Un bras de fer a opposé le Réseau gazier du Sénégal (Rgs) à la Direction centrale des marchés publics (Dcmp) à propos du contrat résultant de l’appel d’offres ouvert international en deux étapes pour l’ingénierie, la fourniture, la construction et le financement du projet Gazoduc. L’Autorité de régulation de la commande publique a du abriter.
Par lettre du 09 juillet 2025, estampillée confidentielle, reçue au bureau du courrier de l’Arcop, le Réseau gazier du Sénégal (Rgs) a saisi le Comité de règlement des différends (Crd) pour contester l’avis néga‐ tif émis par la Dcmp dans le cadre de l’examen juridique et technique du projet de contrat relatif à «la fourniture, construc‐ tion et le financement (Epc‐F) du projet de gazoduc reliant le hub/terminal de Gta à la centrale électrique de Gandon Ccgt en un lot unique », passé par appel d’offres international en deux étapes, attribué provisoirement au Groupement Sicilsado Spa/En‐ erco Spa/Micoperi Spa, pour un montant de 181 858 162 064 Fcfa Ht Hd et pour un délai de 14 mois.
Dans sa lettre, le Rgs in‐ forme que la procédure de mise en concurrence est achevée et que le projet de contrat, engagé depuis avril 2025, a été soumis à la Dcmp pour avis juridique et technique le 14 mai 2025, confor‐ mément à son manuel de procé‐ dures. Selon le Rgs, la Dcmp a d’abord rejeté le dossier dans sa réponse du 4 juin 2025, en s’ap‐ puyant principalement sur le Dao et le rapport d’évaluation, alors que seule l’analyse du projet de contrat était requise, le Dao ayant été lancé avant la valida‐ tion du manuel de passation. Le Rgs précise avoir intégré cer‐ taines remarques jugées perti‐ nentes et fait observer que lors d’une réunion, tenue le 8 juillet 2025, la Dcmp a même reconnu la conformité du dossier mais a refusé de délivrer son avis de non‐objection, invoquant quatre manquements qu’elle considère comme substantiels, tout en re‐ commandant de saisir l’Arcop.
Le Rgs soutient contester pour sa part, le caractère jugé subs‐ tantiel de ces manquements au regard des enjeux du projet et du respect des procédures éta‐ blies. Les arguments du Réseau gazier du Sénégal Concernant le lancement de la procédure de passation du mar‐ ché avant la validation du Ma‐ nuel, le Rgs fait remarquer que les dispositions finales (p.22) dudit Manuel validé aménagent cette possibilité, sous réserve, « de se conformer, en ce qui concerne le contrôle a priori, à ses dispositions pour les étapes non encore couvertes ». Il dé‐ clare qu’il a respecté ces disposi‐ tions en soumettant à la Dcmp le projet de contrat pour avis juri‐ dique et technique. Sur la non‐disponibilité de la convention de financement et de l’attestation d’existence de crédits qui viole‐ rait les articles 17 et 24 du Code des obligations de l’administra‐ tion, le Rgs soutient avoir expli‐ qué à la Dcmp que le contexte national actuel concernant les engagements de crédits exports avec la suspension des signa‐ tures de tout accord de crédit ex‐ port jusqu’à la notification par le Fmi du nouveau programme ne permettent pas de disposer de la convention de financement si‐ gnée par les deux parties à date. A ce propos, il précise que le mi‐ nistère des Finances et du Bud‐ get, tenant compte du caractère prioritaire du projet de réseau gazier du Sénégal, a négocié les termes de la convention de fi‐ nancement avec la DeutchBank (Db) et est en attente de la levée de la contrainte Fmi pour procéder à la signature de ladite convention. En attendant cette signature de convention, déclare le Rgs, le Comité national de ladette publique (Cndp) dont la présidence est assurée par le mi‐ nistre des Finances et du Budget a opté pour un paiement anti‐ cipé et le lancement d’une consultation avec les banques lo‐ cales pour lever un montant équivalent à 15% du marché pour couvrir la part commerciale du fi‐ nancement et pour couvrir inté‐ gralement l’avance de démarrage (30 milliards Fcfa) afin de sécuriser le démarrage du projet et de ne pas retarder son exécution. «Avis express » de la Primature Par ailleurs, le Rgs poursuivant son argumentaire sur ce point rappelle qu’il est prévu dans le contrat (clause 20.1.1) que l’auto‐ rité contractante dispose de quinze (15 semaines après la mise en vigueur du contrat pour procéder à la signature de ladite convention; étant précisé que le contrat est approuvé après l’avis juridique et technique de l’autorité compétente.
Il signale que cette précaution avait été antici‐ pée au vu de la situation actuelle avec le Fmi. En outre le Rgs informe que la Primature a délivré en date du 19 juin 2025 un «avis expres» après revue de tous les dossiers de passation de mar‐ chés, afin d’autoriser la poursuite du processus de financement et de contractualisation. De ce fait, souligne‐t‐il, le ministre des Fi‐ nances et du Budget pourrait dé‐ livrer l’attestation d’existence de crédits mais pas la convention si‐ gnée comme l’a demandé la Dcmp. Ainsi, pour le Rgs, toutes les dispositions ont été prises en relation avec le ministère des Finances et du Budget et la Prima‐ ture pour répondre aux obligations en matière de finance‐ ment et il pense que la complexité et l’urgence du marché exigent un traitement d’exception. Le Rgs conclut sur ce point en signalant que le processus de négociation du financement du marché étant distinct de la procédure de contractualisation, les mêmes dis‐ positions s’appliquent au présent contrat et ceux à venir. A propos de la non‐acceptation de l’intégration de certaines mo‐ difications de certains points d’accords lors de la mise au point du contrat, le Rgs signale que dans le processus de mise en œuvre de projets aussi com‐ plexes et structurants, il est d’usage de « mettre au point » le contrat avec comme objectifs de clarifier certains points de non‐ conformités mineures tech‐ niques, administratives et financières pour faciliter la mise en œuvre, de prendre en compte les contraintes de l’en‐ treprise retenue qui sont incon‐ nues au moment du Dao (méthodologie, planning d’exé‐ cution, flux de trésorerie posi‐ tive…) et ainsi anticiper sur les contraintes lors de l’exécution et garantir le respect des délais et de la qualité des prestations.
Pour ce faire, précise‐t‐il, cer‐ taines clauses ont bien été discu‐ tées et légèrement modifiées d’un commun accord entre les parties mais tout en restant dans la limite des proportions accep‐ tables en la matière sans dénatu‐ rer les conditions générales du marché. Il justifie cette dé‐ marche par une logique de bonne gouvernance qui permet‐ tra, selon lui, de limiter les diver‐ gences en phase d’exécution du contrat et de limiter les exposi‐ tions de l’Etat à de futures récla‐ mations et surcoûts. Ces modifications portent sur 6 points. Pour toutes ces raisons et vu l’ur‐ gence dans la mise en œuvre du projet et les retards de près de deux mois déjà accumulés de‐ puis la saisine de la Dcmp en mai 2025, qui compromettent l’at‐ teinte des objectifs de terminer les travaux du gazoduc Nord (14 mois contractuels) pour une mise en service dès la finalisation de la centrale de Gandon prévue en avril 2026, le Rgs a sollicité l’autorisation du Crd pour la poursuite de la procédure par la conclusion de ce contrat en rap‐ pelant que l’appel à la concur‐ rence a permis de réaliser une économie de près de 50 milliards de cfa pour l’Etat du Sénégal par rapport au budget estimatif.
D’après le Rgs, la procédure s’est déroulée dans le respect des normes de transparence, par l’application des textes et régle‐ mentations et n’a fait l’objet d’aucun recours ou contesta‐ tions, avec dix‐huit (18) soumis‐ sionnaires à la 1er étape et sept (07) présélectionnés pour la deuxième étape ; le Comité na‐ tional de la dette publique (Cndp) a notamment donné un avis favorable le 03 avril 2025 à la poursuite de la procédure et à la signature d’une convention de fi‐ nancement avec la Deutsch Bank/Sace qui est l’institution fi‐ nancière proposée dans l’offre du titulaire et qui présente les meilleurs avantages. La Dcmp maintient ses réserves Pour sa part, la Dcmp précise en préambule que le projet de contrat lui a été transmis pour examen juridique et technique, accompagné d’un tableau comparatif des observations qu’elle avait précédemment formulées ainsi que les réponses apportées par le Rgs. Sur la régularité de la procédure de passation, la Dcmp soutient que la procédure de passation a été initiée avant la validation du manuel de procé‐ dures du Rgs par l’Arcop ; en l’ab‐ sence de cadre validé, le Rgs aurait du se conformer au Code des marchés publics (Cmp). Bien que le manuel validé limite la revue a priori au seul projet de contrat, la Dcmp dit être dans l’obligation de procéder au ré‐ examen complet du processus de passation, en raison des irré‐ gularités constatées et de l’ab‐ sence de transmission pour validation des Dao des deux étapes. Sur la Convention de financement et les crédits budgé‐ taires, la Dcmp renseigne que les dispositions des articles 17 et 24 du Code des obligations de l’ad‐ ministration et le point 3.3 du manuel du Rgs qui prévoient que la disponibilité de crédits doit être établie en amont de tout en‐gagement contractuel. Elle re‐ lève toutefois que dans le cas présent, la signature de la convention de financement est envisagée après l’approbation du contrat. Enfin, elle insiste sur le fait que l’attestation d’exis‐ tence de crédits ainsi que la convention de financement doi‐ vent impérativement être jointes au dossier. Pour le délai de préparation des offres, la Dcmp souligne deux manquements : le délai de 25 jours prévu pour la première étape est inférieur au délai régle‐ mentaire de 30 jours ; ensuite, l’urgence avancée par le Rgs à titre de justification n’est étayée par aucun document officiel (avis, Ano, etc.). Par rapport au modifications contractuelles post‐attribution, la Dcmp estime que des modifications impor‐ tantes ont été apportées au contrat après la phase de mise au point notamment sur les ga‐ ranties, les pénalités de retard, les conditions de résiliation et les assurances. Elle considère que ces éléments, considérés comme des critères concurren‐ tiels, ne sauraient faire l’objet de négociation ou d’ajustement après la clôture de la procédure. Sur les modifications contrac‐ tuelles supplémentaires, la Dcmp indique que d’autres mo‐ difications non justifiées ont été relevées notamment les rete‐ nues sur certificats de paiement provisoire et la limite du mon‐ tant à retenir (Page 115) ; mais aussi les modalités de règlement des fournitures (Page 116) ; compte tenu de «ces irrégulari‐ tés » relevées qu’elle juge subs‐ tantielles, la Dcmp déclare qu’elle «ne peut émettre un avis favorable en l’état actuel du dos‐ sier et recommande l’intégration complète des observations figu‐ rant dans ce rapport et dans le tableau annexé à défaut, de sai‐ sir l’Arcop pour avis et orienta‐ tion sur la conduite à tenir ». Après instruction du dossier, le Crd a estimé que « la revue a priori exercée par la Dcmp devait se limiter à l’examen du projet de contrat et à l’exclusion des étapes antérieures, telles que le dossier d’appel d’offres des deux étapes et le rapport d’éva‐ luation des offres ». Selon le gen‐ darmes des marchés publics, «les actes posés par les autorités convergent vers l’élaboration de l’acte matérialisant l’existence de crédits nécessaires à la cou‐ verture d marché ». Pour le Crd, «le non‐respect du délai régle‐ mentaire de préparation des of‐ fres pour la première étape a une incidence limitée sur le dé‐ roulement de la procédure ». D’après toujours le Crd, «les mo‐ difications contractuelles post‐ attribution ne constituent pas au regard du rapport d’évaluation des offres, des critères de concurrence susceptibles d’in‐ fluencer la mise en concurrence et l’économie du marché ». Aussi, le Crd a autorisé à titre ex‐ ceptionnel, la poursuite de la procédure sous réserve de la production d’un acte attestant de la mobilisation effective du financement ». CMG, Libération