De la mise en circulation clandestine de billets contrefaits à leur recyclage dans l’économie formelle, l’argent issu du faux monnayage suit des circuits complexes, et bien sûr invisibles. À travers les trois grandes étapes du blanchiment – placement, empilage, intégration -, les réseaux criminels transnationaux exploitent les failles des systèmes financiers mondiaux.
Un mécanisme insidieux qui menace la stabilité économique et alimente d’autres formes de criminalité organisée. L’argent issu du faux monnayage emprunte des circuits particulièrement complexes et diversifiés, souvent orchestrés par des réseaux transnationaux bien structurés. Trois étapes ont été décrites par le criminologue et économiste américain Peter Reuter : placement, empilage, intégration. « Dans un premier temps, les fonds sont introduits dans l’économie par des transactions en espèces dans des secteurs à forte intensité de liquidité, comme les marchés informels ou les petites entreprises faiblement régulées. Ce processus repose souvent sur la complicité de partenaires locaux ou d’entreprises de façade.
À cette étape, les fonds peuvent également être transportés physiquement à travers les frontières vers des juridictions où la régulation financière est moins rigoureuse, à l’instar de la Thaïlande ou les Emirats Arabes Unis », explique Julien Briot-Hadar. Une fois introduits, les fonds subissent un processus de fractionnement des dépôts (on parle dans le monde du blanchiment d’argent de smurfing) et de multiplication des transactions destinés à brouiller leur origine. Cela inclut des transferts internationaux via des comptes bancaires anonymes, des sociétés-écrans et des prête-noms, ou encore l’utilisation de fausses factures pour simuler des échanges économiques légitimes.
D’après toujours Julien Briot-Hadar, la réintégration des fonds dans l’économie formelle passe ensuite par des investissements dans des secteurs stratégiques, comme l’immobilier, les œuvres d’art ou les métaux précieux (l’achat d’or aux Emirats Arabes Unis notamment). « Ces actifs offrent un moyen de convertir les capitaux en valeurs légitimes et traçables », dit-il. Par ailleurs, la création ou la reprise d’entreprises légales permet de générer des revenus déclarés à partir de capitaux illicites. Les systèmes financiers alternatifs, notamment dans des pays connus pour leur opacité, complètent ces stratégies en offrant des solutions adaptées pour la réintégration.
Enfin, ajoute l’expert, les réseaux de faux monnayage interagissent souvent avec d’autres formes de criminalité organisée, telles que le trafic de drogues, d’armes ou encore le financement du terrorisme. Ces interactions renforcent l’impact systémique de ces activités illicites, favorisant la prolifération d’une économie parallèle qui fragilise les institutions étatiques et financières tout en alimentant l’instabilité économique et sociale.