Une mission du Fonds monétaire international (FMI) est en séjour à Dakar depuis hier, mardi 19 août, et ce jusqu’au 26 du mois en cours. Cette visite s’inscrit dans un contexte marqué par de vifs débats sur l’orientation des politiques économiques nationales et sur la redéfinition des relations entre l’État et ses partenaires financiers internationaux. À l’issue de cette nouvelle mission, la énième depuis l’avènement du nouveau régime, les Sénégalais seront informés de l’avenir de la coopération financière entre le Sénégal et le FMI.
Dans un communiqué officiel daté du lundi 18 août 2025, le ministère des Finances et du Budget (MFB) a précisé qu’il s’agit d’une staff-visit, autrement dit d’une mission technique de suivi visant à évaluer la trajectoire macroéconomique du pays et à engager un dialogue approfondi avec les autorités nationales sur les grandes orientations budgétaires et financières. Si elle revêt avant tout une dimension technique, cette mission s’inscrit néanmoins dans la continuité d’une relation ancienne – parfois jugée asymétrique – entre le Sénégal et le FMI. Depuis plusieurs décennies, les interventions du Fonds dans la région ouest-africaine se sont révélées déterminantes, qu’il s’agisse de l’accompagnement de programmes d’ajustement structurel, de stabilisation économique ou de réformes institutionnelles. Pour le Sénégal, ces échanges représentent à la fois une opportunité de renforcer la crédibilité de ses politiques publiques et une contrainte qui pèse sur sa souveraineté budgétaire et monétaire.
L’enjeu de cette visite dépasse donc la simple vérification comptable. Elle devrait permettre d’établir un diagnostic concerté de l’exécution budgétaire en cours, de réexaminer les hypothèses macroéconomiques retenues pour l’élaboration de la Loi de finances initiale 2026 et d’évaluer le degré d’avancement des réformes structurelles. Plus encore, elle constitue un moment stratégique de négociation susceptible de déterminer l’avenir de la coopération financière entre le Sénégal et le FMI, notamment en ce qui concerne la conclusion, longtemps attendue, d’un nouveau programme.
Après plusieurs mois de pourparlers infructueux, une interrogation centrale demeure : les deux parties parviendront-elles à rapprocher leurs positions et à formaliser un partenariat renouvelé, fondé sur des objectifs communs de stabilité macroéconomique et de croissance durable ? Les discussions en cours devraient apporter des éléments de réponse décisifs.
Toutefois, réduire cette mission à sa seule dimension économique serait une lecture partielle de la situation. Le contexte politique interne lui confère en effet une portée singulière. Le Premier ministre, M. Ousmane Sonko, a exprimé à maintes reprises ses réserves à l’égard du FMI, dénonçant une approche jugée contraignante et affirmant que le Sénégal ne saurait nourrir d’attentes excessives vis-à-vis de cette institution. Ces prises de position traduisent une volonté politique clairement assumée : celle de réorienter la politique économique nationale vers une plus grande autonomie de décision et de redéfinir les termes de la coopération avec les partenaires extérieurs.
Ainsi, la mission du FMI à Dakar ne saurait être perçue comme un simple exercice technique. Elle se situe à la croisée des enjeux financiers, politiques et diplomatiques, et pourrait bien constituer un tournant décisif dans la reconfiguration du partenariat entre le Sénégal et l’une des institutions financières internationales les plus influentes.
JEAN-PIERRE MALOU