Depuis l’annonce de la reddition des comptes, des voix ne cessent de s’élever pour demander l’extradition de personnalités de l’ancien régime vivant à l’étranger.
Ce débat s’est ravivé ces derniers jours avec le séjour annoncé de Madiambal Diagne en France alors qu’il a été interdit de sortir du territoire national. Une occasion pour le Soleil de revenir sur la coopération judiciaire entre le Sénégal et la France, mais également sur les contours du mandat d’arrêt.
Les relations entre la France et le Sénégal sont de plusieurs ordres. Ainsi, en matière judiciaire, les deux pays ont signé deux conventions de coopération. La plus récente est celle du 7 septembre 2021. Elle concerne les affaires pénales et permet des techniques d’enquête plus avancées, y compris les informations bancaires, les auditions par visioconférence et les saisies d’avoirs criminels. La première a été paraphée à Paris le 29 mars 1974. « Le Gouvernement de la République française d’une part, le Gouvernement de la République du Sénégal d’autre part, considérant les liens d’amitié existant entre les deux pays, désireux de coopérer en matière de justice sur la base de la réciprocité de l’égalité et du respect mutuels », lit-on dans les motivations du texte. Ladite convention réglemente l’entraide judiciaire, l’exéquatur des décisions en matière civile, sociale, commerciale et administrative ainsi que l’extradition. À ce propos, l’article 59 stipule que « les deux États s’engagent à se livrer réciproquement, selon les règles et sous les conditions déterminées par la présente convention les personnes qui, se trouvant sur le territoire de l’un d’eux, sont poursuivies ou condamnées par les autorités judiciaires de l’autre ». Alors que l’article 60 précise que les deux États n’extradent pas leurs nationaux respectifs, l’article 61 définit les personnes assujetties à l’extradition.
Il s’agit de celles qui sont poursuivies pour des crimes ou délits punis par les lois des deux États d’une peine d’au moins un an d’emprisonnement. Les personnes qui, pour des crimes ou délits punis par la loi de l’État requis, sont condamnées contradictoirement ou par défaut par les tribunaux de l’État requérant à une peine d’au moins deux mois d’emprisonnement sont également concernées. Cependant, l’article 62 indique que l’extradition peut être refusée si l’infraction pour laquelle elle est demandée est considérée par l’État requis comme une infraction politique ou comme une infraction connexe à une telle infraction. C’est dire que l’exécution d’un mandat d’arrêt n’est pas automatique, mais obéit bien à des règles et également à toute une procédure. S’agissant de ladite procédure, le juriste précise d’emblée que « lorsqu’un mandat d’arrêt est émis cela ne signifie pas que la personne doit être forcément mise en prison. y
D’ailleurs, le mandat d’arrêt est défini comme un acte juridique émis par une autorité judiciaire (souvent un juge d’instruction ou un procureur), ordonnant l’arrestation d’une personne afin qu’elle soit présentée devant la justice ». Il peut être délivré sur le plan interne, mais également international lorsque la personne est introuvable. La personne est soupçonnée d’avoir commis une infraction grave (crime ou délit) ou s’il existe contre elle des preuves sérieuses ou des indices graves. Le mandat peut être émis si la personne est en fuite, ne se présente pas à une convocation judiciaire, ou risque de se soustraire à la justice. Formaliser une demande d’extradition Lorsqu’un mandat d’arrêt est émis, la personne peut être arrêtée par la police à tout moment, mais également elle peut être placée en détention provisoire en attendant un procès. Au plan interne, même s’il revient au parquet de faire exécuter les peines en cas de condamnation par défaut, le juge d’instruction peut saisir directement les forces de sécurité pour l’exécution du mandat d’arrêt.
En revanche, lorsque la personne est à l’étranger, l’avis est adressé au procureur qui peut saisir Interpol. Il s’agit du mandat d’arrêt international et la personne risque d’être extradée vers le pays qui a émis le mandat. Dans ce cas de figure, on fait jouer soit les accords de coopération, ou simplement Interpol. Dans ce cas de figure, tous les pays membres d’Interpol reçoivent la notice. « Et même s’il n’y a pas un accord de coopération dès que la personne est arrêtée, quel que soit le pays où elle se trouve, Interpol le signale partout. Et dès que la personne est interpellée, on demande ensuite à l’État qui a demandé le mandat d’arrêt, de formaliser officiellement une demande d’extradition », indique notre interlocuteur.
Par la suite, entre en jeu la chambre d’accusation du pays d’accueil. La saisine est faite par le Procureur général qui passe par le ministère des Affaires étrangères pour obtenir des documents officiels. À charge au juge de la chambre d’accusation d’étudier la demande aux fins de donner son avis en tenant compte des conditions fixées par la loi. « Si la personne est poursuivie pour des infractions politiques, des délits d’opinion ou bien si elle risque la torture ou la peine de mort, il n’y aura pas d’extradition », indique le magistrat. En cas d’avis favorable, la décision ne lie pas l’autorité politique qui, dit-il, peut signer ou ne pas signer la décision d’extradition.
Par Fatou SY