Alors que le Sénégal poursuit sa marche vers la souveraineté alimentaire, le projet de budget 2026 du ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Élevage (Masae) affiche une réduction en crédits de paiement. Cette diminution, expliquée par la fin de certains projets, ne reflète cependant pas la totalité des efforts de l’État, selon le gouvernement.
Le Sénégal s’est résolument engagé sur la voie exigeante de la souveraineté alimentaire, le projet de budget 2026 du ministère chargé de ce chantier stratégique, le Masae, arrive sur la table du Parlement avec un chiffre qui, à première vue, pourrait sembler contre-intuitif. Si les autorisations d’engagement (Aa) représentant la capacité à contracter des dépenses sur plusieurs années s’élèvent à un montant substantiel de 427.006.218.466 milliards de FCfa, les crédits de paiement (Cp) l’argent réellement liquide disponible pour l’exercice 2026 sont estimés à 247,586 milliards de FCfa.
Cette divergence entre les deux agrégats, mécanisme classique de la gestion publique moderne, souligne l’importance des investissements pluriannuels et structurants dans le secteur agricole. Néanmoins, c’est la dynamique annuelle qui a immédiatement alerté les vigies des finances publiques. Une analyse comparative approfondie révèle, en effet, une baisse apparente des crédits de paiement de l’ordre de 56 milliards de FCfa par rapport à l’exercice précédent, soit une contraction d’environ 19%. Cette réduction a instantanément suscité l’inquiétude des commissaires des finances et du développement rural, réunis en séance élargie pour examiner ce budget vital.
Face à cette préoccupation légitime, le gouvernement, représenté par les ministres Mabouba Diagne (Masae) et Cheikh Diba Finances et Budget, a apporté une explication contextuelle cruciale. Selon eux, cette diminution ne traduit en aucun cas un désengagement de l’État de son ambition agricole. Elle s’interprète principalement comme la conséquence technique de l’arrivée à échéance de plusieurs projets spécifiques et ambitieux, dont le financement ne peut être mécaniquement reconduit à l’identique dans l’enveloppe du Masae.
La fin de cycle de ces initiatives entraîne un réajustement naturel des lignes budgétaires, sans préjuger du lancement de nouveaux programmes. Plus fondamentalement, les deux ministres ont invité à élargir le cadre d’analyse. Ils ont rappelé avec force qu’une lecture pertinente du soutien étatique à l’agriculture ne saurait se cantonner au seul périmètre du Masae. Une enveloppe globale supplémentaire de près de 301 milliards de FCfa est en effet mobilisée pour le secteur primaire, mais elle est logée au sein d’autres portefeuilles ministériels, dans le cadre d’une approche résolument interministérielle.
Ainsi, pour ne citer que les principaux exemples, le ministère des Infrastructures consacre 95 milliards de FCfa au Projet de connectivité des zones agricoles (Pcza), essentiel pour désenclaver les bassins de production. Le ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement y injecte 79 milliards de FCfa via son Programme de désenclavement des Zones agricoles et ministères (Pdzam). Par ailleurs, la transformation des produits, maillon clé de la création de valeur, est soutenue à travers 21 milliards dans le Programme d’urgence de développement communautaire (Pudc) et environ 103 milliards de FCfa pour le développement des agropoles au ministère de l’Industrie.
Cette cartographie budgétaire éclatée dessine une stratégie d’ensemble où le Masae apparaît comme le pilote opérationnel et le garant des filières, tandis que d’autres ministères bâtissent les conditions-cadres indispensables : infrastructures de transport, gestion hydraulique, valorisation industrielle. L’effort consolidé de l’État demeure donc substantiel, visant à transformer en profondeur les bases productives du pays.
Le débat parlementaire a, toutefois, mis en lumière le fossé entre cette vision macroéconomique et les attentes pressantes des territoires, qui réclament des moyens directs, visibles et immédiats pour faire face aux défis du quotidien : accès aux semences, mécanisation, maîtrise de l’eau et juste rémunération. Le budget 2026 du Masae se présente ainsi comme le reflet financier d’une équation complexe, à concilier les investissements structurants de long terme avec les impératifs de court terme d’une population rurale en attente de résultats tangibles sur le chemin escarpé de la souveraineté alimentaire.
Pathé NIANG

