Dans une affaire financière complexe opposant l’homme d’affaires Bocar Samba Dièye à Attijari Bank (ex-CBAO), un rapport d’expertise judiciaire a mis en lumière des pratiques bancaires sévèrement critiquées et a abouti à une conclusion renversante. SElon le document, c’est la banque qui serait redevable envers son client. Ce rapport, homologué par la Cour d’appel de Dakar, est au cœur d’une plainte avec constitution de partie civile déposée par M. Dièye pour « escroquerie et recel d’immeubles » .
Selon Libération, le différend porte sur le solde d’un compte courant. Attijari Bank réclamait à Bocar Samba Dièye la somme de 7,166 milliards de FCFA, affirmant que ce montant représentait le solde débiteur des opérations de compte courant .
En face, la défense de l’opérateur économique soutenait que la créance de la banque devait être ramenée à 1,581 milliard de FCFA après compensation avec une traite contestée d’une valeur de 5,65 milliards de FCFA. Cette divergence radicale a rendu nécessaire une nouvelle expertise comptable, ordonnée par la justice pour « faire les comptes entre les parties ».
Pour trancher ce différend, la Cour d’appel de Dakar a confié une mission d’expertise au cabinet Finexco. L’expert judiciaire, un technicien indépendant désigné par le juge pour éclairer ce dernier sur des points techniques, a pour mission fondamentale de fournir des informations objectives et impartiales .
Dans le cadre de sa mission, l’expert a répétitivement demandé communication de la convention de compte courant qui liait les deux parties. Ce document est pourtant essentiel, car il défit les règles du prêt, notamment le taux d’intérêt conventionnel appliqué, souligne le journal . Malgré ces demandes, la CBAO n’a pas été en mesure de produire le document, invoquant l’impossibilité de le « retrouver dans le fond de dossier », tout en reconnaissant son existence probable.
Incapable de se baser sur une convention écrite, l’expert a procédé à l’analyse détaillée de l’historique du compte. Selon ses conclusions, la banque a capitalisé les intérêts échus (c’est-à-dire qu’elle a calculé des intérêts sur des intérêts déjà dus) sans pouvoir justifier cette pratique par une « convention spéciale » ou une décision de justice, comme l’exige la loi .
L’expert a identifié et quantifié des intérêts indus d’un montant de 388 452 420 FCFA qui, selon lui, doivent être déduits de la créance réclamée par la banque. Les investigations ont révélé des agios exorbitants et le maintien du compte en position débitrice de manière arbitraire pendant plus de 60 mois .
Après le retrait de la traite irrégulière et la déduction des intérêts indus et d’autres agios, l’expert a recalculé le solde définitif du compte. Contrairement aux allégations de la banque, ses calculs démontrent que le solde est en faveur de Bocar Samba Dièye.
L’expert se montre catégorique dans ses conclusions finales : c’est Attijari Bank qui devrait à l’homme d’affaires la somme de 879 002 411 FCFA, conclut le canard.
Aminata Diouf