La campagne de commercialisation de l’arachide s’ouvre sous haute pression dans plusieurs régions du centre et du nord du pays. Alors que les rendements s’annoncent globalement en hausse, producteurs et organisations paysannes exigent une revalorisation du prix au kilogramme. Un sujet largement traité ce matin par le quotidien national Le Soleil, qui revient sur les attentes pressantes du monde rural face aux coûts de production jugés exorbitants.
À Linguère, la colère gronde dès les premiers jours. Le prix plancher de 305 FCfa/Kg, maintenu l’année dernière, est considéré comme intenable par les producteurs. Sur les marchés de Touba et d’ailleurs, certains ont anticipé la commercialisation en cédant leurs stocks à des niveaux plus rémunérateurs.
Moustapha Diop, producteur à Gassane, ne mâche pas ses mots : « L’État doit fixer le prix à 500 FCfa pour garantir la survie de la filière et la dignité des agriculteurs. Les intrants, le transport et la main-d’œuvre ont flambé. Nous ne pouvons plus nous contenter de 305 FCfa. »
Même analyse chez Daouda Sakho, président de la coopérative de Doundodji, qui réclame une augmentation “importante” pour couvrir les charges et maintenir la viabilité économique des exploitations.
Sur le terrain, les services techniques confirment l’embellie agricole : selon Aliou Sow, chef de service départemental de l’Agriculture, la production arachidière connaît cette année une hausse de 15 %.
Dans le département de Louga, les perspectives sont également au vert. D’après les constats relayés par Le Soleil, la pluviométrie excédentaire et l’efficacité des interventions phytosanitaires permettent d’anticiper un bond de production de 15 %.
Mouhamadou Makhtar Mbaye, chef du SDER, détaille une campagne maîtrisée : des premières pluies dès mai, des semis lancés dans les délais et une lutte rapide contre les chenilles d’Amsacta. Résultat : pour l’arachide, les prévisions atteignent 897 kg/ha pour une production estimée à 34.218 tonnes.
À Diourbel, les producteurs affichent leur optimisme… mais restent suspendus à l’arbitrage de l’État. Ils plaident pour un prix autour de 400 FCfa/Kg.
Pour Ibrahima Ndiaye, président de l’Ugad, le prix actuel “ne reflète ni les coûts, ni la valeur réelle de la spéculation”. Il va plus loin en appelant à revoir la politique de subventions, accusée d’encourager l’entrée de “non-agriculteurs” dans le circuit. Les producteurs affirment désormais financer semences et engrais grâce aux banques, faute d’un dispositif jugé efficace.
Dans le bassin arachidier, particulièrement à Kaolack et Kaffrine, les marchés hebdomadaires débordent de graines. La production, meilleure que l’an passé, entraîne paradoxalement une chute progressive des prix : 225 FCfa/Kg actuellement, alertent plusieurs responsables paysans.
Cheikh Tidiane Cissé, président de l’Association des agriculteurs du bassin arachidier, appelle le Cnia à accélérer l’homologation du prix pour éviter que la spéculation ne s’enfonce davantage.
Dans la même dynamique, Sidi Ba, SG régional du Ccr, estime qu’un prix autour de 350 FCfa serait “raisonnable”, même si certains acteurs continuent de revendiquer les 500 FCfa. Il insiste également sur la nécessité de renforcer le capital semencier avant toute opération de vente.
Les opérateurs privés, eux, conditionnent leur engagement à l’accompagnement de l’État et au règlement de leurs factures de 2024. « Les stockeurs et semenciers sont prêts, mais attendent encore les paiements pour se repositionner », assure Djibril Diop, vice-président de la chambre de commerce de Kaolack.
Entre attentes sociales, enjeux économiques et arbitrages politiques imminents, la présente campagne arachidière s’annonce décisive. Avec une production annoncée comme l’une des meilleures de ces dernières années, le nerf de la guerre reste plus que jamais la fixation d’un prix juste, capable de satisfaire producteurs, transformateurs et opérateurs.
RTS

