Présidant l’ouverture du premier Salon des marchés touristiques africains (Smta), qui se tient à Dakar du 8 au 11 décembre, le ministre de la Culture, de l’Artisanat et du Tourisme, Amadou Ba, a plaidé pour une stratégie africaine concertée afin de structurer durablement l’essor du tourisme sur le continent. Un secteur en croissance record, mais encore marqué par de fortes disparités d’accès, de gouvernance et de compétitivité.
Au milieu d’un protocole rigoureux et d’une représentation diplomatique soigneusement rassemblée, l’événement a des allures de moment fondateur. C’est avec un sens certain de la mesure, mais aussi avec la gravité que commande un secteur en pleine recomposition, qu’Amadou Ba, ministre de la Culture, de l’Artisanat et du Tourisme, a inauguré, hier, lundi 8 décembre, la première édition du Salon des marchés touristiques africains (Smta). Une initiative que d’aucuns, au sein du gouvernement comme parmi les délégations étrangères, considèrent déjà comme un jalon dans la construction d’un espace touristique africain mieux structuré. «Cet événement traduit la volonté du gouvernement du Sénégal de renforcer la place de l’Afrique dans les dynamiques du tourisme mondial et de donner à notre continent une voix forte et crédible dans un secteur en pleine mutation», a-t-il déclaré d’emblée, saluant la présence des délégations de la Gambie, du Maroc, de la Slovénie et de la Chine, pays invités d’honneur.
Le constat initial du ministre est sans appel. Si l’Afrique affiche une croissance de 9 % des arrivées internationales en 2025, dépassant la moyenne mondiale de 5 %, les leviers de ce secteur « névralgique de l’économie mondiale » sont encore largement gérés à partir de rencontres internationales organisées dans les marchés émetteurs. Une dépendance, selon lui, coûteuse, génératrice de «distorsion» et pesant sur des économies nationales « relativement fragiles ». Patrimoine, marque continentale et vision 2050 Pour M. Ba, ce dynamisme, reflet d’un « vent de renouveau » sur le continent, ne sera pleinement profitable que si le développement touristique est le fruit de « stratégies mûries, pensées par des acteurs conscients des réalités africaines ». Le Smta se veut donc la tribune de cette réflexion autodéterminée, un espace pour « présenter au monde notre offre telle que nous l’avons conçue ». Parallèlement, le ministre a insisté sur la nécessaire revalorisation du patrimoine africain, pointant un paradoxe douloureux : « Les trésors de mon royaume sont aujourd’hui la fierté de nombreux musées européens qui en profitent à travers leur tourisme interne et international».
Au-delà des formes classiques de tourisme (balnéaire, affaires), il a, en effet, appelé à une « structuration » autour des patrimoines et à un travail sérieux sur la « marque Afrique ». Le défi crucial de la connectivité aérienne Cette ambition s’inscrit, au Sénégal, dans le cadre de la Vision 2050, où le tourisme est érigé en « moteur de croissance » et en «secteur booster» pour l’ensemble de l’économie. Bien organisé, argumente le ministre, il permet de valoriser les cultures, de rentabiliser les infrastructures et de générer une demande soutenue pour les produits des secteurs primaire et secondaire, tout en créant emplois et revenus. Toutefois, cette vision se heurte à des obstacles infrastructurels de taille. M. Ba a insisté avec force sur le rôle clé des transports, « notamment aériens ». « À ce jour, nous avons les billets d’avion les plus chers au monde, ce qui limite fortement notre compétitivité », a-t-il déploré, lançant un appel à la mutualisation des moyens à l’échelle continentale pour « lever les contraintes à la compétitivité de notre système de transport aérien ».
Cette question est présentée comme une condition sine qua non pour capter une plus grande part de la valeur générée par les flux touristiques. Par ailleurs, Amadou Ba a plaidé pour une pérennisation de ce type de rencontres afin de « soutenir et d’orienter la forte tendance du tourisme africain », et non de la subir. Il a appelé à des « politiques vigoureuses et réalistes», fruit d’efforts conjoints des États et des instances économiques supranationales. «Je me ferai le plaisir d’être votre avocat auprès du Président de la République », a-t-il assuré avant de déclarer ouvert le Smta, appelant de ses vœux un « plein succès et une longue durabilité » à cette initiative qui se veut l’aube d’une nouvelle ère pour le tourisme africain.
Abdoulaye Diop, ministre de la Culture, du Tourisme de la Gambie, « l’union fait la force touristique »
Lors de sa prise de parole au Salon des Marchés Touristiques africains, le ministre gambien Abdoulaye Diop a livré un plaidoyer vibrant pour une approche collective et solidaire du développement touristique en Afrique. Pour lui, la clé du succès réside dans la coopération régionale et la valorisation des patrimoines partagés. « En voyageant en Afrique, en investissant dans les destinations africaines et en partageant nos histoires, nous pouvons débloquer d’immenses bénéfices économiques et sociaux », a-t-il affirmé avec conviction.
Cette vision pragmatique place le tourisme intra-africain au cœur d’un cercle vertueux de croissance et de création d’emplois. M. Diop a particulièrement insisté sur les liens fraternels unissant la Gambie et le Sénégal, invitant pays d’honneur du salon. « En tant que voisins, nous partageons une histoire et une culture communes. La Gambie est un partenaire naturel du Sénégal », a-t-il rappelé, soulignant le potentiel d’itinéraires touristiques transfrontaliers et de promotions conjointes. Il a chaleureusement remercié le gouvernement sénégalais et son ministère de la Culture pour «l’ampleur de son leadership » dans l’organisation de cet événement fondateur. Son intervention s’est articulée autour de l’impératif de construire une offre africaine intégrée, capable de retenir la valeur générée par le tourisme sur le continent. En promouvant les voyages entre nations africaines et en mutualisant les efforts de marketing, l’Afrique peut, selon lui, construire une industrie plus résiliente et souveraine, où chaque destination tire profit de la complémentarité de ses voisins.
Pathé NIANG

