Du 25 novembre au 10 décembre, les 16 jours d’activisme rappellent l’urgence de lutter contre toutes les formes de violences faites aux femmes et aux filles. Parmi elles, la violence morale ou psychologique, trop souvent invisible, laisse pourtant des maux profonds causés par des mots destructeurs.
« Mon mari ne s’en rend pas compte mais il est très violent dans ses propos », confie Awa lo sous le ton de la confidence. Mariée depuis deux ans, la femme de 32 ans peine toujours à faire fi des «commentaires désagréables» de son époux. « Ce sont des reproches à plus en finir au quotidien », dit-elle peinée. La femme noire aux formes callipyges affirme vivre difficilement ces mots. « Il est difficile à satisfaire. J’ai l’impression que les mots doux ne font pas partie de son vocabulaire », avoue-t-elle avec tristesse. Celle dernière affirme avoir du mal à supporter la violence des mots de son compagnon.
La violence à l’égard des femmes et des filles n’est pas que physique. En psychologie sociale, la violence verbale ou violence psychologique est un acte de langage dont l’intention est de blesser ou de mettre en colère une autre personne. Cette forme de comportement implique l’utilisation du langage oral ou écrit.
« Pata pouf », « mbeur mii » sont, entre autres, les remarques auxquelles a dû faire face Mamy Diokhané étant plus jeune. La femme de 28 ans dit avoir mal vécu ces mots. Les remarques désobligeantes sur son corps plus connues sous l’anglicisme «body shaming » ont marqué au fer rouge l’entrepreneure. « C’était vraiment violent. Il m’arrivait de retourner ces mots dans ma tête », confie-t-elle plongée dans un autre temps. Aujourd’hui, avec des années en prime, la plantureuse dame ne laisse plus personne faire des remarques sur son poids. Elle confie avoir su développer un «mental d’acier» face à cela et dit être bien dans son corps et dans sa tête.
Un mal synonyme de mal-être
La violence psychologique accompagne toutes les autres formes de violence. Elle est très fréquente mais aussi très subtile selon Madjiguene Sarr, psychologue. Elle avance que cette forme de violence est insidieuse, diffuse, à la limite hypocrite au point d’être difficile à reconnaitre. Cette forme de violence consiste à tenir des propos ou agir en droit de quelqu’un de façon à lui faire peur, à l’humilier, à lui faire mal ou à lui ôter sa dignité.
« Elle va se faire voir par des mots, des comportements qui peuvent paraitre anodins. Mais elle finit par générer un mal être grandissant et profond chez l’individu par le fait de la répétition», a fait savoir la spécialiste. C’est l’intégrité psychologique, psychique de la personne qui est agressée. La personne est atteinte dans sa valeur en tant qu’individu. La violence se fait entrevoir par un usage répété et surtout délibéré de mots qui vont viser à blesser, faire du mal, à manipuler et à agresser. « Malheureusement cette forme de violence est banalisée au Sénégal. C’est ce qui exacerbe ses conséquences et ses effets sur la victime », relève Madjiguene Sarr. « Injures, manipulations, dénigrements, caricatures sont vraiment monnaie courante et sont légitimés », souligne la psy. La banalisation de cette forme de violence peut être due à sa subtilité d’après la spécialiste.
La violence peut perturber l’équilibre psychologique de la personne. « Elle agit directement sur le psychisme et s’avère plus grave que la violence physique », explique-t-elle. Les conséquences peuvent aller de l’anxiété jusqu’à la tentative de suicide, la dépression, le stress. La spécialiste préconise donc aux victimes de savoir dire non ,de prendre conscience du problème, d’aller voir un spécialiste et de savoir établir des limites.
Arame NDIAYE

