Le procès du chroniqueur Abdou Nguer s’est tenu ce mercredi devant le tribunal correctionnel de Dakar. À l’issue de l’audience, son avocat, Me El Hadji Diouf, s’est adressé à la presse pour dénoncer ce qu’il considère comme une injustice flagrante à l’encontre de son client.
« Les débats sereins ont prouvé que dans ce pays, tout le monde est en sursis. Arrêter Abdou Nguer ne peut pas s’expliquer et à la barre du tribunal aujourd’hui, on n’a pas trouvé d’explication à l’arrestation de ce brave garçon, intelligent, malgré son bon niveau d’instruction, mais qui commente l’actualité avec tellement de rigueur, tellement d’honnêteté. Cela fait mal parce qu’Abdou Nguer est suivi par tous les Sénégalais, c’est pourquoi la Sen TV l’a recruté, c’est pourquoi il est payé par la Sen TV et il est sollicité par d’autres organes de presse », a déclaré Me El Hadji Diouf.
Selon la robe noire, le chroniqueur « dérange parce qu’il dit la vérité ». « Les débats d’aujourd’hui, à la barre du tribunal, ont prouvé que ce garçon avait raison sur tout le monde, qu’il faisait correctement son travail, qu’il n’a pas dénigré, qu’il n’a pas diffusé de fausses nouvelles, qu’il n’a pas offensé le chef de l’État, qu’il n’a pas fait l’apologie des crimes et des délits. Tout ça a été inventé pour le maintenir, le retenir en prison, pour l’empêcher d’occuper le plateau, pour participer au réveil des consciences des Sénégalais », a-t-il dit.
« Nous avons confiance aux juges du siège »
Revenant sur le réquisitoire du procureur deux ans de prison dont un ferme et une amende de 500 000 francs CFA, Me Diouf a ironisé.
« Il peut requérir 1 000 ans, mais nous, nous avons confiance aux juges du siège, qui ne reçoivent d’autre personne. Mais comme vous le savez, le parquet n’est pas indépendant, il dépend du ministère de la Justice, qui dépend de la primature, qui dépend de la présidence de la République. Donc on demande 1 000 ans, 10 000 ans, 30 000 ans pour le brillant Abdou Nguer ; moi, ça ne me dérange pas du tout, ce n’est pas mon problème, ça nous fait rire, parce qu’il n’y a pas matière à entrer en voie de condamnation. »
L’avocat a ensuite contesté la qualification de « diffusion de fausses nouvelles ». « Il faudrait qu’on nous montre la nouvelle avant qu’elle ne soit fausse ; on ne nous a pas sorti une nouvelle. Parce que même dire qu’on doit faire l’autopsie de feu Badio Camara, ce n’est pas une nouvelle. C’est ça l’éthique entre les deux, dans ce premier temps. Alors que même Abdou Nguer, le vrai, n’a jamais parlé d’autopsie du corps de Badio Camara, c’est le faux Abdou Nguer qui en a parlé. Tous les deux ont été arrêtés pour diffusion de fausses nouvelles, mais il n’y a même pas une nouvelle pour qu’elle soit fausse en vrai, en disant qu’il faut une autopsie. »
« L’apologie du crime n’existe pas dans le discours d’Abdou Nguer »
Concernant le chef d’offense au chef de l’État, Me Diouf estime que son client n’a fait que commenter des chiffres publics.
« Abdou Nguer a dit qu’il y a un écart de 104 milliards de FCFA découverts par la Cour des comptes entre les 278 milliards laissés au Sénégal par le gouvernement de Macky Sall et les 174 milliards déclarés comme argent trouvé sur place, la Cour des comptes a trouvé un écart de 104 milliards. Vous avez osé parler de cet écart de 104 milliards de francs CFA et lui demander des explications. Où sont passés les 104 milliards qui constituent un écart entre l’argent déclaré par le nouveau gouvernement et l’argent laissé ici par les anciens gouvernants ? C’est honteux. C’est ridicule, quand on invente des infractions pour éliminer une personne, un chroniqueur, un Sénégalais… »
Quant à l’accusation d’apologie du crime, l’avocat la qualifie de « pure invention » : « On sous-entend ici qu’Abdou Nguer a souhaité que le peuple sénégalais se mette à s’entretuer, qu’on tue le maximum de Sénégalais ? Il serait fier de voir tous les Sénégalais tués ? Abdou Nguer n’a jamais dit ça. C’est ce qu’on appelle en Wolof « Soss » (calomnie/mensonge). La fausse nouvelle ne vient pas d’Abdou Nguer, mais vient d’ailleurs. C’est une fausse nouvelle qu’on a voulu coller à Abdou Nguer, cette apologie qui n’existe point dans le discours d’Abdou Nguer ».
Confiant, Me El Hadji Diouf conclut : « Pour ces trois infractions, on les a battues en brèche, on les a écartées après les débats. Je suis sûr que le tribunal est édifié, qu’il va relaxer purement et simplement le brillant chroniqueur, ce garçon qui est victime de l’arbitraire, d’une arrestation arbitraire et injuste. Je pense qu’il va recouvrer la liberté parce qu’il a déjà conservé sa dignité ».