Par un emprunt obligataire, le Sénégal a mobilisé plus de 450 milliards de FCfa. Le record parmi les trois opérations de cette année 2025. Il s’agit d’une émission à des taux intéressants, dans un contexte particulier, qui ouvre des perspectives, selon le spécialiste en intelligence économique, Ciré Gaydel Lô.
L’Appel public à l’épargne du Sénégal s’est soldé par un franc succès. Sur un objectif de 300 milliards de FCfa, plus de 450 milliards de FCfa, ont été mobilisés. Pour le spécialiste en intelligence économique, Ciré Gaydel Lô, il s’agit d’un record d’une couverture de 150%, à un moment stratégique où le pays négocie avec le Fmi et fait face à une dégradation de sa notation par Moody’s. « Le 10 octobre 2025, l’agence Moody’s dégradait la note souveraine du Sénégal de B3 à Caa1, une notation qui place notre pays dans la catégorie des emprunteurs à haut risque. Quelques jours plus tard, alors que s’ouvrent les négociations formelles avec le Fmi lors des Assemblées annuelles prévues en mi-octobre, nous découvrons le succès retentissant de notre troisième Appel public à l’épargne (Ape 3) », a constaté le spécialiste.
Pour lui, cette séquence n’a rien d’accidentel, puisqu’elle illustre une « transformation profonde de la posture économique sénégalaise », passant d’une logique de dépendance à une stratégie d’autonomisation progressive. « Le message est clair : le Sénégal dispose désormais d’alternatives crédibles aux financements conditionnels traditionnels », indique Ciré Lô Gaydel. Pour lui, les taux d’intérêt varient entre 6,40% et 6,95%, selon la maturité des obligations, qui s’échelonne de 3 à 10 ans. Si ces taux sont certes supérieurs à ceux pratiqués par le Fmi (généralement entre 2% et 4%), ils intègrent, d’après lui, un « prémium de souveraineté ». À l’en croire, l’opération a mobilisé trois catégories d’investisseurs. Il s’agit des institutions financières régionales (banques, compagnies d’assurance, fonds de pension de l’Uemoa), des investisseurs institutionnels internationaux et de la diaspora sénégalaise qui a répondu massivement à cet appel patriotique.
Dans un contexte de dialogue avec le Fmi, il estime que le succès de l’Ape 3 transforme radicalement l’équation de ces négociations. « Le Sénégal n’est plus un demandeur contraint, acceptant des conditionnalités faute d’alternative. Il devient un partenaire disposant d’options, capable de négocier d’égal à égal ou même de différer un accord jugé insuffisamment avantageux », renseigne Ciré Lô Gaydel.
En outre, il estime que le fait que les investisseurs institutionnels, disposant de leurs propres équipes d’analyse, aient massivement souscrit à l’émission sénégalaise, malgré la notation Caa1, suppose que le marché accorde plus de crédit aux fondamentaux réels qu’aux évaluations des agences. Le succès de cette émission, ajoute l’expert, démontre la capacité de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) à financer ses propres membres. Le marché financier régional gagne en profondeur et en liquidité, réduisant progressivement la dépendance aux marchés internationaux.
Demba DIENG