Thierno Bocoum a réagi à la décision de la Cour suprême concernant le recours de Barthélémy Dias. Selon l’ancien député, ce rejet soulève de sérieuses interrogations sur le plan juridique. Il rappelle qu’aucun acte administratif n’a destitué Barthélémy Dias de son mandat de maire de Dakar. À ses yeux, il n’a jamais été question d’une « radiation » ni d’une « destitution » du maire.
Le président du mouvement AGIR estime ainsi que la haute juridiction « s’est aventurée à entériner une fiction juridique, en substituant son interprétation à la lettre claire de la loi et à l’arrêté préfectoral ».
Ci-dessous l’intégralité de son texte :
Cour suprême : comment confirmer une radiation qui n’a jamais existé ?
La décision rendue par la Cour suprême interroge profondément sur le plan juridique. En effet, nul acte administratif n’a jamais destitué Barthélémy Dias de son mandat de maire de Dakar.
Le préfet de Dakar, dans son arrêté, s’est limité à déclarer: « Je vous déclare démissionnaire de votre mandat de conseiller municipal de la Ville de Dakar, à compter de la date de notification de la présente. »
Il n’a donc jamais été question d’une radiation du maire de Dakar, encore moins d’une destitution de ce dernier.
Le droit positif sénégalais est pourtant sans ambiguïté. L’article 92 nouveau de la loi n°2021-38 du 3 décembre 2021 portant Code général des collectivités territoriales dispose que : « Le maire de ville est élu au suffrage universel direct. »
À ce titre, le maire bénéficie de prérogatives propres à sa fonction, distinctes de celles d’un conseiller municipal (article 92 nouveau, article 171 et suivants du Code général des collectivités territoriales).
Le mandat de conseiller municipal et celui de maire de ville sont certes concomitants dans le temps mais ils procèdent de deux élections distinctes.
Le maire est candidat au suffrage universel direct. Il n’est plus désigné par ses pairs comme c’était le cas dans l’ancien système.
Par conséquent, la perte du mandat de conseiller municipal n’entraîne pas ipso facto la perte du mandat de maire.
Sous l’ancien régime électoral, le maire devait nécessairement être conseiller municipal avant d’être élu par le conseil. Dans ce schéma, la perte du statut de conseiller pouvait logiquement affecter celui de maire.
Cependant, la réforme de 2021 a consacré une indépendance totale entre les deux mandats. Le maire est élu directement par les citoyens. Dès lors, toute tentative de déduire la destitution du maire de la perte de son mandat de conseiller municipal procède d’une confusion juridique.
Le préfet n’a pas pris d’arrêté de radiation du maire de Dakar. La Cour suprême n’était donc en possession d’aucun acte administratif destituant le maire de son mandat. Comment alors peut-elle confirmer une radiation qui n’a jamais eu lieu ?
En réalité, la haute juridiction s’est aventurée à consacrer une fiction juridique, substituant son interprétation à la lettre claire de la loi et à l’arrêté préfectoral lui-même.
Ainsi, la décision de la Cour suprême, loin de consolider le droit, ouvre un dangereux précédent qui est celui d’avaliser une sanction administrative inexistante.
La question demeure entière et implacable : par quelle alchimie juridique peut-on confirmer une radiation qui n’a jamais été prononcée ?
Thierno Bocoum
Président AGIR-LES LEADERS