Ziguinchor et l’ensemble de sa population se souviennent ce vendredi du « Joola », ce ferry sénégalais qui le 26 septembre 2002, sombrait au large des côtes gambiennes, emportant avec lui plus de 2000 vies. D’ailleurs coïncidence pour coïncidence c’est un jour de vendredi le 27 septembre 2002 que Ziguinchor et sa région ont été informés de cette tragédie maritime. Vingt-trois ans plus tard, la douleur reste vivace, le deuil inachevé, et les familles des victimes poursuivent une quête de vérité et de justice, dans une atmosphère mêlée de résignation et d’espoir.
Entre le cimetière Kanténe où sont inhumés quarante-deux personnes et le port de Ziguinchor point de départ du bateau le 26 septembre 2002, les autorités administratives, religieuses, les familles de victimes et rescapés et populations sous la direction du ministre de la Culture rendent hommage ce matin aux 1863 naufragés officiellement recensés dans cette catastrophe maritime
Ce 26 septembre marque une tâche noire dans l’histoire de cette région sud qui a payé un lourd tribut au drame du Joola. Une tragédie maritime qui a emporté avec elle plus de deux milles personnes. Ce drame a endeuillé des centaines de familles, principalement originaires de Casamance.
Des enfants, des étudiants, des commerçants, des militaires, tous ont péri dans l’indifférence d’une mer déchaînée… et, depuis, dans le silence assourdissant des institutions. Le port de Ziguinchor point de départ de ce navire le 26 septembre 2002 sera le point focal des activités commémorant ce 23ème anniversaire. Le ministre de la Culture qui dirige la délégation officielle présidera les rituels de cet an 23 à Ziguinchor qui verra les familles des victimes raviver la mémoire collective et réaffirmer des revendications inchangées. Cette année, la commémoration placée sous le thème 23 ans après le Joola, l’urgence du souvenir l’impératif du changement de comportement » reste un appel vibrant de la conscience collective qui invite à transformer le souvenir douloureux et une force motrice pour l’action et la prévention afin de garantir qu’une telle catastrophe ne se reproduise plus jamais selon les famille des victimes mobiles déjà depuis plusieurs jours à Ziguinchor pour les préparatifs ce cet an 23 du Joola .
Vérité et justice, un besoin fondamental pour honorer la mémoire des disparus
Dès les premières semaines qui suivirent le naufrage, des voix s’élevèrent pour exiger des comptes. Une enquête fut ouverte, mais elle se conclut par un non-lieu. Ni condamnation, ni procès. Le capitaine du navire, disparu dans la tragédie, servit de bouc émissaire, tandis que les responsabilités politiques, administratives et logistiques ne furent jamais établies. C’est pourquoi les familles continuent de raviver leurs doléances. « Nous soumettons à l’État cinq points d’attention cruciaux, avec l’espoir que nos préoccupations trouvent un écho favorable et constructif », déclara le nouveau président de l’Association nationale des familles des victimes (ANFV/Joola), Cyprien Lopy, qui insiste sur la vérité et la justice : « Vingt-trois ans après le Joola, le dossier demeure une blessure ouverte. Nous lançons un appel solennel pour que la lumière soit faite, que la vérité éclate et que justice soit rendue. Ce n’est pas une quête de vengeance, mais un besoin vital de clarté, afin que les familles trouvent enfin la paix et que la mémoire de nos disparus soit honorée. » Le renflouement de l’épave demeure aussi une exigence essentielle. Le poids du deuil est alourdi par l’absence de sépultures. Pour nombre de proches, la douleur s’accroît de cette absence : pas de corps, donc pas de tombe. La majorité des victimes n’ont jamais été retrouvées, laissant des milliers de familles dans une incertitude implacable. « Comment faire son deuil sans pouvoir enterrer ses morts ? » s’interroge ainsi Mme Cissé, qui perdit son mari dans la tragédie. Aujourd’hui, comme lors des commémorations précédentes, les familles réitèrent cette exigence : renflouer l’épave, recueillir les ossements, ces vestiges sacrés qui offriraient un deuil symbolique. Elles demandent aussi la mise en service, dans les plus brefs délais, du Mémorial-Musée Joola, lieu de mémoire et de recueillement attendu depuis trop longtemps.
Ce devait être un trajet de routine. Le Joola, parti de Ziguinchor, devait rejoindre Dakar. À son bord, plus de 2 000 passagers, alors que le ferry était conçu pour en transporter 580. Dans la nuit du 26 septembre 2002, pris dans une tempête, le bateau chavire au large de la Gambie. En quelques minutes, il sombre, ne laissant que 64 survivants. Chaque année, à la date anniversaire, Ziguinchor et ses populations organisent des cérémonies de commémoration. Mais ces gestes symboliques ne suffisent pas à apaiser les familles, encore marquées par l’abandon ressenti après le drame. Le devoir de mémoire continue d’être un combat pour les rescapés et les familles de victimes qui ont fini de taire leurs querelles de positionnement. UN nouveau bureau dirigé par Cyprien LOPY a été mis en place
Vingt-trois ans sont passés. Une génération est née depuis le drame. Certains jeunes aujourd’hui ignorent même ce qu’est le Joola. Ce silence est une menace pour la mémoire collective. Pourtant, dans certaines familles, on transmet le souvenir, comme un héritage douloureux mais nécessaire. Le Joola, ce n’est pas qu’un naufrage. C’est aussi un symbole :de l’oubli des régions périphériques, de la résurgence des comportements inadéquats en atteste la longue liste des accidents de la route à cause de l’inconscience et de l’insouciance de certains. En cela, la mémoire du Joola est un combat politique autant que mémoriel. A mesure que les années passent, le risque de l’oubli grandit. Mais la douleur des familles reste intacte. À travers commémorations, plaidoyers, et appels à la justice, elles refusent que le naufrage du Joola soit relégué au passé. Car tant que la vérité ne sera pas dite, tant que la justice ne sera pas rendue, les morts du Joola continueront de hanter la mémoire d’un pays qui peine encore à regarder ce drame en face.
IGNACE NDEYE

