.

Car, dans cette hypothèse peu souhaitable, il perdrait doublement :

  • Au plan juridique, parce qu’il y aurait un lien de causalité direct entre sa candidature et tout ce qui pourrait survenir.
  • Au plan politique, les populations qui avaient cru en sa promesse de ne point briguer un 3ème mandat, se sentiraient abusées, et que par ruse, elles avaient été amenées à accourir avec enthousiasme pour voter ‘Oui’ lors du referendum de 2016. Ceci aurait pour conséquence, une rupture morale dont le corollaire est la rupture politique.

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