Le Sénégal vient d’opérer un tournant majeur dans sa quête de transparence et de probité publique. Réunis en session extraordinaire, les députés ont adopté deux projets de loi : l’un sur l’accès à l’information, l’autre sur la déclaration de patrimoine. Des textes portés par le ministre de la Justice, Ousmane Diagne, et largement salués comme un pas décisif dans la consolidation de la démocratie et de l’État de droit.
Le projet de loi sur l’accès à l’information a été approuvé à l’unanimité. Il consacre un droit fondamental pour les citoyens : celui d’obtenir des informations auprès des institutions publiques et organismes assujettis. « Le droit à l’information ne peut être effectif que si l’information est disponible et accessible », a insisté Ousmane Diagne, soulignant que les administrations disposent désormais d’un délai maximum de cinq jours pour répondre aux demandes formulées par les usagers.
Pour garantir l’effectivité de ce droit, une Commission nationale d’accès à l’information (Conai) sera mise en place. Dotée de la personnalité juridique et d’une autonomie réelle, cette autorité administrative indépendante aura pour mission de veiller au respect du droit à l’information, de sensibiliser les citoyens, mais aussi d’enjoindre aux assujettis de prendre les mesures nécessaires pour répondre aux sollicitations. Le ministre de la Justice a présenté cette instance comme « un organe pivot dans la construction d’une administration transparente, proche des citoyens et redevable de ses actes ».
Soucieux de dissiper certaines inquiétudes exprimées dans l’hémicycle, Ousmane Diagne a précisé que cette nouvelle loi ne vise pas à fragiliser l’État, mais à renforcer la confiance entre gouvernants et gouvernés.
« L’accès à l’information doit se faire dans le respect de la responsabilité individuelle et collective, en tenant compte de la sensibilité de certaines données susceptibles de menacer la paix ou l’ordre public », a-t-il rappelé.
Le second texte adopté porte sur la déclaration de patrimoine. Voté par 130 députés contre une seule abstention, il élargit le champ des assujettis à de nouvelles catégories d’élus et d’agents publics exposés à des risques de corruption.
Désormais, les membres du Bureau de l’Assemblée nationale, les magistrats, les gouverneurs, préfets, procureurs et responsables de secteurs stratégiques (mines, hydrocarbures, domaine) devront se soumettre à l’obligation de déclaration.
Ousmane Diagne a défendu avec vigueur ce projet de loi, en soulignant qu’il s’inscrit dans le cadre de l’Agenda national « Sénégal 2050 », qui place la transparence au cœur des politiques de développement.
« La volonté du président de la République est claire : instaurer une culture de redevabilité et permettre la publication des rapports de tous les corps de contrôle », a expliqué le garde des Sceaux. Selon lui, l’élargissement du champ des assujettis répond à une exigence de bonne gouvernance et constitue une arme efficace contre l’enrichissement illicite et les conflits d’intérêts.
Le ministre a aussi tenu à rassurer les députés sur certaines interrogations techniques. Concernant les biens détenus à l’étranger, il a indiqué que « ce qui compte n’est pas la localisation, mais l’existence du bien », rappelant que toute omission volontaire pourra être considérée comme un indice de fraude. Il a également insisté sur la périodicité des déclarations, fixée à trois mois après la nomination ou l’élection, et à la cessation des fonctions, sauf en cas de décès.
Au sein de l’hémicycle, plusieurs députés ont salué ces réformes qualifiées d’« historiques ». Certains y voient un outil majeur pour relancer le journalisme d’investigation, d’autres un signal fort envoyé à la société civile et aux bailleurs internationaux.
Les élus de la majorité ont, pour leur part, souligné que ces textes traduisent la rupture prônée par les nouvelles autorités et contribuent à honorer l’engagement de bâtir un État plus transparent et responsable.
Le Garde des Sceaux a réaffirmé la détermination du gouvernement à appliquer ces lois dans les meilleurs délais. « Les conditions sont aujourd’hui réunies pour rendre effectif le droit à l’information et garantir une meilleure reddition des comptes. Ce sont des pas concrets vers une gouvernance fondée sur la transparence, la rigueur et la probité », a-t-il martelé.
Avec l’adoption conjointe de ces deux lois, le Sénégal se dote ainsi de nouveaux outils pour renforcer la confiance entre citoyens et institutions. Une étape décisive qui, selon les parlementaires et le gouvernement, marque un tournant dans la lutte contre la corruption et l’opacité, et ouvre la voie à une gouvernance plus démocratique et plus responsable.
S. G